crédit photo: Marc-André Mongrain
The Tea Party

Bluesfest d’Ottawa 2022 – Jour 7 | Big Shiny Jeudi : Que reste-t-il de nos années 1990?

Pendant que l’artiste country américain Luke Bryan faussait sa vie sur la grande scène des Plaines Lebreton, le Bluesfest d’Ottawa offrait heureusement des alternatives très 90’s sur les deux scènes secondaires. Êtes-vous prêts ?  C’est l’heure de jouer à… « Est-ce un comeback ou ils n’ont jamais arrêté ? »

The Tea Party

En (semi-)tête d’affiche, on retrouvait le groupe canadien The Tea Party, du côté de la scène River Stage, devant une foule assez impressionnante.

Légèrement (!) aviné, le chanteur Jeff Martin a expliqué avoir passé les quatre dernières années en Australie, à se demander s’il se rappelait « comment sonne le pouvoir absolu ».

C’est donc dire que le groupe était en pause depuis quatre-cinq ans, environ.

Officiellement, ils ont été séparés de 2006 à 2011 seulement, et ils ont fait paraître deux EP, en 2019 et 2021.

Mais ça ne paraît pas du tout, puisque le groupe joue que des chansons de ses albums à succès Splendor Solis (1993), The Edges of Twilight (1995) et Transmission (1997)On peut difficilement faire plus 90’s que ça.

À l’instar de bien des groupes rock qui durent depuis un certain temps, The Tea Party peut remercier son chanteur Jeff Martin pour l’écriture d’autant de bonnes chansons rock qui ont perduré dans le temps, mais doit sans doute sa longévité à la fiabilité de ses deux musiciens de l’ombre : le bassiste Stuart Chatwood et le batteur Jeff Burrows. Ce dernier semble vraiment être le roc du trio, le gars sur la coche grâce à qui tout tient encore en place.

Heureusement, la section rythmique est très solide. Parce que Jeff Martin a un peu l’air bourré sur scène, déparle à répétition et n’arrive plus à atteindre les notes hautes de plusieurs de ses chansons, dont The RiverSave Me et Temptation. Si, dans ses bonnes années, Martin se prenait visiblement pour Jim Morisson, on pourrait dire aujourd’hui qu’il a plutôt des airs de Johnny Depp…  Son jeu de guitare, toutefois, demeure assez convaincant. Plus que celui de Johnny Depp.

Ah oui… et le rappel. Oh la la, le rappel. Quel bordel !

Ça débutait plutôt bien avec l’introduction acoustique de Sister Awake, bien interprétée à la guitare 12-cordes par Martin. Puis, c’est devenu Paint It Black des Stones, en un (malhabile) tournemain, et ensuite ça s’est transformé en Heroes de David Bowie. Jeff Martin a ensuite demandé à la foule où se trouvait le Canal Rideau, avant de se questionner à savoir s’il y avait des dauphins dans le Canal Rideau. Tout ça pour faire référence à la phrase « I, I wish you could swim / Like the dolphins, like dolphins can swim », et de terminer tout ça avec Sister Awake à nouveau.

Une fausse bonne idée, raboutée avec de la broche.

Ça reste que dans l’ensemble, les retrouvailles avec The Tea Party ont plu au public, grâce à la force de la nostalgie envers ces chansons qui ont marqué une époque.

Et au « son du pouvoir absolu », on imagine.

 

Crash Test Dummies

Oh, là, le jeu se complique…

Vous vous rappelez de ce groupe de Winnipeg, qui avait connu un grand succès au milieu des années 1990 avec son album God Shuffled His Feet ?

Vous vous rappelez de la voix baryton-basse de Brad Roberts ?

Vous vous rappelez de sa sympathique chanson Mmm Mmm Mmm Mmm ?

Ils sont de retour ! En fait, ils n’étaient jamais vraiment partis : ils ont lancé quatre albums au courant des années 2000.

Mais encore une fois, ça ne paraît pas parce que la majorité des chansons interprétées ce soir au Bluesfest proviennent de God Shuffled His Feet.

Ce qui est bien avec une voix comme celle de Brad Roberts, c’est que ça vieillit bien, contrairement aux rockeurs qui chantaient très haut dans leurs belles années (on revient à Jeff Martin, ici…). Johnny Cash a enregistré ses derniers albums avec une voix comme celle de Roberts. Cohen aussi. Ça sonne bien ces voix-là, avec l’âge.

Évidemment, les Crash Test Dummies ont joué Mmm Mmm Mmm Mmm au rappel, au plaisir de tout le monde, mais aussi Superman’s Song, dont on avait oublié l’existence.

 

Wide Mouth Mason

Oh wow, un autre groupe alt-rock canadien des années 1990 !  Band de Saskatoon, cette fois.

Croyez-le ou non, c’est un AUTRE groupe qui n’a apparemment jamais arrêté !

Ce qui est drôle avec Wide Mouth Mason, c’est qu’on se rappelait d’eux pour leurs hits de rock alternatif : SmileMy Old Self et Midnight Rain. Ça jouait sur les radios commerciales rock.

Mais c’est beaucoup plus blues qu’on le pensait. Ce qui est parfait pour un festival dont le nom est Bluesfest, mais dont la teneur en blues se réduit comme peau de chagrin d’édition en édition.

Ça se constatait notamment dans la chanson The Game, que le groupe avait apparamment remisée pendant plusieurs années, avant de la ressortir en constatant que c’était l’une des plus écoutées en ligne. L’approche blues s’entendait aussi dans Mary Mary, pourtant tirée de leur album Nazarene de 1996 (celui-là même qui contient My Old Self et Midnight Rain). Comme quoi on écoutait juste les singles à cette époque-là.

Deux des membres fondateurs sont toujours là, soit le chanteur et guitariste Shaun Verreault et le batteur Safwan Javed. Un bassiste les accompagne. Mais c’est vraiment Verreault qui fait le show, avec ses solos de lapsteel et de guitare électrique.

Les fans ont d’ailleurs apprécié le petit moment où il s’est assis sur le bord de la scène pour jouer un solo plus près du public.

 

Lucy Dacus et Braden Foulkes

Heureusement, il n’y avait pas que des groupes dont les hits remontent aux années 1990.  Il y avait aussi des artistes dont les influences pigent dans cette même décennie.

C’est le cas de Lucy Dacus, qui cultive un indie rock à la dégaine décontractée, mais non sans quelques moments de punch. Et elle sait écrire des chansons qui se tiennent, et mettent le doigt sur des préoccupations modernes. Plutôt sous-estimée, cette Lucy Dacus.

Pour sa deuxième visite en festival à Ottawa (elle avait fait CityFolk en 2019), la chanteuse virginienne arborait un magnifique ensemble avec des arcs-en-ciel et des nuages. « My gayest outfit », de son propre aveu.

Une foule plutôt bien fournie s’était entassée sous le toit de la scène SiriusXM pour la voir à l’oeuvre en milieu de soirée, et personne n’a été déçu par la convaincante performance offerte.

Sa reprise de Dancing in the Dark de Springsteen, et son hit Night Shift ont très bien conclu le tout. Il faisait bon entendre des dizaines et des dizaines de fans chanter à l’unisson :

You got a 9 to 5, so I’ll take the night shift
And I’ll never see you again if I can help it
In five years I hope the songs feel like covers
Dedicated to new lovers

Plus tôt encore, un jeune artiste ottavien nommé Braden Foulkes ouvrait la soirée sur la scène River Stage. Pour le plus grand plaisir de ses fans et ami.es venus l’encourager.

Foulkes se dit autant influencé par des Neil Young et Tom Petty que des Jack White ou St Vincent, ce qui a de quoi intriguer.

Il aborde pas mal tous les genres « classiques » du rock, du son à la Zeppelin aux chanson plus bluesy, avec quelques élans presque punk. Le tout avec une dégaine de rock star en devenir, gomme à mâcher bien en vue et tout le tralala.

Sa chanson la plus connue – du moins, qui aurait joué à la radio – s’intitule Little Hell et sonne un peu beaucoup comme Sweet Home Alabama. C’est peut-être sa plus accrocheuse, mais pas sa meilleure. Il y en avait une presque punk dont le titre nous a échappé, mais elle nous semblait beaucoup plus originale et convaincante.

Braden Foulkes a transgressé une loi non-écrite selon laquelle jouer une reprise en toute fin de spectacle, c’est un peu triché !  Qu’importe, sa reprise bien entraînante de Psycho Killer des Talking Heads a fait mouche.

Belle petite découverte locale, encore une fois.

Le Bluesfest d’Ottawa se poursuit vendredi avec son plus gros morceau : Rage Against the Machine !  Avec Zack de la Rocha sur une patte, et contrairement au FEQ, Run The Jewels assurera la première partie, comme c’était originalement prévu !

 

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