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Osheaga 2015 – Jour 2 | Kendrick Lamar, Weezer, St. Vincent sèment la fête au Parc Jean-Drapeau

Avec Weezer et Kendrick Lamar comme têtes d’affiche, la deuxième journée de festivités d’Osheaga 2015 était à l’image de ce dixième anniversaire : à la fois en état de nostalgie assumée et au coeur de la tendance musicale du moment.


On apprenait vers l’heure du midi que le controversé Action Bronson n’allait finalement pas être de la partie pour Osheaga. Peu importe la raison, peu de larmes se sont versées à la suite de cette nouvelle, surtout que le légendaire Mos Def le remplaçait (très bel ajout), et qu’un rappeur infiniment plus pertinent occupait le haut de l’affiche en la personne de Kendrick Lamar. Ces deux derniers allaient d’ailleurs se rencontrer sur scène en fin de soirée, de manière impromptue, alors que Lamar a invité Mos Def à danser sur deux de ses chansons, faisant sourire le jeune rappeur de 27 ans comme s’il n’en revenait pas de vivre ce moment avec un idole.

Contrairement à Bronson, K-Dot ne rappe pas à propos de bouffe, de drogues et de « viol consensuel ». Bah oui, en fait, un peu de drogues. Après tout, les arguments de vente de sa ville chérie de L.A. seraient « Women, weed and weather » selon ses dires dans la chanson The Recipe.

kendrick lamar_osheaga_2015-9Mais bon, Kendrick prend son rap beaucoup plus au sérieux que le gros barbu conspué, et son talent ne fait aucun doute. En ce sens, il est d’ailleurs davantage issu de l’école Mos Def justement. Ses textes traitent d’amour, de fraternité, de conflits raciaux et explorent diverses facettes de la réalité moderne américaine avec une vision limpide et une certaine élégance assez rare dans le monde du hip-hop commercial.

Son nouvel album To Pimp A Butterfly a confirmé son génie ; c’est sans contredit l’un des albums les plus importants de 2015, tout genre confondu. Sa chanson Alright, d’ailleurs scandée à deux reprises par la foule, est un petit bijou d’écriture et de composition, et le vidéoclip qui l’accompagne, sorti il y a quelques semaines, résume bien la vision artistique de Lamar :

Appuyé de quatre musiciens, Kendrick jouit de tracks de qualité, bien rendus sur scène. Il dispose aussi de quelques bons hits qui font lever la foule, dont King Kunta, Alright (justement), Swimming Pool et Bitch Don’t Kill My Vibe. Sa présence de scène est à l’avenant : engageant et dédié à son art, il occupe la scène comme un champion, évitant les clichés associés au hip-hop comme une attitude trop décontractée ou de la vulgarité gratuite.

À certains égards, on pourrait dire que c’est un gentleman du rap. Et samedi soir, il a prouvé qu’il pouvait attirer des foules massives – l’espace libre était difficile à négocier devant la scène principale – et lui insuffler de l’énergie.

Le buzz Lamar est loin d’être fini…

 

Weezer

Avec sa barbe de bûcheron, Rivers Cuomo nous rappelait qu’il n’a plus 20 ans. En fait, son album bleu a plus de 20 ans. Ça donne une idée. Lui, il en a 45. Ce n’est plus un jeunot, et ça paraît un petit peu : on a connu des spectacles de Weezer plus dans le tapis, mettons. On se rappelle, il n’y pas si longtemps, l’avoir vu se démener sur scène et grimper partout, comme un nerd lâché lousse à son premier party de CEGEP avec de l’alcool dans le punch. De nos jours, il ressemble plus au surveillant dudit party.

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Mais peu importe, Weezer détient un catalogue bourré de hits du passé, et on s’en lasse jamais. Entendre le riff de Hash Pipe, l’enchaînement d’accords d’Island In The Sun ou le refrain de Buddy Holly en spectacle, ça fait vibrer la fibre nostalgique des trentenaires qui ont déjà été dans un band de rock ou des vingtenaires qui ont déjà joué à Rock Band.

Mention spéciale aux invités du spectacle. Si Stars n’a pas excité grand monde avec sa brochette d’invités couci-couça vendredi, Weezer a fait fureur en invitant Mia (8 ans) à jouer du clavier, et Leo (3 ans) à jouer de la guitare balloune. Les deux sont le fruit de l’union entre Rivers Cuomo et sa femme Kyoko Ito, si vous n’aviez pas compris.

 

St. Vincent et Christine and the Queens

La journée à commencé en lion avec une perfo énergique de Young The Giant, toujours supérieurs sur scène que sur disque, et l’excellente St. Vincent, programmée beaucoup trop tôt au goût de plusieurs.

En fait, on avait originalement prévu sa prestation en même temps que celle d’Action Bronson. Imaginez : d’un côté, des manifestants se seraient pointés à la scène verte pour dénoncer les propos misogynes d’un rappeur dégueulasse, et de l’autre, l’artiste féminine la plus pertinente de la décennie – on exagère à peine – aurait occupé la grande scène.

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Qu’à cela ne tienne, Annie Clark en a tout de même profité pour démontrer la force de son amalgame de créativité, de mystère et de sex appeal avec juste ce qu’il faut d’attitude badass et de jeu de guitare époustouflant pour en mettre plein la vue (et les oreilles).

Son petit rôle de femme fatale androgyne issue d’un autre monde fascine et donne du corps aux excellentes chansons de ses 4 albums. Difficile de rester indifférent. Elle en jète, mademoiselle Annie.

Peu après, une autre fille qui allie chanson pop et danse conceptuelle attirait son lot de francophones du côté de la scène verte : Christine and the Queens. Troisième visite en moins d’un an pour la sympathique Française, qui mise autant sur sa pop synthétique que sur les chorégraphies de ses spectacles. Disons que c’est à mi-chemin entre la danse contemporaine et le ballet jazz.

Ça frôlerait le quétaine, mais Héloïse Letissier réussit étrangement à conserver son image du côté cool de la force. Difficile à expliquer pourquoi. Peut-être est-ce la sincérité avec laquelle elle aborde son art ? Après tout, c’est 100% assumé, et on le comprend lorsqu’elle insère le plus sérieusement du monde un extrait de Pump Up The Jam (des très modernes Technotronic) à sa grille de chansons. Quand on assume son goût pour le ’90s dance, tout est permis, j’imagine.

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Interpol et Patrick Watson

Au coeur de la soirée, le groupe Interpol donnait un deuxième concert en moins de 24 heures à Montréal. Après avoir un brin déçu notre collaborateur Mathieu Romero au Métropolis hier soir, la formation prenait d’assaut l’une de deux scènes principales.

On ne peut pas dire que les gars d’Interpol soient des bêtes de scène, mais ça, on le sait déjà. L’énigmatique chanteur Paul Banks a le spleen étampé dans la face, et il semblerait qu’un sourire causerait chez lui un grand sentiment d’inconfort.

Mais le charme d’Interpol réside plutôt dans cette rencontre entre rock féroce, accords de guitare obliques, textes brumeux et chant indie-goth. Sur ce plan, tout baigne dans l’huile pour Interpol.

La grille de chansons n’était pas à son meilleur : certains enchaînements ne fonctionnaient pas tellement, et quelques omissions font mal. Mais il faut admettre que lorsqu’un nuage s’est déchargé de sa pluie sur le public pendant la finale de The New, on aurait difficilement pu trouver une meilleure trame sonore.

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Peu après, Patrick Watson avait l’honneur d’occuper la grande scène avec un spectacle à grand déploiement à plusieurs égards semblables à ce que le groupe a proposé au Festival d’été de Québec il y a deux semaines.

Les bulles sur scène ajoutent un décor à l’image du nouvel album, et la présence de François Lafontaine aux claviers, de Marie-Pierre Arthur et Erika Angell comme choristes, des Mommies on the Run aux arrangements à corde et d’une chorale toute de rouge vêtue permettent à Patrick Watson d’atteindre les ambitions mégalos de ses albums.

Chouette décision de la part d’Osheaga d’offrir à un artiste d’ici une plage horaire aussi convoitée, et l’opportunité de montrer aux touristes ce que notre ville peut offrir comme talent.

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* Consultez notre compte-rendu du Jour 1 avec photos

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