Koriass

Critique | Koriass – Rue des Saules

Koriass - RUE DES SAULES Koriass RUE DES SAULES

Pour son troisième album, Koriass avait annoncé quelque chose de beaucoup plus authentique. C’est donc sans surprise que Rue des Saules s’avère être plus profond et introspectif que ses albums précédents. Un travail d’extériorisation qui veut en quelque sorte adoucir le passage de Koriass à la vie d’adulte, à la réalité de père et d’artiste. Il met ainsi de l’avant ses angoisses de la façon dont il s’exprime le mieux : en rappant.

Koriass oscille entre le rap de Manu Militari et Loud Lary Ajust, un rap qui évoque une enfance difficile, une thug life et un passage obligé par la drogue et la pauvreté. On retrouve des rythmes lourds semblables à ceux de Loud Lary Ajust (il y a de quoi, Ajust y a travaillé), mais des paroles intelligemment composées qui dénoncent des constats difficiles à avouer.

Avec un premier morceau qui a pour titre Tséveudire, Koriass nous fait douter de la direction de l’album qu’il dit « plus mature ». C’est en écoutant les paroles qui suivent que son aveu prend tout son sens. Une chanson qui met en lumière les petites décisions qui forgent au final la personnalité de chacun : La vie a fait que t’es devenu c’que t’es TSÉVEUDIRE.

L’album couvre l’ensemble des sujets qui sont venus, de près ou de loin, perturber la vie du rappeur : de l’injustice des classes sociales dans Montréal-Nord à la vie qui défile dans Les Années, Koriass parle au grand public. Pas que les sujets abordés soient d’une grande originalité, mais plutôt que ceux-ci soient adressés avec une touche d’intelligence et de vérité surprenante.

Rap Queb

Koriass s’attache à la gang de chums du hip-hop québécois, et quelques shout out le dénotent : on fait allusion dans cet album à Alaclair Ensemble, Manu Militari, Ajust et aux paroles sages qu’utilise aussi Karim Ouellet : « Garde ta job ». Certains iront jusqu’à dire qu’il y a un parallèle à faire entre le nouvel album de Dead Obies (dont la date de sortie est la même, d’ailleurs), Montréal-$ud, et la chanson déjà connue de Koriass, Montréal-Nord.

Mélodies connues

Malgré la fierté de Koriass de faire du rap queb surnom donné aux artisans du hip-hop québécois, nombreuses sont les influences du rap américain dans ses chansons. Grâce aux extraits savamment remixés par Ajust et Ruffsound, on reconnaît sur Sorry un prologue inspiré de Backseat Freestyle de Kendrick Lamar.

Justement, pourquoi ne pas lui dédier une toune à cette Amérique? La chanson Américain commence par une citation modifiée de JFK : « Ask not what you can do for your country, but what in the fuck has it done for you? ». Koriass y aborde la consommation outrageuse à laquelle l’Amérique nous encourage : des paroles fort éloquentes, et un refrain qui nous fait découvrir la voix étonnante de Sofia Nolin.

Koriass revient à ses inspirations québécoises sur Supernova, où il remixe nul autre que les Cowboys Fringants, avec Les étoiles filantes. Koriass y aborde le même sujet que les Cowboys : le temps qui passe de façon éphémère.

Sur Choses, l’inspiration vient d’ailleurs – c’est Favorite Things de Julie Andrews qui donne le rythme à la chanson, pendant laquelle Koriass défile toutes ses « choses » préférées.

Long Time No See est l’une des plus personnelles de l’album, récit de retrouvailles entre Koriass et son père, qui a quitté le rappeur et sa mère pour le Brésil il y a de cela plusieurs années. La mélodie est très émotive, tout comme le récit de cette narration.

Touche d’espoir

Quand même, il y a espoir de retrouver le bonheur pour Koriass, qui, sur Les Années, affirme qu’il n’y a « pas meilleure place que présentement« , et « qu’on peut juste laisser les années faire ». Et il y a beaucoup de vrai dans les paroles du rappeur, qu’on sent effectivement vieillir avec ce troisième album :

« Sorry guys, mais j’ai pas envie de la vie rapide / Vivre vite, mourir jeune, c’pas c’que j’imagine / Moi c’que je veux c’est vivre lentement, mourir vieux / Des journées à se la couler douce, j’peux pas trouver mieux / Rester au lit et faire des dizaines d’enfants tous les deux / Vivre assez pour voir défiler 100 ans sous mes yeux / Nos têtes spinnent comme la planète Terre / Mais on peut juste laisser les années faire »

En bref, gros shout out à notre boy Koriass, pour cet album plein de sincérité.

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