crédit photo: Camille Gladu Drouin
Chârogne

Chârogne au Pantoum | Un lancement d’album débridé

Avec son concert au Pantoum samedi dernier, Chârogne marquait officiellement le début de sa tournée québécoise pour le lancement de son deuxième album, Trigger Warning, la première date d’une série de huit au programme.

Cinq ans après son premier album Mange-moi en 2017, Chârogne lançait son tout nouvel album autoproduit Trigger Warning aux Foufounes Électriques à Montréal le 23 mai dernier, avec Death Proof en première partie. Son concert du 27 mai au Pantoum signait le début d’une tournée qui se déroulera dans plusieurs salles du Québec jusqu’au 29 juillet.

Note à tous les spectateurs : prononcez le circonflexe sur le â, car sans celui-ci ce n’est plus Chârogne mais charogne, et ce ne serait donc plus un groupe punk féministe montréalais, militant et engagé, mais un simple mot dans le dictionnaire.

 

Chârogne, du punk performatif à l’œuvre

Chârogne apparaît lentement au centre de la foule au rythme d’une musique monacale, ses quatre membres se suivant de près, enchaînés les uns aux autres, en tutu ou en jambière de cuir. Avec leurs habituels costumes de scène qui jongle avec les codes BDSM, Chârogne pose l’ambiance dès les premières secondes. Après avoir lentement monté sur scène, les membres du groupe prennent place : Nas Ganon (iel), guitariste, Jo Franken (iel, il, elle) bassiste, Sara Blair (elle), à la batterie, et Catherine Jeanne-d’Arc (iel, elle, il), chanteuse et guitariste. Cette dernière prend le micro en annonçant, sourire en coin : « On est Chârogne. On a lancé un nouvel album fak ce s’rait ben smatt que vous l’achetiez. »

Puis le bal commence, avec des titres phares du groupe comme Lotto des femmes et de nouvelles créations, J’ai volé ta guitare – sur le consentement – ou encore Menstrué.e Frustré.e. Le morceau Enby Next Door, sorti sur leur tout dernier album Trigger Warning, est le résultat d’un appel à texte lancé par Chârogne auprès de personnes non-binaires et trans. Les paroles bien trouvées de cette pièce amère et sombre sont signées par J Crête, Camille Breton et Symo Henry, et mises en musique par Chârogne. Son refrain revient comme une invocation litanique, à la mélodie entêtante : une chanson rendue particulièrement prenante par la voix basse de la chanteuse Catherine Jeanne-d’Arc.

Catherine Jeanne-d’Arc sort de scène entre deux morceaux. Connaissant le personnage, on se doute que quelque chose se trame, et à juste titre puisque la chanteuse entre à nouveau en scène avec un tuyau enroulé autour d’une jambe jusque dans ses sous-vêtements. L’assistance se demande ce que l’avenir lui réserve. La surprise se fait attendre, le groupe entonne la chanson T’es pas bon comme si de rien n’était… chanson qui s’achève sur une énorme giclée d’eau issue de la chanteuse au fameux tuyau, sautant de scène, et inondant à la fois le parterre et les courageux qui s’y trouvaient. Épatant et très glissant, cet interlude a créé un émoi à l’avant-scène, devenu périlleux même pour les plus téméraires. Mais comme l’a bien dit Catherine Jeanne-d’Arc, après plusieurs excuses mi-amusées, mi-inquiètes : « Revenons aux choses sérieuses : le féminisme », avant de continuer le show avec le nouveau titre Basic Instinct.

On aurait été déçus de ne pas avoir droit à J’peux pas montrer mes seins, qui a été heureusement jouée en rappel, accompagnée par le musicien Capitaine Salaud en prime à l’harmonica. La soirée a été conclue par l’autre incontournable Féministe Frustrée.

Chârogne avait déjà proposé une performance colorée lors de son concert d’ouverture pour les Vulgaires Machins et d’Anti-Flag au MTELUS. Fidèles à ce côté débridé, les membres du groupe ont offert un spectacle rythmé par une ambiance punk et satirique au Pantoum.

Par ailleurs, le groupe aime à jouer avec les frontières du quatrième mur, sortant de la scène et des personnages incarnés pour s’adresser directement à la foule, pour rejoindre le public. Ce jeu de frontières prend une nouvelle dimension quand on sait que Catherine Jeanne-d’Arc a étudié le théâtre et demeure active sur la scène drag king.

Au-delà de l’aspect musical et des paroles militantes et volontairement décalées et crues, ce sont donc les costumes, l’impressionnante présence de la chanteuse Catherine Jeanne-d’Arc, ainsi que l’auto-mise en scène et l’autodérision du groupe qui priment. L’expression de « punk performatif » décrirait le mieux ce type de représentation. Si l’on devait trouver un seul hic à la soirée, c’est que Chârogne a clairement créé des attentes pour tous ses prochains shows, que l’on espère maintenant aussi baroques que celui-ci.

Crachat ouvre la danse

En début de soirée, c’était le jeune groupe Crachat qui prenait les devants de la scène sans cérémonie et entonnait sa première chanson aux rythmes punk garage ponctués de riffs surf rock.

La chanteuse, qui arbore une robe rose satinée et des talons dorés — attirail ne manquant certainement pas de charme pour hurler dans un micro — dégage une belle énergie sur scène.

Toutefois, malgré quelques descriptions sommaires des chansons à venir et de leur source d’inspiration, la dizaine de morceaux se suit de manière assez linéaire. Les paroles ne sont pas toujours intelligibles, ce qui se prête parfaitement au style de musique certes, mais qui, en l’absence de transition, glisse aisément vers l’amalgame, sans cohérence d’ensemble.

Pour sa dernière, Crachat propose une reprise en français inspirée de Barbie Girl, du groupe pop danois Aqua. Une idée intéressante et cocasse, qui aurait pu être poussée encore plus loin dans le second degré par le jeu de scène. À la remarque finale de l’une des musiciennes, qui semble remettre en question Barbie Girl et sa misogynie, on se demande si le groupe a saisi l’aspect ironique de ce tube des années 1990. Peut-être avons-nous mal entendu cette dernière remarque qui n’a été que murmurée dans le micro, mais la question s’est posée.

Petit clin d’œil à la merch du groupe, qui consistait, en plus des traditionnelles patchs, en de petites culottes avec un beau dessin de chat.

Originaire de Québec, Crachat se produira les 16 et 17 juin au Mini Wild Saint-Roch, aux côtés de dix-huit autres bands, puis en septembre 2023 au Festival Envol et Macadam avec les têtes d’affiche Rancid, Agnostic Front, Mononc’ Serge et Voivod et Groovy Aardvark.

 

 

Prochaines dates de la tournée de Chârogne

9 juin 2023 – Rouyn-Noranda – Cabaret de la Dernière Chance
16 juin 2023 – Alma – Le’ Café du Clocher avec Chevrotine
7 Juillet 2023 – St-Jean-sur-Richelieu- Le 164 Lounge avec Patatrak
8 juillet 2023 – Sherbrooke – Bar Le Magog
26 juillet – Rimouski Bains Publics – Cabaret culturel, coop de solidarité avec Rope Skills
27 juillet – Mont-Louis – La Pointe Sec avec Rope Skills
28 juillet – (À venir)
29 juillet – Cap d’Espoir (Percé) Pitt Palace Beer Garden Avec Rope Smills

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