Philippe Katerine

Katerine aux Francofolies de Montréal | Un moment parfait

Voir l’inclassable Katerine sur scène revient à s’immerger dans un conte enchanté où le rire et la consternation cohabitent. Était-ce un concert? Était-ce un vaudeville? La question reste ouverte. Un peu comme un Picasso qui a choisi le cubisme plutôt que d’essayer d’être le meilleur des classiques, le talentueux Katerine a décidé d’être Katerine et ça peut être aussi attachant que malaisant…


Katerine ou l’art du grandiose

Arrivé par l’arrière du parterre, Katerine s’est offert une entrée majestueuse. Coiffé d’une couronne lumineuse et d’une luxueuse cape scintillante, l’artiste a entonné une version courte et a capella de La reine d’Angleterre avec ce délicieux accent britannique forcé qui fait le charme du morceau. Une introduction anticonformiste très à propos en terres du Commonwealth!

Plusieurs costumes se sont ensuite révélés à mesure que l’artiste se dévêtait, tableau après tableau. Celui du gentilhomme médiéval a ainsi laissé place à celui du gentil elfe; auquel a succédé le spandex moulant de gros bébé tout droit sorti du clip cauchemardesque du titre 3 ans.

Katerine ou l’art de la gaudriole

Deux options s’offrent aux artistes quand vient le moment de placer un tube dans leur liste de chansons : s’en débarrasser au début, ou le garder pour la fin du spectacle. Katerine aura choisi l’option #1. Pourquoi pas? Mais tout de même, une question s’imposait : qu’allait-il se passer après que Louxor j’adore (qui n’a pas pris une ride depuis 2005) soit joué dès le troisième morceau?

Eh bien devant un public hilare du début jusqu’à la presque fin (car elle fut assez poétique), Katerine s’est tout permis. Un « 1, 2, 3, soleil » revisité en collaboration avec la lumière. Des bisous à la commissure des lèvres des chanceux aux premiers rangs. Des petits pas de danse et adorables kicks du pied en collants. Et aussi un doigt dans l’anus mimé au rythme de délicates notes de piano.

Katerine ou l’art du minimalisme

Au-delà du faste, le génie de Katerine réside dans son économie de mots et de gestes.

À la manière d’un récital, le concert se voulait minimaliste par sa formation : Katerine au chant et la brillante Dana Ciocarlie au piano. Ni décors, ni danseurs, ni autres musiciens. Ce fut un écrin idéal pour faire raisonner des paroles qui aiment à se faire passer pour simplistes.

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Car c’est l’art de conter, si bien maîtrisé par Katerine, qui transforme chaque fin de vers en bonbon surprise. Laissez-le seul en scène avec deux lampes de poche et c’est le feu! Donnez-lui une flûte à coulisse et il en fera du Mozart.

Dans cette mise en scène épurée, le sublime éclairage a joué un rôle primordial; comme à ce moment où la bipolarité du clown flegmatique s’est matérialisée en rafales de rouge et de vert sur Bien mal.

De retour pour un deuxième rappel, Katerine vêtu d’un sobre costume noir et Dana en longue robe blanche ont offert une reprise du poème Montparnasse de Guillaume Apollinaire mis en musique par Francis Poulenc. A suivi le ô combien gracieux Moment parfait. Une note finale en douceur mais aussi captivante que l’intégralité du spectacle. Ils s’en sont ensuite allés, tout en s’étreignant, à reculons dans la pénombre; à l’image d’une photo de mariage ancienne qui peine à s’effacer.


Venu présenter son album Katerine Le film au Théâtre Maisonneuve dans le cadre des Francofolies de Montréal 2017, Katerine a séduit son public grâce à une originalité libératrice et à sa façon d’appréhender son œuvre avec une naïveté rafraîchissante. De ses interludes loufoques à ses divagations à voix haute, il a montré qu’une plume en or mêlée à un esprit fantasque font encore lever les foules.

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