crédit photo: Antoine Saito
Fred Pellerin

Fred Pellerin & l’OSM à la Maison symphonique | Comme deux pièces d’un puzzle

Le conteur préféré de tous les Québécois mariait son talent à celui des musiciens de l’OSM pour présenter un spectacle en commun à la Maison symphonique, Le secret de Polichignon. La première se tenait ce jeudi, tandis que quatre autres représentations sont programmées du 15 au 17 décembre. Entre la féérie du conte et la tendresse de la musique classique, les mondes distincts de Fred Pellerin et de l’OSM se sont complétés à merveille durant la performance.

À 19h30, Fred Pellerin foule les planches de la Maison symphonique, en même temps qu’un visage familier aux habitués de l’Orchestre symphonique de Montréal. Nul autre que Kent Nagano, directeur musical de l’OSM de 2006 à 2020, se charge de diriger l’ensemble en cette soirée magnifique. Nagano se retourne, fait un signe discret à la régie avant que les lumières ne se ferment dans la salle.

À la case départ

Fred Pellerin, vêtu de ses fameuses lunettes et d’un nœud papillon jaune et bleu, se rapproche du micro et débute le conte en posant les bases, en commençant avec le commencement. L’orchestre accompagne les paroles du conteur avec la Symphonie no 1 en ré majeur de Gustav Mahler, pendant qu’une grande sphère au-dessus du chef d’orchestre reçoit des projections s’apparentant à la braise du Soleil. Ressemblant à une boule de Noël, l’orbe accueille tout au long du spectacle des images déjà probablement projetées dans le fond des esprits des plus créatifs présents dans l’auditoire.

* Photo par Antoine Saito.

L’introduction du conte ne tient pas de lien réel avec le reste du récit, mais s’inscrit tout de même comme une agréable mise en bouche. Et Fred Pellerin, que dire qui n’a pas encore été dit : une diction impeccable, des intonations invitantes, sa façon de jouer avec les mots, de bricoler ses phrases comme nul autre. Après avoir avoué qu’il a assisté à la création du monde il y a bien longtemps de cela, le conteur clôture son introduction et s’assoit sur une chaise derrière lui afin de laisser place à l’orchestre, plus discret depuis les premières minutes.

Des cuivres marquent les coups de La grande porte de Kiev, extrait des Tableaux d’une exposition, avant de se faire rejoindre par le reste de l’orchestre sur la sublime composition de Modeste Moussorgski. La fin de la scène est solennelle, puissante. Dès les dernières notes, encore résonnantes dans l’enceinte, les artistes se méritent une première ovation.

Nous sommes maintenant entrés dans le monde de Fred Pellerin. Nous voilà à Saint-Élie-de-Caxton.

 

De 7 à 77 ans

Suivant ce passage maîtrisé, Pellerin retrace tranquillement les péripéties du barbier Méo, un personnage régulier de son univers fantastique. Il est quelque peu compliqué de discerner une ligne directrice dans le conte dès le départ, mais le récit se recentre après quelques minutes et surtout : Fred Pellerin fait rire, vraiment, au point où le spectacle frôle pleinement le stand-up par instants.

* Photo par Pascal Leduc.

Pellerin fait une référence à des abeilles dans quelques-unes de ses phrases, et il n’en faut pas plus à l’OSM. Kent Nagano et ses musiciens enchaînent avec Le Vol du bourdon, classique virtuose de Nikolaï Rimski-Korsakov, pendant que l’orbe projette des animations de butineuses.

Compris comme tel, le spectacle plairait surtout à la jeunesse mélomane, mais à la manière d’un film Pixar, Le secret de Polichignon pourrait plaire autant aux petits qu’aux grands. À travers le récit, Pellerin traite du deuil, offre un absurde magnifique et se permet des blagues plus nichées. La première couche esquisse un sourire aux lèvres des dents de lait, la deuxième intrigue les plus expérimentés de la vie.

 

La force d’un orchestre

Autant que Fred Pellerin su briller au long de son heure et demie de performance, autant que l’orchestre su prendre sa place et ravir grâce à un choix particulièrement réussi du répertoire présenté. Entre pièces de vieux compositeurs et celles de nouveaux venus (notons même la présence de deux courts extraits de Maxime Goulet, Tressage à trois cheveux et Tournée du village, dévoilés en première mondiale), l’OSM excelle dans l’art qu’est celui de démontrer l’étendue extraordinaire des sonorités de la musique classique.

Car ce n’étaient sûrement pas seulement des fanatiques de baroque niché ou des compositions de Béla Bartók, par exemple, qui prenaient place sur les sièges confortables de la Maison symphonique ce jeudi 14 décembre. En réitérant une collaboration avec Fred Pellerin, en invitant plus tôt dans l’année IAM dans ses rangs ou en jouant sur l’esplanade du Stade olympique, l’OSM élargit son public et s’aventure à lui faire apprécier, ou non, la musique classique. Et dans un catalogue s’étalant sur presque 500 ans, il y en a de quoi montrer.

* Photo par Pascal Leduc.

Que ce soit en traduisant à la perfection la mélancolie de la Symphonie no 6 en si mineur, op. 74 de Tchaïkovski, en présentant jusqu’où cette technique musicale peut se rendre grâce à Rimski-Korsakov ou en démontrant encore que la musique moderne orne les esprits d’images comme nulle autre, il n’est pas osé d’affirmer que la lourde tâche a été relevée avec brio. Et il est nécessaire de poser une mention à l’interprétation magnifique du Prélude en mi mineur, op. 28, no 4 par Olga Gross au piano, tantôt rejoint par le reste de l’orchestre, prouvant une fois de plus qu’il n’est pas essentiel de compter sur la virtuosité de Liszt pour impressionner le mélomane.

* Photo par Antoine Saito.

Sans divulgâcher quoi que ce soit, il est certain que l’évolution de la relation entre Méo et Solange, sœur catholique, donne envie de découvrir jusqu’aux dernières secondes du secret de Polichignon le terme du récit.

Un énorme coup de cœur personnel, une soirée maîtrisée de bout en bout par Fred Pellerin, Kent Nagano et les musiciens de l’OSM.

* Photo par Pascal Leduc.

Tout au long du spectacle, des caméras se baladaient à travers la scène, histoire d’immortaliser le moment pour ceux et celles n’ayant pas eu la chance d’assister à l’événement.

Le concert sera encore joué à quatre reprises, du vendredi au dimanche.

 

Grille de chansons (OSM)

  1. Symphonie no 1 en ré majeur, « Titan » : I. Langsam, schleppend – Immer sehr gemächlich (Gustav Mahler)
  2. Tableaux d’une exposition : X. La grande porte de Kiev (Modeste Moussorgski)
  3. Le conte du tsar Saltan : « Le vol du bourdon » (Nikolaï Rimski-Korsakov)
  4. Concerto pour trombone, « Motorbike » (Jan Sandström)
  5. Les eaux célestes (Camille Pépin)
  6. Prélude en mi mineur, op. 28, no 4 (Frédéric Chopin, arrangement C. LaRosa)
  7. Tournée du village (Maxime Goulet)
  8. Symphonie no 4 en do mineur, D. 417, « Tragique » : I. Adagio molto – Allegro vivace (Franz Schubert)
  9. Tressage à trois cheveux (Maxime Goulet)
  10. Symphonie no 6 en si mineur, op. 74, « Pathétique » : IV. Adagio lamentoso (Piotr Ilitch Tchaïkovski)
  11. Stille Nacht (Franz Xaver Gruber, arrangement H. Bégin)
  12. Au commencement du monde (David Portelance, orchestration H. Bégin)

Photos en vrac

* Photo par Pascal Leduc.

* Photo par Antoine Saito.

* Photo par Pascal Leduc.

* Photo par Antoine Saito.

* Photo par Pascal Leduc.

* Photo par Pascal Leduc.

* Photo par Antoine Saito.

* Photo par Pascal Leduc.

* Photo par Pascal Leduc.

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