crédit photo: Nadim Zakkour
July Talk

July Talk au MTELUS | La chimie entre Peter Dreimanis et Leah Fay opère encore

Les chouchous du rock alternatif canadien étaient de passage à Montréal pour la troisième fois en moins de deux ans afin de faire la promotion de leur album Remember Never Before, paru au début de l’année. On ne va pas voir un spectacle de July Talk pour se faire surprendre, mais plutôt pour voir ce qui les distingue sur scène : des prestations physiques portées par la complicité contagieuse entre Peter Dreimanis et Leah Fay. C’est ce à quoi on a eu le droit mardi soir.

Back to the Future – Ou l’impression d’un déjà vu

Lors de leur dernier passage au MTELUS, July Talk ouvrait pour Metric et avait pratiquement volé le titre de vedette de la soirée à leur collègue de la scène torontoise de rock indépendant. Déjà à cette époque, le groupe jouissait d’une réputation de bête de scène portée par l’indéniable complicité entre Peter Dreimanis et Leah Fay. July Talk avait livré cette soirée de mai 2019 du rock tranchant aux saveurs de blues et la réception enthousiaste du public pour cette première partie laissait croire que plusieurs avaient acheté des billets pour les voir eux, plutôt que leurs aînés.

Quatre ans plus tard, l’histoire en quelque sorte se répète. Cette fois-ci, c’est plutôt Crown Lands qui ouvrait pour July Talk. Dès les premières secondes sur scène, c’est une tonne de rock progressif que Cody Bowles (batterie et voix) et Kevin Comeau (guitare et basse) nous ont balancé, comme s’il n’y avait pas de lendemain. La réaction du public a été immédiate. C’est apparu comme une évidence, plusieurs étaient déjà des admirateurs de ce groupe d’Oshawa et s’étaient procuré des billets pour les voir. Ils n’ont peut être pas volé la vedette, mais presque.

 

Crown Lands : du rock progressif engagé

Forgé en 2015 dans une grange, le son de Crown Lands s’est construit à partir d’influences de Led Zeppelin, Rush et Pink Floyd. Loin d’être une pastiche de ces groupes, le son de Crown Lands est percutant et original, même si on entend facilement des références identifiables du rock progressif. Il faut imaginer leur son comme étant celui qui serait créé si on demandait à tous ces groupes emblématique de jammer ensemble dans cette grange d’Oshawa: des compositions originales empreintes d’une certaine époque.

Pourtant seuls sur scène, Bowles (Mik’maq) et Comeau (juif et descendant de survivants de l’holocauste) sonnent comme s’ils étaient quatre ou même cinq. Certes ils sont énergiques et enthousiastes, mais aussi très talentueux. Comeau est impressionnant à la guitare (il manie même une guitare à deux manches et 18 cordes) et le jeu de batterie de Bowles est riche et souvent complexe. Au chant, la voix de Bowles est juste, forte et semble posséder une plage vocale assez large. Côté registre, elle bascule parfois du côté de Robert Plant (Led Zeppelin), parfois du côté de Geddy Lee (Rush). Encore une fois, malgré les influences très audibles, Bowles sait faire de ces voix la sienne.

Côté paroles, les textes sont inspirés de la résistance des autochtones au colonialisme. D’ailleurs, le nom du groupe, Crown Lands, évoque le désir de perturber le concept des terres de la Couronne volées aux Premières Nations par nos ancêtres.

Ardents défenseurs des communautés LGBTQ+ et autochtones, il n’est pas étonnant que Crown Lands ait eu des accointances avec July Talk qui, surtout avec sa tournée Remember Never Before, se positionne en défenseurs de ces communautés. D’ailleurs, Leah Fay a reconnu en milieu de spectacle que celui-ci avait lieu en terre non cédée et nous invitait à tous rejoindre le grand projet de réconciliation.

July Talk : à la hauteur des attentes, sans plus

Bien que le MTELUS ne fût pas rempli à pleine capacité, l’ambiance durant la prestation de July Talk n’en a pas souffert. Le public, surtout sur le parterre, était très bien engagé durant les succès des premiers albums (Push + Pull, Guns + Ammunition, Summer Dress) mais aussi durant les titres du plus récent album Remember Never Before (After This, Certain Father et Human Side) paru plus tôt cette année.

Sur scène, la complicité entre Dreimanis et Fay opère toujours. On ne connaît pas la réelle relation entre les deux, mais ce qui compte c’est ce que cette relation apporte à leur performance. Ils se donnent la réplique comme deux amis d’enfance se la donnent, parfois dans la sensualité, parfois dans la confrontation, parfois dans la douceur, et d’autres dans la révolte. Ils se présentent à nous comme une projection de nos propres vies, et c’est probablement là que réside la connexion que le public de July Talk ressent pour leur musique et leur performance.

Le désavantage d’avoir vu en spectacle le même groupe plusieurs fois en quelques années, c’est d’avoir en mémoire de multiples comparaisons. C’est donc difficile de passer sous silence qu’hier au MTELUS la balance du son ne permettait pas aux titres des premiers albums, tout près du blues, d’être aussi percutants qu’ils l’ont été sur scène dans le passé. Plutôt qu’être brut et tranchant, le son ressemblait plutôt à celui d’un aréna, lorsque l’écho et la réverbération saturent tant le son qu’ils relèguent les voix (pourtant si importantes dans la musique de July Talk) et les guitares rythmiques en second plan. Pour être juste, ce son allait à merveille aux titres du dernier album.

Que leur réserve le futur?

Le premier opus de July Talk aura dix ans cette année. Malgré qu’ils ont toutes les raisons d’être fiers de leurs réalisations, on se demande s’ils n’ont pas atteint leur plateau de popularité. Fort de leur quatrième album, excellent soit dit en passant, on se demande pourquoi ils n’ont pas pu remplir le MTELUS hier soir.

Pour reprendre la formule déjà utilisée par Emily Haines (Metric) à propos de son propre groupe, peut-être que le son de July Talk est trop indie pour prendre une place prédominante sur les radios commerciales, et trop pop pour se hisser dans les plus grandes sphères de la scène indie.

L’avenir nous dira se leurs performances électrisantes et l’utilisation judicieuse qu’ils font des répliques vocales du duo autour duquel est centré le groupe leur permettra de prendre encore du galon.

 

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Crown Lands

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