crédit photo: Sinje Hasheider - Jerick Collantes
FTA (Festival)

FESTIVAL TRANSAMÉRIQUES – Navy Blue et In My Body : L’intergénérationnel au service de l’émotion

Le très attendu Festival TransAmériques regorge cette année encore de propositions flamboyantes, avant-gardistes et poignantes, qui ne manqueront pas de susciter la curiosité et l’enthousiasme du public. Grands événements, rencontres et expériences seront les supports d’une expression dansée et théâtrale, tour à tour engagée, loufoque et bienveillante. Parmi les pièces chorégraphiques, Navy Blue de Oona Doherty et In My Body de Crazy Smooth devraient marquer les esprits. Ces créations, bien que très différentes, se rejoignent avec émotion et nostalgie sur leur rapport au corps, au souvenir et à l’espoir.

Le style d’Oona Doherty est souvent décrit comme énergique et colérique. Originaire de Belfast en Irlande du Nord, elle grandit dans une classe sociale modeste, et surtout dans une société qui subit le joug de la bien-pensance, de la religion, des stéréotypes plus que réducteurs et de la violence omniprésente. Dans Navy Blue, elle ouvre une voie pour exorciser ses blessures et celles dont elle a été témoin. Telle une épée de Damoclès, les traumatismes planent, mais elle parvient à les transformer, les réinterpréter pour que des ruines encore chaudes, émerge une volonté de vivre immuable.

Crazy Smooth, quant à lui, fait partie des figures emblématiques de la danse urbaine au Canada. Actif depuis 1997, il se questionne depuis les dernières années sur le corps vieillissant des artistes en danse de rue et sur leurs habiletés, inévitablement teintées par le poids de l’âge. Entre jeunesse révolue et vieillesse en devenir, comment accepter les conséquences de blessures répétées, comment vivre avec des capacités physiques moins impressionnantes qu’à ses débuts ? Est-ce que l’identité street dance ne se définit que par la puissance et l’agilité du corps ?

Ce corps occupe une place centrale dans la réflexion des deux chorégraphes. Doherty entend combattre l’individualisme austère grâce à un ensemble de 12 interprètes d’âges et d’histoires corporelles distincts, dont les mouvements effectués tel un seul être, appellent au refus de la soumission et à la reconstruction. L’intergénérationnel est également primordial dans le travail de Crazy Smooth, qui met en scène 9 danseurs et danseuses, soit trois générations de bboys et bgirls, dans une volonté de partage, de solidarité et de souvenir.

Car il est bien là le fil conducteur : transmettre, inspirer et transformer. Transmettre un passé, ses bons comme ses mauvais côtés, inspirer du mieux que l’on peut pour ne pas retomber et pour continuer, et transformer sa peur en puissance, sa douleur en performance.

 

Mises en scène peu communes

La force des deux spectacles tiendra aussi probablement de leur mise en scène. Le choix du Concerto pour piano No 2 de Rachmaninov pour Navy Blue n’est pas anodin, puisqu’il dépeint le passé de son compositeur, notamment les moments douloureux de son existence qui ont mené à sa grave dépression. Puis vient un mouvement musical, qui évoque sa réadaptation avant de finir par un passage exposant davantage une contemplation retrouvée de la vie et de ses plaisirs. Il est certain que Doherty entend faire passer le même genre de message : après la pluie, le beau temps, après les traumas, la reconstruction, dans la mesure du possible.

Sur un ton plus léger, mais tout aussi prenant, on imagine très bien les artistes de In My Body confronter leurs aptitudes, leurs innovations, leurs styles signatures. Une ambiance bon enfant sur fond de battle, qui les fera sans doute se dire que lorsque l’on sait d’où on part, on sait où l’on s’en va.

L’une comme l’autre, ces chorégraphies sont aussi une ode à l’espoir et à la fierté. Laissons aller nos corps, et osons trouver ensemble et en chacun de nous les ressources insoupçonnées capables de nous (re)construire et de nous amener plus loin, plus longtemps.

Navy Blue et In My Body : deux trajectoires de vie, deux histoires de blessures et définitivement, deux facettes d’une même quête vers la liberté.

Ces deux spectacles s’inscrivent dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA) qui se tient jusqu’au 8 juin 2023 dans diverses salles de Montréal.

Navy Blue aura lieu du 30 mai au 1er juin au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, alors que In My Body aura lieu du 2 au 4 juin à la Salle Ludger-Duvernay du Monument-National.

Détails et billets ici.


* Cet article a été produit en collaboration avec le Festival TransAmériques (FTA)

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