crédit photo: Pierre Langlois
René Lussier

René Lussier et Robbie Kuster au Verre Bouteille | Ludique et jovial

En ce jeudi 5 juin 2025, ce sont deux piliers de la scène québécoise que l’on retrouvait sur la scène du Verre Bouteille. La rencontre entre la guitare de René Lussier et les percussions originales de Robbie Kuster était inévitable et le résultat du duo donne lieu à l’album Fiat Lux dont c’était le lancement.

À ma droite, René Lussier à la guitare et au daxophone, agrémenté de quelques objets usuels comme un ventilateur portatif ou une brosse à dent électrique détournés de leur fonction primaire pour en ressortir de la musique. Lussier est un maître de la scène jazz improvisée avec 50 ans de carrière qui avait été dignement fêtés il y a quelques mois au Ministère. Mais Lussier sait sortir judicieusement de ce cadre restrictif pour se retrouver impliqué dans des projets d’allure plus conventionnels dans les débuts de Gros Mené ou bien en ouvrant pour les concerts de Zouz ou de Voïvod.

À ma gauche, Robbie Kuster à la batterie et aux percussions diverses, comme un orgue à clous, une scie musicale ainsi qu’une pédale pour enregistrer des boucles. Une autre carrière difficile à résumer en quelques mots! Robbie Kuster s’est fait connaître avec sa participation au groupe de Patrick Watson mais il a aussi joué sur énormément de disques et on le retrouve régulièrement comme arrangeur et producteur. Cela implique Louis-Jean Cormier, Willows, Black Legary, Marianne Trudel, Yannick Rieu, Bye Parula, Joe Grass, Fred Fortin pour être succinct. Disons que quand  Kuster est impliqué dans un projet d’une quelconque façon, cela revient à apposer un sceau de validation.

La collaboration entre les deux remonte à 2018, lorsque Kuster a rejoint le quintette de Lussier où l’on retrouvait deux batteries. C’est naturellement que les deux improvisateurs se sont retrouvés en duo, se rejoignant dans leur goût de la recherche musicale, de l’improvisation ainsi que leur côté ludique et rieur. La collaboration a donné lieu à l’album Fiat Luxque la lumière soit » en latin) et sort ce vendredi. Il est particulièrement réussi et chaudement recommandé.

Le lancement de cet album est donc le prétexte au concert de ce soir dans le chaleureux Verre Bouteille, qui est rempli à pleine capacité et qui regorge de musiciens de tous styles et de tous âges. Évidemment, René Lussier monte sur scène avec son œil pétillant et malicieux, n’hésitant pas à ponctuer la prestation de blagues à divers niveaux. Robbie Kuster suit sa guitare à la trace et les échanges de regards sont réguliers, la connivence est bien là.

Si le côté improvisateur voir bruitiste du guitariste peut en rebuter certains, Lussier sait toujours retomber sur ses pattes en délivrant des mélodies entêtantes même lors de ses explorations sonores et reste toujours abordable. La structure des titres pourrait paraître lâche de par leur côté expérimental, mais le travail d’écriture et de composition est bien présent et audible avec des parties bien distinctes où le duo se retrouve et se relance pour mieux repartir.

Kuster est un expert pour rester collé à l’univers de ses collaborateurs et il prend visiblement un malin plaisir à répondre aux diverses facéties musicales de son comparse, toujours très joueur. Et si le batteur rate quelques signaux pourtant bien visibles du guitariste, particulièrement sur un titre, Lussier s’en amuse et agrandit le terrain de jeu pour laisser davantage de place à son acolyte.

Il faut aussi mentionner l’apparition de quelques instruments hors norme, comme l’orgue à clou de Robbie Kuster qui est une planche où sont agencés en rangés des vis de différentes tailles et matériaux. Le tout est joué en les frottant ou en les pinçant pour un son proche de l’orgue à pouces, mais avec un registre plus large et plus riche.

Du côté de René Lussier, il y a son daxophone, un instrument composé d’une languette de bois montée sur un trépied et qui est jouée à l’archet. La hauteur des notes est modulée par une pièce de bois avec une justesse approximative. Le son en est très expressif et vocal, proche des voyelles d’une voix humaine, l’utilisation de différentes pédales d’effets accentue encore davantage cette impression.

En rappel, le duo livre une version éclatée du standard Over the Rainbow où la scie musicale échange avec le daxophone pour un beau résumé iconoclaste des qualités musicales et expressives du duo.

Les 90 minutes de ce réjouissant concert sont passées en un clin d’œil, les deux musiciens faisant toujours preuve d’inventivité et d’échanges construits, taquins et intelligents. La complicité est bien présente et, si les talents musicaux et techniques de Kuster et Lussier ne sont plus à démontrer, l’aspect jovial et ludique ressort de la prestation, livrant une musique expérimentale joyeusement accessible. La lumière fût!

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