Christian Scott aTunde Adjuah

Festival de Jazz de Montréal 2022 – Jour 6 | Chief Christian Scott aTunde Adjuah au Monument-National: Oui, chef.

Christian Scott Adjuah, trompettiste extraordinaire et overall humain de grande qualité était de passage au Festival de jazz hier, accompagné de son groupe. Ou plutôt, c’est lui qui accompagnait son band. Mais même, en retrait, le musicien réussit à fasciner.

« What IS that? »
Une voix se fait entendre des entrailles du public dès que la première chanson du groupe se termine.

Une question légitime qu’on se posait pas mal toustes et qui fait référence à l’instrument, ma foi, assez fucked up que brandit Christian. Un genre de long tube chromé assorti de ce qui semble être des cordes de harpe tombant de chaque côté, donnant à l’objet un look un peu « le pont Leonard P. Zakim Bunker Hill à Boston ».

D’habitude, les gens du public qui crient des trucs, c’est non. Mais dans ce cas-ci, ça a ouvert la porte à ce que le musicien nous explique la petite histoire derrière le Adjuah’s Bow, son invention (le gars a tendance à inventer des instruments, comme en témoigne cet hybride de trompette et de cornet à son nom).

Je dis « petite histoire », mais c’est une plutôt grande histoire, compte tenu que l’inspiration première derrière cette invention est le kora, un instrument ouest-africain du 13e siècle qui serait, semble-t-il, pas mal à la base de tout le blues de la Louisiane et donc d’à peu près toute la musique telle qu’on la connait aujourd’hui.

Fait que merci, heckler, on a appris plein d’affaires grâce à toi.

En fait, on a appris plein d’affaires tout au long de ce, pourtant, relativement court spectacle.

On a appris que le Adjuah’s Bow qu’il tenait là était le premier prototype, mais qu’il en avait maintenant 7 et que les autres étaient présentement à l’atelier pour se faire recouvrir d’or.

On a appris qu’on était les premiers à entendre une pièce, pour l’instant sans titre, qui avait était composée la veille. Il a d’ailleurs demandé au public si quelqu’un avait un bon titre pour celle-ci. « Montreal » et « Amour » ont été proposés, mais semblerait-il qu’ils n’aient pas fait la cut.

On a appris, assez en profondeur, l’histoire humaine derrière chacune des personnes qui composent son band.

On a appris que The Last Chieftain, épique épopée de 16 minutes et dernière pièce jouée dans la soirée, était bâtie autour du rythme propre à sa tribu, les Black Maroons/Black Masking Indians de la Nouvelle-Orléans.

Tribu dont il est maintenant Chief, tout comme l’ont été son oncle et son grand-père auparavant.

Mais ce qu’on a surtout appris c’est à quel point l’artiste est respectueux. Au-delà de la façon très révérencieuse qu’il a de présenter ses collègues. Au-delà de son speech sur l’indulgence et l’acceptation d’autrui avec lequel il a clos le spectacle. Là où son respect était le plus apparent, c’était dans sa façon de devenir aussi spectateur que nous lorsque son band jouait sans lui.

Il se tassait constamment en bordure de la scène, la trompette au repos, les yeux rivés sur ses amis, tanguant sous le rythme et arborant un stankface permanent.

Tsé, c’est lui, la star. C’est son nom, sur le billet. Sa face, sur le poster. C’est lui, le dude avec les Grammys. Il pourrait se permettre d’accaparer ce moment pour en mettre plein la vue et se booster l’égo sous les tonnerres d’applaudissements. Mais non. Il a plutôt passé, sans farce, un tiers du show en périphérie des coulisses, à regarder la musique se construire sans lui.

Il laisse les autres briller. Sa flutiste, Elena Pinderhughes, tout particulièrement.

Et avec raison. Quelle musicienne. C’est elle qui a tenu le coeur de la plupart des pièces, avec ses longs solos tantôt mélodieux, tantôt exploratoires. Grosse découverte, que cette jeune femme. Et on a de la chance, semblerait qu’elle soit sur le point de sortir un album.

Et quand Christian intervenait en duo avec elle, ce n’en était que plus magistral.

C’est là qu’on voit la différence en un band leader et un frontman.

Mais bon, rien de surprenant à voir un chef de tribu être un bon leader, j’imagine.

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