Le Lac des cygnes de Dada Masilo | Un ballet engagé qui rompt avec les codes du ballet classique

Dada Masilo, 30 ans, danseuse charismatique, chorégraphe talentueuse, présente avec les danseurs du Dance Factory de Johannesburg son Lac des cygnes du 14 au 16 janvier 2016 à la Salle Wilfrid-Pelletier. Issue d’une fusion de danse contemporaine, de ballet classique et de danse zulu, cette version du lac, pleine d’humour et de légèreté, est une réflexion sur la société sud-africaine.


Dada Masilo a grandi à Soweto, un quartier de Johannesburg. Développant très jeune un intérêt pour la danse, elle se forme d’abord en Afrique du Sud. Elle continue ensuite sa formation à la prestigieuse école de danse contemporaine P.A.R.T.S. d’Anne Teresa de Keersmaeker à Bruxelles où elle y développe un goût pour la chorégraphie. À 30 ans, Dada a déjà chorégraphié de nombreux spectacles, et est récipiendaire de nombreux prix. Avant tout, elle aime se réapproprier les grands classiques de la danse (Roméo et Juliette, Carmen) et attire l’attention du public sur des causes qui lui sont chères. Le Lac des cygnes est son œuvre la plus récente.

Réinventer un classique à la sauce sudafricaine

Pour toute personne intéressée de prêt ou de loin par la danse, le Lac des cygnes est incontournable. Créé en 1877, c’est probablement le ballet romantique le plus dansé au monde. Sur une musique de Tchaïkovski, il fait rêver les enfants, il est l’un des ballets classiques les plus techniques…bref, c’est un monument du patrimoine de la danse.

Dans la version d’originale du ballet, le prince Siegfried s’éprend d’Odette. Victime d’un sort, elle se transforme chaque jour en cygne blanc. Éconduit par un sorcier, le prince demande en mariage Odile, le cygne noir, fille du sorcier et sosie d’Odette. Trahissant Odette, il la condamne alors à rester un cygne pour toujours. La fin est une hécatombe, le drame!

Dès les premières minutes du spectacle le public est prévenu : Le Lac des cygnes de Dada Masilo est très différent du ballet romantique au manichéisme d’un autre âge. Caricaturant le ballet classique, la mise en contexte théâtrale du spectacle met le ton. La salle rit, l’atmosphère est détendue. Cette apparente légèreté arrondit les angles d’un spectacle qui va alors s’attaquer à des thèmes forts tels que le mariage forcé, l’homophobie et le sida. Même si le ballet est rempli de sens, Dada Masilo évite cependant que son spectacle ne soit lourd. Le romantisme devient un pamphlet, un portrait de l’Afrique du Sud d’aujourd’hui.

Durant 1h10, Dada Masilo infuse le lac de ses racines africaines. Engagé, le lac des cygnes est un symbole de l’apartheid. Le ballet classique, habituellement réservé à une bourgeoisie blanche est mis à la sauce africaine. La danse zulu fusionne avec des mouvements inspirés du ballet classique et de la danse contemporaine.

Odette, interprétée par une Dada très charismatique, est choisie par la famille de Siegfried. Siegfried se voit forcé d’épouser Odette dans un mariage coloré, bruyant, énergique, inspiré des cérémonies de mariage traditionnel africain. Odette éprouve elle bien des difficultés pour conquérir un Siegfried épris d’Odile, un cygne noir tout ce qu’il y a de plus viril. L’idylle entre les deux hommes est touchante, mêlant puissance et douceur. Tout comme dans sa version originale la fin reste tragique, le sida faisant ses ravages au cours d’une scène où les genres se mélangent dans une très belle esthétique.

C’est la première tournée canadienne de la compagnie qui s’est produite dans le monde entier. Ce Lac des cygnes revisité a été accueilli chaleureusement partout où il passé, et ce 14 janvier, Montréal n’a pas dérogé à la règle. Concert d’applaudissement pour une œuvre lourde de sens mais qui ne se prend pas au sérieux. À voir jusqu’au 16 janvier!

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