Tortoise

Tortoise au Théâtre Fairmount | Comme une classe de maître

Tortoise, la légendaire formation de rock instrumental de Chicago, était enfin de retour à Montréal dimanche soir pour un set alliant intensité et virtuosité. Quelque chose comme une classe de maître.


Il y eût Tortoise au milieu des années 1990. Puis l’explosion du mouvement post-rock au tournant du millénaire, et une riche descendance de troupes instrumentales rock qui sévissent aujourd’hui. Ceux-ci en sont les branches, et ce n’est presque pas exagéré de prétendre que Tortoise en est le tronc.

Si les Godspeed, Mogwai, Pawa Up First et autres The Sea and Cake de ce monde ont conquis les tympans par milliers, c’est en grande partie parce que Tortoise fût. Et est toujours, le groupe lançant récemment un 7e album et premier en 7 ans, The Catastrophist, dont les critiques furent plus qu’élogieuses (avec raison).

 

Last Ex et Mind Over Mirrors en ouverture

Un bon exemple des branches dont on parlait ci-haut : Last Ex.  L’ensemble montréalais, mené par Simon Trottier et Olivier Fairfield, occupait d’ailleurs la première partie de la soirée, et donne dans un rock instrumental oblique, étrange et mystérieux. Une aventure musicale de type « film noir », axée sur les cadences triturées, les sonorités de guitare à la Timber Timbre (Simon Trottier en fait partie) et les ambiances à la David Lynch.

Pas surprenant que les fans de Tortoise ont visiblement apprécié la performance. C’est de la même famille, comme un petit cousin plus dark de la même lignée.

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Peu après Last Ex, c’était au tour de Mind Over Mirrors. Tous les yeux étaient rivés vers la scène, où rien ne se passait, même si une musique hypnotique résonnait dans le Théâtre Fairmount. Il a fallu une bonne dizaine de minutes aux gens des 5-6 premières rangées en avant, avant de réaliser que l’artiste performait tout juste derrière eux, sur une petite console lumineuse au beau milieu de la foule.

Projet solitaire de Jaime Fennelly, Mind Over Mirrors emprunte à la musique classique répétitive en fabriquant ce même genre de construction circulaire à l’aide d’un harmonium, de synthés à pulsations et d’effets de boucle à rubans (tape machine). Les courtes couches mélodiques se superposent jusqu’à créer un effet de transe, qui a bien fait son effet lors de la première pièce (d’une douzaine de minutes), mais s’est estompé dès qu’on tentait le même jeu une seconde fois. L’effet curiosité rassasié, les gens au Fairmount se sont mis à jaser de leur week-end avec le voisin de gauche, avec la musique en boucle de Mind Over Mirrors comme fond sonore.

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Le mets principal

Puis, les 5 maîtres de Tortoise sont arrivés vers 22h15, et les 75 prochaines minutes allaient être délectables. Pas question de jaser de son week-end rendu là.

Du rock au jazz, avec une ferveur presque punk par moments; du prog au krautrock, des signatures de temps inhabituelles, le tout parfaitement maîtrisé par les 5 membres, et en visitant autant le matériel du nouveau disque que les mélodies des précédents.

Sur scène, deux batteries se font face et sont ingénieusement placées au-devant de la scène. Les cinq musiciens sont multiinstrumentistes et passent allègrement du synthé à la batterie, puis au vibraphone, à la guitare ou à la basse. Il y a aussi cet étrange instrument à l’extrémité du côté jardin : un genre de clavier à percussions électronique, joué avec des mailloches. On dirait un croisement entre un drum pad et un marimba.

Quoi qu’il en soit, chaque son est soigneusement choisi, et le tout est tiré vers l’avant par la batterie, qui part parfois sur de folles envolées, ou parfois même les deux batteries, en même temps, qui se donnent la réplique à contre-temps.

Il n’y a pas de mise en scène, pas de projections et les éclairages font le minimum. C’est musicalement que ça se passe, et dans l’interaction subtile mais intelligente entre les musiciens.

Après plus de vingt ans de carrière, les membres de Tortoise sont toujours aussi inspirés et passionnés, puissants et beaux à voir. Ils sont encore et toujours maîtres dans leur catégorie, et ça faisait grand bien de les voir à l’oeuvre à Montréal, surtout dans la relative intimité du Théâtre Fairmount, où l’on pouvait carrément se tenir à quelques pieds d’eux et en prendre plein la gueule. Pour l’amour de la musique, purement et simplement.

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