crédit photo: Danny Taillon
Royal

Royal au Théâtre Duceppe | Sans pitié

Dans la pièce Royal, présentée au Théâtre Duceppe, Jean-Philippe Baril Guérard livre une adaptation de son roman à la fois troublante et percutante. On y retrouve une cohorte d’étudiants en droit déterminés à décrocher un stage dans un prestigieux cabinet, coûte que coûte.

Avant même que la pièce commence, l’ambiance est installée. Sur les rideaux noirs du théâtre, des visages d’étudiants défilent en gros plan. Ils semblent nous toiser du regard, nous cacher des choses. Leur regard machiavélique qui tourne en boucle attise la curiosité.

Un des défis de l’adaptation de Royal est de transmettre les nuances et les thèmes de manière aussi efficace que dans le roman. Comment faire comprendre les études de droit à des personnes qui n’y connaissent rien? Pour ça, les metteurs en scène Virginie Brunelle et Jean-Simon Traversy ont choisi de prendre le public par la main avec une scène d’ouverture assez dense. On y retrouve chaque personnage qui se présente brièvement. Un choix audacieux qui demande un peu de concentration puisqu’on passe rapidement de l’un à l’autre : les étudiants de la « section A », une avocate d’un prestigieux cabinet chargée de trouver de nouvelles recrues, et le cousin d’Arnaud (Vincent Paquette), le personnage principal, qui a réussi à intégrer le fameux cabinet.

Il n’en faudra pas plus pour comprendre qu’ils sont (presque) tous des « privilégiés ». S’ils sont là, fièrement étudiants au baccalauréat en droit de l’UDEM, c’est parce qu’ils sont « l’élite de la société », rien de moins.

Royal aborde aussi les travers plus sombres de ce culte de la performance omniprésent dans les milieux académique et professionnel. Ce besoin de réussir à tout prix pousse les étudiants dans leurs derniers retranchements. Décrocher un stage devient leur personnalité, dans un quotidien où il n’est jamais question de flancher, puisque l’échec n’a pas sa place. Quand la possibilité de quitter la course frôle Arnaud, c’est le drame. Il se sent « misérablement médiocre », au point de considérer le suicide. À quoi bon continuer? L’étudiant ne trouve plus de sens à son existence.

Cette scène est suivie de l’intervention d’une des comédiennes qui rappelle au public que « le suicide n’est jamais une option ».

Difficile de se remettre dans la pièce. L’ambiance est lourde, et pourtant, ce n’est pas fini.

Une des étudiantes de la cohorte, jouée par Romy Bouchard, est victime d’une agression sexuelle. Une situation qu’elle préfère garder secrète pour éviter de compromettre sa future carrière en endossant l’étiquette de « celle qui a porté plainte ». Une triste réalité.

La mise en scène particulièrement réussie de Royal rend la pièce d’autant plus prenante. Le décor est épuré et sobre. Une plaque de verre sert de scène et l’arrière-plan est composé d’un rideau métallique, qui permet de jouer avec l’espace et la lumière. On se sentirait presque dans un lounge de ces grands immeubles du centre-ville, à la fois froid et impersonnel.

Lors de certaines scènes, le rideau de métal sert de support aux images d’une caméra qui filme en direct. On y voit le visage d’Arnaud et tout ce qu’il exprime : la peur, le doute, la détermination et même la folie. Un gros plan à la fois intimidant et immersif.

Les moments de danse, quant à eux, sont parfaitement intégrés et illustrent avec force ce que traversent les étudiants. Décrocher un stage est une vraie bataille et les onze comédiens nous le font bien comprendre.

Les élèves innocents du début se transforment peu à peu en monstres animés par le seul désir de remporter la course aux stages. Certains retournent leur veste jusqu’au dernier moment. Une évolution qui passe notamment par les costumes. Au départ tous vêtus, ils finissent presque nus, la chemise ouverte, avec des couronnes sur la tête des heureux élus.

Bien que Royal traite de la difficulté des études de droit, la pièce peut véritablement parler à toutes les générations. Car finalement, le microcosme des études de droit n’est rien d’autre que le reflet de notre société, souvent exigeante, individualiste et sans pitié.

La pièce sera présentée au Théâtre Duceppe jusqu’au 11 mai. La billetterie est disponible en ligne ici.

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