crédit photo: Pascal Leduc
P'tit Belliveau

Entrevue avec P’tit Belliveau | « Inaccessible et weird », mais content

P’tit Belliveau fait paraître aujourd’hui P’tit Belliveau, son troisième album en carrière et premier de façon entièrement indépendante. Comme pour son titre, on le devine, l’artiste touche-à-tout acadien s’est fixé un ultime objectif : ne pas se poser trop de questions. En écoutant les douze titres et en passant une demi-heure avec lui au bowling (!), ça ne fait aucun doute : P’tit Belliveau est rendu ailleurs, et cet ailleurs n’est régi par aucune règle.

Si Jonah Richard Guimond, de son vrai nom, a essayé avec ses deux premiers albums de moindrement se cantonner dans une signature sonore claire, cette période est révolue. On passe d’une folk-pop franche et résolument acadienne à une heureuse, mais cacophonique salade dont il serait plus simple de nommer les genres qui y échappent que ceux qui la composent.

« J’ai point essayé de faire un album, plus un Spotify playlist, admet le chanteur tout de go. Pour mon premier album, j’ai fort essayé de faire 12 singles, je me disais que chaque chanson devait être the best of the best. » C’est probablement ce qui a fait le succès de Greatest Hits Vol.1, un opus de dix morceaux sans temps mort où se trouve la fameuse Income Tax. « C’est pas que je fais pu ça anymore, but comme cette fois-ci je m’en fous si 9 chansons sur 12 sont absolument inaccessibles pis weird. » Retirons tout de suite de cette catégorie la populaire et décontractée Comfy, monoplage pop-rap en collaboration avec Fouki.

De l’inaccessible et du weird, pour citer Jonah, on en retrouve dans ce nouvel album. On est loin d’un album-concept à la Un homme et son piano, où le clavier midi règne en maître. La chanson Ring Ring, par exemple : « C’est une pop punk song, mais y’a aussi du breakbeat, y’a une partie hyperpop, pis ça finit quasiment dans du gabber. So, je veux dire, what the f*ck [rires]. T’es pas supposé faire ça on paper. »

P’tit Belliveau insiste : quand il compose, cette fusion des genres prend tout son sens. Il utilise à titre d’exemple la transition des plus improbable entre la bro-country Gros Truck et la nu metal The Frog War, qui patauge dans le thème récurrent de l’album (n’essayez pas d’y trouver une signification): les grenouilles. « Dans le studio, c’est absolument naturel, comme obviously on va breaker ça down avec du nu metal. Obviously, lance-t-il le plus sérieusement du monde. C’est juste avec du recul que je peux voir que c’est weird. »

Un chaos qui fait son chemin jusqu’à ses propres playlists, où le death metal et Taylor Swift font allègrement du coude à coude. Sommes-nous réellement surpris?

Auteur-compositeur-interprète-entrepreneur

Y a-t-il une corrélation à établir entre cette forme de démantèlement musical et sa nouvelle posture indépendante? « Faudrait que j’aille voir un therapist, rendu-là. Mais j’ai une certaine extra confiance en moi depuis cette décision-là », concède le multi-instrumentiste. Il est entouré d’un gérant et d’une relationniste, mais a mis fin à sa signature avec Bonsound il y a plus d’un an, annonçant par le fait même sur les réseaux sociaux que « si tu achètes mon merch c’est moi et ma blonde qui vont le shipper à toi de chu nous ».

Depuis, il s’est délesté de tâches qui le font moins vibrer, mais s’occupe par exemple entièrement de la réservation des salles. « Toute la tournée 2024-2025, c’est moins qui l’a bookée, se réjouit-il. J’aime ça le back and forth de négociation, for some reason je trouve ça stimulant. C’est comme un jeu. »

Pas moins de 20 spectacles se dessinent pour lui et son band ce printemps et cet été, dont un au District Saint-Joseph de Québec le 30 avril, apprend-on au moment d’écrire ces lignes. Aucun n’a encore été annoncé pour Montréal, mais on devine qu’il ne serait pas déraisonnable de cultiver un petit (grand) espoir.

Jonah approche un peu son nouveau rôle d’entrepreneur comme celui d’artisan sur l’album P’tit Belliveau : en prenant des chemins alternatifs, hors de celui que « tout le monde prend ». Au lieu de chercher à tout prix à performer dans de grandes salles, par exemple, il préfère prioriser celles que son équipe et lui affectionnent, même les plus intimes qui peuvent entraîner de légères pertes financières. « Any booker classic m’aurait dit : fais pas ça. Mais moi, je suis du genre à demander why? How bad would it be if I did? », avance-t-il.

Je veux juste travailler pis être bien, c’est pas plus compliqué que ça. J’ai pas besoin d’être Céline Dion, pis si les choses vont bien, je vais finir par être Céline Dion même avec ma weird strategy.

On prend des notes.

Uniquement par le fait d’être encore basé en Nouvelle-Écosse après quatre florissantes années de carrière, P’tit Belliveau va à contre-courant. « Le chemin classique pour les Acadiens, c’est step one : tu move à Montréal. Lisa [Leblanc] l’a fait, Radio Radio l’ont fait. Je suis sur que ça les a servis, mais je trouve que c’est too bad que ça soit le seul choix. » Jonah compte bien servir de modèle pour la relève musicale acadienne et continuer à composer en direct de Baie Sainte-Marie, ce qu’il affirme d’ailleurs faire toute la journée, tous les jours. « J’aimerais juste jouer un petit rôle. Pis éventuellement, piquer des artistes de Montréal pour venir en Acadie [rires]. »

La main dans un sac de popcorn, assis confortablement sur une modeste chaise de plastique, P’tit Belliveau dégage un laisser-aller confiant ー à ne pas confondre avec négligence ou paresse, qualificatifs qui le dérangent. Folk ou techno, indépendant ou pas, l’essentiel, c’est de continuer à écrire. « Faire de la musique, c’est du static dans ma brain qui fait mal pis qui a besoin de sortir. C’est douloureux unless que ça saute. »

Sur P’tit Belliveau, en tout cas, ça saute.

L’album est disponible sur les plateformes d’écoute. Pour voir P’tit Belliveau en spectacle, c’est par ici.

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