Santa Teresa (festival musique)

Santa Teresa 2018 | Deuxième édition mouvementée…

Entre la pluie et le beau temps, le jeune festival Santa Teresa en aura vu de toutes les couleurs pour sa deuxième édition. Avec une programmation riche et éclectique, le village des Laurentides aurait pu se prévaloir d’une appréciation réjouissante si les annulations et problèmes organisationnels n’avaient pas terni la fin de semaine

 


Il y a fort à parier que cette édition de Santa Teresa fera jaser sur les réseaux sociaux et aura fait pousser des cheveux blancs aux organisateurs. Car oui, il y eu d’abord cette gestion incompréhensible samedi lorsque pendant des heures, aucune information ne fût communiquée aux festivaliers tandis ces derniers attendaient, pour beaucoup, sous une pluie battante faute d’abris.

Pourtant, un bulletin météo, ça se lit, mais visiblement pas à Sainte-Thérèse… Conséquence : double annulation du spectacle de Her (à l’extérieur puis avant Rone) tout comme ceux de The Voidz et Alice Glass, ex-membre de Crystal Castles.

Puis il y eu ce dimanche ensoleillé qui devint plus sombre avec les annulations de Ski Mask The Slump God, Trippie Redd et surtout Lil Uzi Vert qui entraînera des émeutes autour de la scène extérieure avec notamment du matériel son saccagé par des imbéciles.

On pourrait faire des raccourcis et résumer ce weekend supposé « festif » par ce triste enchaînement d’évènements embarrassants pour un festival qui grossit (peut-être trop) vite au point d’exploser en plein vol. Pourtant, malgré des manquements organisationnels (communication hasardeuse, transports en commun débordés, Cabaret BMO et Cha Cha trop étroits, indications insuffisantes sur le site, mauvaise adaptabilité selon la météo), ce serait faire injure au Santa Teresa que d’affirmer que sa deuxième édition est totalement ratée. Ratée oui, sur certains points, mais surement pas totalement car on a eu droit à certains moments magiques.

Feist, divine et envoutante

Si l’on peut résumer la première soirée, elle serait un brin enchanteresse car à l’opposé du rock décontracté du talentueux Alex Burger, de l’énergie folle et contagieuse de Chocolat ou de la synth-pop intriguante d’Anatole, l’Eglise Ste-Thérèse-d’Avila accueillait une toute autre ambiance pop.

Il y eu d’abord La Force (Ariel Engle de son vrai nom) qui, par sa voix feutrée, su captiver un public qui s’installait progressivement pour la venue de Feist. Pendant une demi-heure, une acoustique à la réverbération saisissante se mêlait à la délicatesse d’une batterie souvent effleurée pour accompagner l’interprète du titre You Amaze Me. Sous des applaudissements discrets, la nouvelle membre du Broken Social Scene s’en ira abruptement, laissant sa place à Feist pour un concert de plus de deux heures (!) entamée par l’hypnotique Pleasure.

Puis l’artiste canadienne charme sans mal l’audience en annonçant majoritairement ses chanson en français et en l’invitant à se rapprocher d’elle vers l’autel, l’embarquant au passage dans son monde où le son des cordes en nylon s’élèvent au clocher sur I Wish I Didn’t Miss You ou Baby Be Simple, où la raisonnante batterie s’accouple à une basse assourdissante sur I Feel It All, où le public partage un moment privilégié sur Let it Die et 1234 après que Feist eut la magnifique idée d’inviter La Force et Safia Nolin pour interpréter Cicadas and Gulls.

Wolf Parade en version intimiste

Fort d’un contraste saisissant d’un vendredi en gougounes et d’un samedi en bottines, la deuxième journée pluvieuse aura vu son lot d’annulations marquer les esprits. Les informations au compte-gouttes (c’est le cas de le dire) occasionneront une incompréhension générale et des attentes interminables. Pourquoi ? Sans le malheur d’une scène extérieure peu protégée des intempéries (quelle hérésie pour un festival en plein air !), jamais le bar du Monte Cristo n’aurait accueilli de son histoire un groupe tel que Wolf Parade sur leur petite scène qui côtoie tables de pool et machines à sous.

Une file interminable à l’extérieur qui aura vu quelques 200 chanceux seulement assister à ce moment mémorable et observer de près les mimiques du pianiste Spencer Krug et la prestance que dégage le guitariste Dan Boeckner. Au détour d’un crowdsurfing ou même d’un bar fight, cette proximité aura eu l’effet d’offrir l’adrénaline nécessaire pour se lâcher sur d’excellents titres comme Valley Boy ou Baby Blue.

 

Un Nick Murphy au rabais

En parallèle, dehors, toujours rien. C’est même l’annulation de The Voidz mais la pluie s’estompe juste à temps pour les Torontois de July Talk. La foule n’est pas nombreuse, sûrement tannée par l’organisation désastreuse de cette journée sensée épique par sa programmation parfaite. Pourtant, elle est réceptive à l’écoute de la sombre voix de Peter Dreimanis qui combine parfaitement avec Leah Fay et sa chemise à fleurs de circonstances. À eux deux, accompagnés d’une sauvage basse-batterie, ils envoient un maximum de puissance dans un rock efficace mais qui peine à lever la foule, sauf sur le single Push + Pull.

Une mise en bouche intéressante avant l’électro planante du français Rone ou l’étincèle sucrée, mais bien trop courte de Nick Murphy (aka Chet Faker).

Le mystérieux Australien redonna un court instant le sourire aux festivaliers avec une performance séduisante qui aura su capter, dès le commencement du spectacle, son public. En jouant d’entrée un Gold plus rock que l’électro-pop connue sous Chet Faker, le natif de Melbourne a montré rapidement qu’il assumait désormais une musique plus complexe, bien aidée par le jeu musclé de son batteur. Avec sa guitare, puis derrière son piano, il enchanta avec les titres The Trouble With Us ou Talk is Cheap avant de quitter rapidement la scène dans une incompréhension palpable (6 titres seulement, décidément !).

 

Dead Obies et Loud en force

Si Nick Murphy a quitté rapidement sa scène la veille, ce n’était pas le cas de Dead Obies qui a pris le relais d’une fade ABRA. Malgré le départ récent de Yes McCan qui entame une carrière solo, force est de constater que le collectif longueuillois se porte toujours bien malgré son absence. La foule compacte n’en a pas fait un drame et ne s’est pas gênée non plus de s’exciter et reprendre les refrains de la récente Break ou de la géniale Monnaie.

Et le public voulait bien plus que de la monnaie dans leur main puisqu’ils attendaient de pied ferme un Loud programmé en lieu et place de Ski Mask The Slump God et Trippie Redd. Une excellente solution de la part des organisateurs qui voyaient là une occasion en or de concrétiser le succès récent de Loud avec son « Année record » devant une assistance pleine reprenant à pleins poumons les strophes de titres comme Les nouveaux riches ou 56k. Un début de soirée à succès perpétué par les douces mélodies de Oh Wonder, mais qui sera gâchée finalement par les émeutes suite à l’annulation du concert de Lil Uzi Vert (voir notre article paru hier).

Klô Pelgag et sa messe transfigurée

Heureusement, la force de Santa Teresa est de proposer une programmation éclectique qui voit Avery Florence ou Dave Chose animer parfaitement le charmant bar du Saint-Graal mais aussi d’écouter ces émergents artistes que sont Lydia Képinski ou Hubert Lenoir (quel fascinant personnage !) qui intriguent et bousculent les codes établis. Enfin, il y en aura une qui n’a pas nécessairement bousculé les codes mais sûrement les cœurs des gens. C’est Klô Pelgag.

Dans une Église Sainte-Thérèse-d’Avila de nouveau fonctionnelle (et dont on peut regretter l’inutilité pendant le chaos de samedi), la chanteuse originaire de Gaspésie aura orchestré une messe transfigurée et musicale, moins ecclésiastique que d’habitude. Le mot transfiguration n’était pas usurpé puisque parée d’une coiffe liturgique, Klô Pelgag aura fait rire par sa simplicité mais aussi fait lever la foule sur pendant une heure et demie tant sa douce voix est capable de charmer.

Entourée de onze musiciens, son répertoire joué tantôt au piano, tantôt à la guitare, a été interprété magistralement. Certes, la configuration atypique de la salle aura rendu le son moins riche. Il sera toutefois magnifié par la réverbération de l’édifice et les apports superbes des lumières mais aussi des cuivres. Des chansons telles que Les Mains d’Edelweiss ou Les animaux auront troublé sûrement plus d’un avant que, depuis le fond de la nef, le ténor Marc Hervieux rejoigne l’artiste pour un duo surprenant mais néanmoins magnifique sur Chorégraphie des âmes.

C’est aussi ça la magie de Santa Teresa.

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