Messe des Morts

Messe des Morts VII – Psaume I | La guerre par Nargaroth et le calme par Mortiis

Une soirée presque surréaliste dans une salle absolument magnifique, avec un crescendo d’intensité jusqu’au champ de bataille de Nargaroth avant l’étrange conclusion de Mortiis. Le trajet valait le coup, pour nos yeux émerveillés lorsque on pénètre dans cette ancienne maison de Dieu pour y vénérer des groupes qui ont aussi la croix pour emblème, mais dans l’autre sens…  


La Messe des Morts était déjà un spectacle unique au Théâtre Plaza, mais l’expérience est poussée au niveau supérieur avec le Théâtre Paradoxe. Une ancienne église reconvertie en salle de spectacle, avec d’immenses plafonds voûtés d’où pendent de grandes toges de tissu, une orgue immense à l’arrière, un décor somptueux et certainement jamais vu ou presque pour un festival de musique extrême.

Ceci dit, le lieu est assez immense, et le groupe québécois Messe Noire a la dure tâche de commence à jouer devant un parterre encore peu rempli. Cela ne les empêche pas de présenter une bonne prestation, sans être exceptionnelle, dans un black metal assez traditionnel, corpse paint et bracelets à piques à l’appui. Le son est très correct et leurs pièces commenceront à faire headbanguer une salle qui se remplit lentement.

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C’est ensuite un duo du Massachussetts qui prend la grande scène. Obsidian Tongue évolue dans un black métal atmosphérique assez progressif par moments, définitivement original. Les deux musiciens maîtrisent bien leurs éléments et sont en symbiose pour nous présenter leur matériel. La voix claire et grave est très juste et apporte une dimension folklorique qui n’est pas sans rappeler certaines influences d’Enslaved. Les Américains se donnent avec une bonne énergie, nous emportant par vagues de flanger et autres effets planants, parfait pour un début de soirée.

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L’intensité monte d’un cran avec les Allemands de Shrine Of Insanabilis. Ils défendent le remarquable album Disciples Of The Void, et leurs pièces ont quelque chose d’atmosphérique tout en envoyant du blast beat régulièrement. Mais on dirait qu’il manque une dose de magie quelque part, peut-être dans leur son un peu confus malgré leur excellent niveau, pour nous emporter encore plus haut dans les échos de leurs occultes et sombres riffs. La foule qui commence à être compacte n’en est pas moins envoûtée.

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On revient dans le corpse paint et les croix inversée pour monter encore le baromètre de violence avec Baptism, le profet du Finlandais Lord Sargofagian, où on retrouve des membres de Horna. L’écran en fond de scène est de sortie, mais surtout le rideau du fond est levé et on admire les jeux de lumières sur le mur de vieilles pierres apparentes du théâtre : grandiose. Ça commence à blasphémer sévèrement et Lord Sargofagian mène sa messe antichrétienne avec  conviction. Même si sa voix est un peu répétitive au bout des 50 minutes qui leur sont accordées, Baptism livre une solide prestation.

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On reste en Finlande et on monte encore d’un cran l’intensité avec le retour à la Messe des Morts de Sargeist. La salle est maintenant très bien remplie, prête à se faire emporter par la puissance des riffs mélodiques et épiques de la horde satanique. Le nouveau chanteur introduit religieusement chaque chanson en sonnant la cloche sur un genre de graal. Sa présence est excellente et il va chercher chaque fidèle dans les yeux, au son de leurs hymnes comme Satanic Black Devotion. Une bonne messe noire musicale qui se terminera en apothéose avec un Let The Devil In repris en chœur par un public comblé.

Grille de chansons Sargeist :

Empire Of Suffering
Retuning To Misery and Comfort
As Darkness Tears The World Apart
The Shunned Angel
The Unspoken Ones
Twilight Breath Of Satan
Satanic Black Devotion
In Charnel Dreams
Let The Devil In

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Peut-on encore monter d’un cran ? Oui, le degré de violence et de haine en maquillage morbide augmente avec la meute allemande de Nargaroth qui plante deux têtes de cochons sur des piques pour surpasser leur prestation d’il y a quelques années.

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Avec une excellente set-list variée qui va chercher dans le dernier et plus atmosphérique album Era Of Threnody, en passant par les classiques brutaux de Black Metal Ist Krieg sans oublier le somptueux Seven Tears Are Flowing To The River, Nargaroth nous livre un superbe concert qui explose avec la puissance d’un tank allemand qui détruit tout sur son passage. Et c’est littéralement la guerre dans le mosh-pit en avant où notre photographe craint pour sa vie. C’est aussi le seul moment du festival où la sécurité devra intervenir, car une poignée de débiles cherchent à se battre réellement, et voler une des têtes de cochons… ?

Après un interlude où le groupe quitte la scène, leur cracheur de feu Isegrimm s’excusera dans un français impeccable de ne pas avoir le droit d’utiliser de feu ce soir pour des raisons de sécurité, mais demandera au public de quand même passer le flambeau et de le répandre dans nos villages et villes au Québec pour que la flamme de la musique black metal brûle toujours, contre ceux qui essayent de faire annuler certains spectacles dans le monde. Un point qui sera largement repris par le chanteur Kanwulf qui mentionnera plusieurs fois les « antifa » durant le concert.

Et le groupe de reprendre avec leur classique Black Metal Ist Krieg qui fait exploser le mosh-pit alors que l’immense lustre de l’église s’illumine en rouge au-dessus de la foule, assurément un grand moment du festival. Le champ de bataille continue avec Possessed By Black Fucking Metal, avant de faire une pause pendant la transe de Seven Tears…, pour conclure en force avec la reprise de Burzum, War, qui sonne bien mieux que l’original.

Grille de chansons Nargaroth :

The Agony Of A Dying Phoenix
Wither Goest Thou
Conjuction Underneath The Alpha Wheel
Black Metal Ist Krieg
Hunting Season
Possessed By Black Fucking Metal
Seven Tears Are Flowing To The River
War (reprise de Burzum)

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La soirée se termine alors par un audacieux choix de la programmation. Sombre musique de donjon : c’est ainsi que se définit Mortiis, dont le seul rapport au black-métal fut de jouer dans Emperor au début des années 90. Aujourd’hui c’est un peu le DJ de fin de soirée, seul sur scène avec ses machines et un écran qui diffuse des images en noir et blanc pour illustrer sa sombre musique ambiante. Très bien fait et exécuté, fidèle à l’album Ånden Som Gjorde Opprør, et ses mélodies épiques dignes des meilleurs Donjons et Dragons.

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Parfait pour la fin de soirée, avant de dormir. Mais on est au métro Monk, loin de dormir. La salle se vide lentement, le public est soit fasciné, soit consterné, mais pas indifférent. Certains s’endorment dans un coin digérant l’alcool de la soirée, et seront réveillés soudainement par l’alarme à incendie lors du dernier morceau (apparemment dû à l’usage intensif des fumigènes sur scène). Une drôle de redescente après l’intensité black metal qui n’a cessé de grimper pendant la soirée.

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