Jacob Collier

Jacob Collier à la Place Bell | Trop, c’est comme pas assez

Jacob Collier était de passage dans la province dans le cadre de la tournée nord-américaine soulignant sa cinquième parution longue en carrière, Djesse Vol. 4, lancée à l’hiver dernier. La performance était trop chargée et éclatée pour rendre un résultat captivant, ou même agréable à l’écoute.

Sors-tu? avait des appréhensions face à Jacob Collier. Le Britannique détient ce statut de génie musical (allez voir ce que Herbie Hancock, un autre génie indéniable de la musique, pense de Collier), mais traîne à la fois celui de terrible auteur-compositeur-interprète.

Mais Sors-tu? est curieux et est sorti, une fois de plus.

(Trop) riche

Départ canon pour Collier : vers 20h15, la Place Bell s’illumine de flashs de téléphones, tout comme l’impressionnante scène garnie de verdure et d’un banc rappelant simplement votre parc local en été (mais l’un des mieux entretenus, pas comme cette dégoûtante place Émilie-Gamelin par exemple).

Le musicien énergique, encore affublé de cette tenue hippie qui le caractérise, débute son spectacle en initiant une chorale à travers le public, harmonisant les différentes sections du parterre et des gradins. Typiques aux prestations sur scène de Collier, les chœurs de la foule, répétés plusieurs fois durant la soirée, apparaissent sans aucune hésitation comme étant les meilleurs instants du concert. Ce genres d’instants qui arrivent peu souvent dans une vie, à vrai dire.

Et le reste? Eh bien le reste est disons… éreintant. Se faisant rejoindre par une demi-douzaine d’autres musiciens, Collier performe à la suite 100,000 Voices et WELLLL. Le résultat est certes unique, mais ô combien chaotique et peu plaisant : du progressif teinté de métal, avec des accents alternatif et punk-rock cheesy, le tout sous un spectre omniprésent de pop. À l’aide, mon oreille est fatiguée!

Sans ne miser que sur un seul et unique style de musique, il est parfois nécessaire de se restreindre quelque peu afin d’arriver à un résultat ne serait-ce qu’un minimum homogène et plaisant. Mélomanes, appuyez sur le bouton « aléatoire » de votre bibliothèque Spotify et tapez-vous un morceau de Metallica, suivi d’un autre de Miles Davis, suivi d’un autre d’Imagine Dragons, suivi d’un autre de (you know the drill). Vous comprendrez.

Frustrant, parce que Collier est un as du solfège et comprend la musique comme nul autre sur cette Terre. Vraiment, il est sans exagération l’un des plus grands phénomènes de la musique au 21e siècle. Il peut faire mieux, il doit faire mieux.

Paradoxalement, moins Jacob Collier en met, mieux c’est : Little Blue et The Sun Is In Your Eyes sont de belles et touchantes compositions à la guitare acoustique. L’artiste de 29 ans excelle davantage à créer des ballades folk qu’à empiler des milliers de couches, assurément.

Sitôt la tendre ambiance installée, Collier empoigne une basse (après la guitare et le piano) et renverse la situation en interprétant l’insupportable Time Alone With You, à la ligne encore plus (inutilement) complexe que l’introduction d’un Giant Steps. Oui oui, c’est possible.

Mi Corazón mélange le hip-hop au funk sous des influences latinos, tandis qu’In Too Deep combine des sonorités asiatiques à un fond d’éléctro. N’ayez pas la prétention de laisser croire à votre prochain que vous comprenez ce qu’il se passe. Parfois, il ne suffit que d’une guitare et de bons textes. Trop d’ambition tue l’ambition.

Jacob Collier se permet une reprise de Fix You de Coldplay : le public chante les paroles sourire aux lèvres. Mais s’il y a bien une relecture qui sort de l’ordinaire, c’est la longue version de Bridge Over Troubled Water de Jacob Collier. Les harmonies dépeignent réellement une connaissance inouïe de la musique.

Rarement a-t-on entendu une version aussi originale de ce classique de Simon and Garfunkel. On vous laisse une interprétation de la pièce d’un précédent spectacle, afin que vous forgiez votre propre avis.

Quelques minutes avant All I Need, Collier se permet de diriger le public dans une chorale plus longue qu’à l’habitude : des perches viennent capter l’instant, car, on le sait, l’artiste britannique aime utiliser des segments de ses concerts quand il crée. Jacob Collier chérit son public, ça, personne ne peut lui enlever.

Le concert se clôture sur une série de rappel (et non un réel bloc distinct, les lumières se coupent entre chaque chanson) : Over You, Box of Stars, Pt. 1 (probablement la pire composition entendue par votre rédacteur cette année) et une dernière reprise, cette fois-ci Somebody to Love de Queen.

Collier laisse derrière lui l’empreinte d’un génie, mais à la fois une empreinte chaotique et malheureusement inécoutable la majorité du temps.

 

Grille de chansons

  1. 100,000 Voices
  2. WELLLL
  3. She Put Sunshine
  4. Little Blue
  5. Wherever I Go
  6. Cinnamon Crush
  7. Time Alone With You
  8. The Sun Is in Your Eyes
  9. Bridge Over Troubled Water (reprise de Simon & Garfunkel)
  10. In Too Deep
  11. Mi Corazón
  12. Never Gonna Be Alone
  13. Witness Me
  14. Fix You (reprise de Coldplay)
  15. All I Need

Rappels

  1. Over You
  2. Box of Stars Pt. 1
  3. Somebody to Love (reprise de Queen)

 

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