crédit photo: Festival Triste
Vagalâme

Vagalâme au Festival Triste | Plus de douceur que de larmes

Ce n’est pas qu’au Salon du livre que la poésie s’est consommée en fin de semaine. Plus au nord de ligne orange, dans un petit bar branché bercé par les néons pastel et le léger brouhaha des gens qui se rencontrent et se retrouvent, est né Vagalâme, cabaret de poésie signé (le petit nouveau) Festival Triste.

Les attentes étaient raisonnables : première édition du festival multidisciplinaire, poésie à connotation triste, samedi brumeux de novembre. Rester emmitouflé chez soi ou se faire emmitoufler par la poésie de ceux et celles qui ont ce don de nommer ce qui fait mal?

Sors-tu? s’est armé de son courage et de ses mouchoirs (même si des boîtes traînaient sur les tables, pensée appréciée) et s’est rendu au bar Nouvel Établissement dans le Mile-End. De l’extérieur, les néons en forme de larmes nous ont guidés. Quoi d’autre qu’un festival dont toute l’offre gravite autour de la tristesse pour s’habiller d’un tel décor?

L’espace plutôt restreint s’est vite rempli, si bien que certains et certaines étaient debout au fond pour accueillir les mots. Une petite réussite pour le Festival Triste. Et un signe que les lectures ne sont pas et ne devraient pas être strictement réservées aux évènements littéraires. Inséré dans un festival qui propose principalement musique et cinéma, Vagalâme a trouvé son public sans trop d’efforts.

L’équipe d’interprètes était toujours complète sur scène. Mattis Savard-Verhoeven, Irdens Exantus, Madani Tall, Carolanne Foucher, Mary-Lee Picknell, Sarah Laurendeau, Célia Gouin-Arsenault et Félix Lahaye se sont échangés le micro et le devant de la scène dans une danse informelle, mais organique. Les textes lus n’étaient pas les leurs, sauf exception. Leur rôle résidait plutôt dans la transmission de mots touchants, personnels, dessinant souvent le récit d’un quotidien trouble.

Tous et toutes actifs et actives sur les scènes théâtrale et télévisuelle, les artistes ont été solides et convaincants. Aux lectures s’est ajoutée la musique live de la pianiste Lysandre Ménard, qui a aussi eu droit à ses moments de gloire.

Nommer ce que l’on ne nomme pas

Les thèmes au centre de la plupart des textes se situaient sur la ligne parfaite entre cynisme et naïveté. Le livre de poèmes Submersible de Carolanne Foucher, (aussi interprète ce soir-là!) lu par Mary-Lee Picknell, ou encore l’excellent Quand je ne dis rien je pense encore de Camille Readman-Prud’Homme rentrent dans cette catégorie. On y aborde les écueils d’un quotidien lourd, d’une existence qui déborde. On ne sombre pas dans un gouffre sans fond – l’écoute reste agréable, quoique très intime.

quand des couples se séparent tu en est toujours trop affligée, chacun porte sa peine et toi aussi, tu vis comme un champignon, ton coeur s’étend comme le mycélium, tu débordes de ton corps comme de ce qui te vise, alors quand on te demande ce qui t’affecte tu ne peux pas dire la vérité bien longtemps.

– Quand je ne dis rien je pense encore

Et l’aménagement du lieu y participe. Pour aller aux toilettes, il faut littéralement marcher sur scène. La première rangée de spectateurs et de spectatrices est à deux mètres des artistes. Ces derniers et ces dernières sont installé·es dans en demi-lune semi-organisée et s’écoutent et se succèdent dans une bienveillance visible. Ils et elles livrent des récits accessibles et poignants d’humanité, dans lesquels il est facile de se reconnaître.

Parfois, le son n’est pas parfait – l’écho est trop prononcé, la voix ne porte pas assez ou le piano engloutit les mots. Peu fréquents, ces moments n’entachent toutefois pas l’ambiance sereine et conviviale qui flotte dans le Nouvel Établissement.

La toute petite heure de poèmes s’est achevée sur la seule chanson de la soirée, Uguay, tirée de l’album Sans oublier de Lysandre ; le parfait morceau pour mettre de l’avant le génie de l’autrice-compositrice-interprète au piano. Et pour rembobiner une soirée de douceur et de recueillement qui devrait revenir plus souvent (faites-en d’autres!).

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