En attendant le déconfinement #8 | Comment la pandémie a forcé le Pantoum à mieux se structurer

On poursuit notre série hebdomadaire visant à donner la parole à des acteurs du milieu culturel qui ont été durement touchés par la pandémie et à mettre en mots les actions concrètes qu’ont dû poser les intervenants pour s’adapter à la crise. On se penche sur ce qui les occupe, ce qu’ils font (souvent dans l’ombre) en attendant le déconfinement culturel et comment ils permettent à la culture de survivre et de continuer à exister. Cette semaine, résumé d’une longue et intéressante jasette avec Émilie Tremblay et Jean-Étienne Collin-Marcoux, deux des têtes pensantes derrière le Pantoum à Québec.

Photo en entête:  Noémie Rocque

Un dossier à régler

Pour ceux qui s’intéressent à l’industrie musicale locale, le Pantoum sonne fort probablement une cloche. Pour les autres, qui pourraient se demander ce que fait le Pantoum, la bonne question serait probablement de demander qu’est-ce que le Pantoum ne fait pas. Local de pratique, studio d’enregistrement, salle de spectacle, maison de disque et diffuseur ; l’organisation travaille à faire rayonner les artistes musicaux où qu’ils se trouvent au Québec.

Depuis sa création en 2012, le Pantoum avait toujours été l’affaire de Jean-Étienne Collin-Marcoux et Jean-Michel Letendre-Veilleux, qui opéraient dans leur grand appartement semi-commercial. C’était le cas jusqu’à ce que la ville demande aux deux partenaires d’officialiser leur organisation qui oeuvrait jusqu’alors dans une certaine zone grise législative. Pour opérer ce changement, ils ont dû appeler du renfort, dont fait partie Émilie Tremblay, collaboratrice au Pantoum depuis 2015 et maintenant directrice générale depuis mars 2020.

C’est sur cette trame de fond que s’est entamée l’année 2020 pour l’équipe du Pantoum, qui avait des plans bien différents pour son année. «Ce qui est ironique, c’est qu’on a dû arrêter de faire des shows en mars 2019 à cause des questions légales avec la ville. On a seulement retrouvé le droit de faire des shows en mars 2020, quelques jours avant le premier confinement. On était plus dans l’esprit de profiter de l’année chargée qui nous attendait et de recommencer à faire des spectacles. Tout ça a évidemment été mis de côté », explique Jean-Étienne Collin-Marcoux. Pour le mieux, probablement.

Les locaux du Pantoum après des rénovations en 2019

Bien qu’une équipe organisée travaillait à faire fonctionner le Pantoum au quotidien depuis plusieurs années, elle n’était pas reconnue comme telle aux yeux de la loi. « C’était un choix, quand on l’a parti, J-M et moi. On voulait fonctionner sans subventions le plus possible. On voulait un Pantoum autosuffisant et le plus libre dans son fonctionnement », explique Jean-Étienne. Mais ce choix vient également avec le poids financier. En s’enregistrant en tant qu’OBNL, le Pantoum peut désormais avoir droit à des subventions comme le fond d’urgence pour les entreprises culturelles en plus de pouvoir poursuivre ses activités professionnelles.

« Même sans public, d’avoir la salle nous a permis de faire des projets vidéo pendant la pandémie. De faire changer le statut de nos locaux à celui de locaux commerciaux nous a permis d’accueillir les artistes dans nos locaux de pratiques, de pouvoir continuer de leur offrir nos studios d’enregistrement en plus de recevoir de l’aide financière. Sans tout ça, ça aurait moins drôle pour la survie du Pantoum », résume Émilie Tremblay, la directrice générale du Pantoum.

L’importance pour la scène locale

Si l’équipe du Pantoum se considère chanceuse d’avoir passé à travers la pandémie, c’est aussi la scène locale qui en bénéficie: « On s’est rendu compte qu’il n’y a que très peu d’endroits dédiés à pratiquer et créer de la musique à Québec. Avec les universités et les locaux de pratiques commerciales qui sont fermés, ça laisse pas mal juste le Pantoum où les bands peuvent pratiquer », dit Jean-Étienne Collin-Marcoux.

En plus de ces services, les espaces auront entre autres servi à accueillir Ariane Roy lors d’un spectacle diffusé en direct, dear criminals pour leur intime spectacle Lone Ride et Charlotte Brousseau pour produire des captations live.

Dans ce contexte, l’importance de continuer à soutenir les artistes locaux avec des services à bas prix comme ceux du Pantoum est non négligeable. D’autant plus que ce sont les petits artistes qui seront fort probablement pénalisés lorsque les programmateurs de spectacles voudront attirer les spectateurs dans leurs salles, rappellent Émilie et Jean-Étienne.

Pantoum Boutique

Quelque peu réfractaire à l’idée de produire des spectacles virtuels sans budget, Jean-Étienne avoue avoir changé d’idée lorsque leur structure d’OBNL leur a permis d’obtenir de l’aide, notamment celle de la SODEC, pour rémunérer leurs équipes.

C’est d’ailleurs à ce moment qu’est né leur plus récent projet Pantoum Boutique, une série de capsules vidéo à venir dès la fin du mois de mars. Chaque capsule sera composée d’une performance et d’une entrevue avec un même artiste invité. C’est le réalisateur Josué Beaucage qui réalisera le tout, assisté de Joey Proteau (Gaspar Eden) à la direction artistique. Dans ces capsules s’inspirant des sessions live KEXP et Tiny Desk tout en poussant plus loin l’aspect cinématographique, les spectateurs seront invités à entrer dans l’univers de création des artistes. Dans une prometteuse première capsule, l’artiste en vedette sera Valence, sensation musicale issue de la ville de Québec et grand gagnant des plus récentes Francouvertes.

Visiblement satisfaite du concept sur lequel son équipe travaille, Émilie Tremblay affirme que Pantoum Boutique est l’occasion de travailler avec des artistes avec qui ils n’avaient pas eu la chance de collaborer depuis longtemps faute de temps. Les musiciens invités seront des artistes qui ont sorti un album récemment ou qui y travaillent actuellement, ce qui pourrait donner lieu à des primeurs.

Pour Jean-Étienne, ce projet est la preuve que de se structurer en OBNL ne les aura finalement pas brimés dans leur créativité. Ce n’est que l’occasion de créer du contenu pour les artistes en plus de créer des emplois. « Plus gros, mais pas moins libre », résume-t-il.

Tel un Cessna qui deviendrait un Airbus, on souhaite au Pantoum qu’il puisse longtemps voler en toute liberté, en continuant d’embarquer encore plus de gens à bord.

En rappel

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