crédit photo: Jérome Daviau
Esmerine

POP Montréal 2022 | L’évocation du rêve par Esmerine et le rythme cardiaque de Jason Sharp

Esmerine est un groupe hors norme, aux rares apparitions. Projet parallèle fondé par Rebecca Foon au violoncelle (Thee Silver Mt. Zion, Saltland) et le percussionniste Bruce Cawdron (Godpseed You! Black Emperor), ils naviguent entre musique de film et ambient, les images défilent devant nous même, s’il n’y a aucune projection pour les accompagner.

Sur scène, ils sont accompagnés du batteur Alden Roberge (Ian Tamblyn) et du multi-instrumentiste Brian Sanderson. De retour à la harpe, on retrouve Sarah Pagé, qui avait pris une pause du groupe depuis 2011, sans doute pour se consacrer à sa fructueuse collaboration avec les Barr Brothers.

Avec une orchestration qui louche entre la musique de chambre et le jazz, il est difficile de savoir à quoi s’attendre. C’est une musique soyeuse qui invite au voyage et Brian Sanderson en est le catalyseur avec les différents instruments qu’il joue : le violon électrique, la basse, la piano, le bugle, le hulusi (sorte de bombarde chinoise) et le n’goni (une kora malienne). Tout un tour du monde!

Dans les différentes ambiances évoquées au cours de la douzaine de titres jouées ce soir, on peut faire des rapprochements avec la musique de Yann Tiersen en moins répétitif et la musique de film de Martin Léon (entre autres sur les films de Philippe Falardeau). Mais Esmerine a aussi la qualité de faire des morceaux relativement courts et de ne pas noyer leurs thèmes musicaux dans des suites interminables. De quoi permettre au public de ne pas décrocher. D’ailleurs, la Sala Rossa était en mode intimiste, avec les musiciens sur le plancher et des rangées de chaises les entourant. Une proximité qui a bonifié l’expérience de l’immersion au sein de leur musique.

À souligner, la recherche orchestrale ambitieuse du groupe : avec Bruce Cawdron qui joue de la marimba avec des archets – un dans chaque main, les instruments hétéroclites de Brian Sanderson, ainsi que la harpe de Sara Pagé également joué à deux archets à plusieurs reprises, les thèmes se font éthérés même si quelques moments plus rythmés permettent de nous secouer un peu.

Indéniablement, l’originalité du groupe nous touche. La découverte de leur univers reste un beau moment. Ayant déjà vu le groupe en concert, je suis satisfait de ma soirée mais j’aurais aimé un petit quelque chose de plus. Peut-être des projections, c’est certainement la musique la plus à même d’en être appuyée, alors qu’on nous l’assène souvent ces derniers temps sans que cela n’apporte grand chose à la musique.

Jason Sharp : rythme cardiaque

Précédant Esmerine, Jason Sharp est là pour nous jouer une de ses œuvres ambitieuses.

C’est véritablement un de nos musiciens montréalais à suivre : pour mémoire, j’avais été subjugué par son projet FYEAR et j’avais grandement apprécié sa participation avec Thus Owls.

Pour le concert de ce soir, c’est en solo qu’il se présente, pour nous jouer The Turning Centre Of A Still World, un ensemble de pièces composées seul pendant la pandémie et centré autour de ses propres battements cardiaques. Pour ce faire, il porte un capteur et le son nous est transmis par la sonorisation.

Accompagné de son énorme saxophone basse, souvent traité par différent filtres, d’un synthétiseur modulaire et de sons enregistrés et traités, d’un pédalier qui joue de la basse, on se doute qu’on est loin de la pop – merci à Pop Montréal de nous sortir de notre zone de confort.

Il est évident que décrire ce genre de musique est voué à l’échec mais je m’essaie de même : entre des nappes ambient et des phrases lentes de saxophones plus ou moins modifiés par de nombreux effets, accompagnées de pistes enregistrées aussi fortement traités, c’est toute une expérience auquel nous assistons. Pour accélérer son rythme cardiaque, il fait de rapides pas de courses sur places et reprend son saxophone sur un rythme plus vif et pour conclure tranquillement alors que son pouls s’apaise.

En arrière-plan, les projections de Guillaume Vallée, tout aussi difficiles à décrire, évocation d’images floutées et traitées, proches des imperfections de la pellicule, entre des images d’eau qui s’écoule et des images plus médicales, de cœur vraisemblablement, même si, avec ma mauvaise foi, ça m’a rappelé ma colonoscopie !

Avec autant d’images difficilement reconnaissables, j’avoue avoir ressenti comme une fatigue à en être bombardé et à en chercher une signification ou à identifier des formes.

Si l’approche musical de Sharp est intéressante et pertinente, 50 minutes d’une pièce aussi riche et parfois aride, ça reste un exercice où j’ai parfois décroché, ce n’était vraisemblablement pas la soirée où j’étais le plus réceptif.

GRILLES DE CHANSONS (ESMERINE) :

  1. Space In Between
  2. Learning To Crawl
  3. Entropy
  4. Blackout
  5. Dog 1-4
  6. Ngoni
  7. Fractals
  8. Neighbourhoods
  9. Histories

Rappels

  1. BBF
  2. Foxtails
  3. Bullets

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