crédit photo: Pierre Langlois
Jeanne Côté

Francouvertes 2023 au Club Soda | Jeanne Côté triomphe en finale

Ce bon vieux Club Soda accueillait ce lundi 15 mai la dernière soirée de cette 27e édition du concours-vitrine de renommée Les Francouvertes. L’auteure-compositrice-interprète Jeanne Côté, Héron, auteur d’une musique pop à penchant traditionnel, et la rappeuse Parazar se sont tour à tour cédé la scène dans le courant de la soirée, avant que Jeanne Côté vienne à bout de ses deux adversaires, remportant par la même occasion une bourse de 15 000$.

Terrible début de soirée pour l’événement : suivant un décompte avorté, on annonce au micro à 20h (alors que l’amorce était prévue à 19h30) qu’un bogue majeur vient de survenir, mais que les « équipes techniques travaillent fort là-dessus ».

Plus tard, des difficultés quant au réseau seront attribuées à l’origine du fameux problème.

Le décompte de retour, puis se retirant, le public a le droit de se demander dans ces moments de flottement, « c’est commencé ou non? ».

Mantisse et Isabelle Ouimet, tous deux anciens participants des Francouvertes (respectivement au sein de leurs groupes LaF et Vulvettes), finissent par accéder à la scène, et présentent globalement les modalités du concours.

La soirée est retransmise en direct sur Facebook (puis accessible en rediffusion dans un peu moins de deux semaines), et le public occupe, encore une fois, un rôle prépondérant dans la désignation du gagnant.

D’un côté, le jury, panel de professionnels du milieu, et de l’autre, le public, ceux et celles dans la salle ou à la maison désireux d’écouter l’artiste qu’ils placeront dans leurs playlists les dix prochaines années durant, équivalents dans le choix final de l’artiste vainqueur.

Jean-Philippe Lavoie, gestionnaire technique de SiriusXM, annonce que 30 000$ seront remis aux participants sous forme de bourses, non sans omettre qu’un problème technique – pas le dernier de la soirée – l’empêchait de s’exprimer au micro dès le début.

Samian, rappeur québéco-algonquien, entre ensuite sur scène, poursuivant sur une improvisation grinçante et dénonciatrice de la situation des Premières Nations au pays. Sans comprendre d’emblée où il se dirige, répétant le terme « indien » (pour désigner les autochtones) et partageant qu’établir que nous nous trouvons sur des territoires non cédés, c’est « politically correct », Samian cache pour tout dire un message profond dans son intervention.

Il enchaîne avec un slam, un rap sous un beatbox de Mantisse, puis avec un dernier slam, rappelant qu’« on oublie que le rap, c’est avant tout de la poésie ».

La rappeuse Julie Gagnon, alias Calamine, clôture cette première partie de la finale des Francouvertes avec une noble performance.

« Je vois que les problèmes techniques n’altèrent en rien votre bonne humeur », lance l’artiste, avant d’interpréter Officielle gouine ou encore Lesbienne woke sur l’autotune (mention aux paroles plus qu’amusantes : « j’mords comme Marie-Pier Morin […] le chef de la droite est un gay dude »).

Avant l’entrée des artistes, une vidéo d’introductions est projetée, révélant un nombre incalculable de partenaires (des médias, une radio de l’UQAM, des compagnies de photographie) : on le comprend à l’aide de ce montage, le Québec croit en sa relève.

 

Jeanne Côté

Sous des éclairages rouges, Jeanne Côté salue la foule du Club Soda, puis débute sa performance.

Seule au piano, la musicienne propose une entrée intimiste et tendre, à donner l’envie d’oublier ce qui nous entoure, avec J’suis là, de son unique album, Suite pour personne.

Les éclairages englobent ensuite le reste de la scène, dévoilant ses trois musiciens l’accompagnant en harmonie, avant qu’elle ne performe Vent d’ouest, morceau mélancolique pouvant rappeler certains segments planants de Love Songs for Robots, de Patrick Watson.

Son bagage musical, elle ne le tient pas de nulle part : fille du fondateur du Festival en chanson de Petite-Vallée, Alan Côté, Jeanne joue du piano et chante depuis l’âge de 4 ans.

Là fonctionne la force même de sa musique : bien que ses créations n’apparaissent pas des plus originales, l’auteure-compositrice-interprète semble portée par une belle voix, sait comment installer une douce ambiance en jouant, et procure une performance professionnelle, sans accrocs, ces trois éléments n’étant franchement pas donnés à tout le monde.

Vers le milieu de sa performance, Jeanne Côté explique brièvement son parcours, son enfance somme toute habituelle (« J’ai aussi lu Amos Daragon et trippé sur Marie-Mai! », plaisante-t-elle), l’importance qu’elle accorde à sa Gaspésie natale; elle enchaîne sur la rythmée et entraînante chanson Ouragans, avant d’interpréter encore quelques morceaux devant un Club Soda attentif.

Elle continue de s’adresser au public, lui faisant part qu’elle a récemment su se détacher du commentaire d’un juge sur sa manière de composer « qui l’a habité longtemps » (depuis 2014, en fait), et termine son passage aux Francouvertes avec Y peut mouiller.

Le parterre entier du Club Soda se lève pour une ovation.

Pour beaucoup, le vote devait déjà être décidé.

Héron

Héron chérit son Québec, autant l’écrire d’emblée.

Sa mission paraît claire sur scène : mêler le folklore à la pop, et respecter le patrimoine de la province, que ce soit dans la musique ou les textes.

Henri Kinkead, de son vrai nom, débute sa performance avec Rivière, morceau témoignant d’un réel amour envers son territoire.

« Je veux être une rivière pour me jeter dans la mer », chante-t-il dans le courant de sa première chanson, multipliant dans son segment – peut-être un peu trop? – les références aux fleuves, rivières, étangs, océans, etc.

Héron continue de s’assumer dans cette avenue folklorique : une violoniste compose l’une des musiciennes le suivant sur scène, assez peu commun dans la musique actuelle, il est nécessaire de le souligner, non pas comme une simple accompagnatrice, mais bien comme un instrument, une voix à part entière, se méritant bien entendu quelques séquences solos.

Le moment clé de sa performance? À la manière d’un chansonnier québécois d’un autre temps, Héron brandit sa guitare pour interpréter seul sur scène, à l’exception de la présence de sa musicienne s’offrant une gigue aux claquettes, Bonaventure, son « safe place », « pas la station de métro », rigole-t-il.

Suivant ce moment, le chanteur déchaîne le Club Soda dans un élan patriotique québécois digne du set carré le plus endiablé à l’aide de sa dernière chanson de la soirée, L’hiver. On termine en beauté, la musique donnerait envie à n’importe quel habitant du Nord-du-Québec jusqu’en Montérégie de hurler cette phrase de Charles de Gaulle que l’on ne présente plus.

La performance ne s’avère peut-être pas pour tout le monde, mais ça a le mérite d’être singulier, c’est le cas de le dire.

Parazar

« Faut que ça kicke », commente-t-elle dans sa capsule de présentation.

Clôturant cette 27e édition des Francouvertes, la MC Parazar s’en tient à une proposition diamétralement opposée aux deux performances qui l’ont précédé, n’utilisant pas d’instrument à proprement parler, mais un micro pour rapper.

Alors que l’artiste désirait être humoriste à la base, sa venue dans l’univers musical est arrivée « parazar » (ce n’est pas un mauvais jeu de mots, bien la réalité de la façon dont Houria Drider choisi son nom il y a de cela deux années).

Telle la touche caractéristique au rap marseillais, Parazar mise avant tout sur l’ambiance dans sa performance (et non, dans ce cas-ci, les productions, celles-ci laissant souvent croire que c’est un DJ lambda du Muzique qui se trouve derrière les platines), malgré une pauvreté parfois criante dans les paroles.

Sa présence scénique et son flow sont néanmoins remarqués, alors que Houria Drider interprète des titres de son EP, C’est live, sous des nuances musicales algériennes, le pays dont l’artiste tire ses racines.

La disposition du Club Soda ne se révélant pas pleinement adapté à la performance (du moins, sa disposition assise), la rappeuse a tout de même le grand mérite d’avoir déclenché un toast collectif avec public, non pas sans avoir oublié de se verser une tasse de thé pour y participer.

Si, musicalement, Parazar n’atteint certainement pas le niveau de ses deux concurrents, son charisme, son humour et son imprévisibilité sur scène lui permettent de rivaliser avec Héron et Jeanne Côté avec aise.

Le couronnement

Devant une salle nettement moins remplie qu’au début de la soirée, Jeanne Côté, suivant la remise d’une dizaine de prix divers, se fait finalement sacrer grande gagnante des Francouvertes 2023, vers 12h30.

Un exemple admirable de persévérance : on rappelle que la native de Petite-Vallée s’était vu refuser sept participations parmi les 21 des Francouvertes par le passé, et avait été éliminé dès la première ronde de 2021, en remplacement d’un autre groupe s’étant désisté.

Tenant un chèque de taille somme toute impressionnante, elle suggère également, durant sa séance de remerciements, aux artistes de ne pas abandonner leurs rêves lorsqu’ils n’arrivent à intégrer Les Francouvertes une première fois.

Comme quoi, ça paie de temps à autre.

 

 

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