Festival de Lanaudière

Alain Lefèvre au 39e Festival de Lanaudière | Rajeunir le public

Le Festival de Lanaudière, dont ce sera la 40e saison l’an prochain, vient d’annoncer ses couleurs pour cet été, du 9 juillet au 7 août 2016, soit tout un mois de pur bonheur pour les mélomanes. Ce festival, qui est le plus important événement de musique classique au Canada, jouit d’une excellente réputation à l’international, attirant dans son cadre pittoresque les plus gros noms parmi les musiciens. Mais son plus grand défi n’est pas la qualité de sa programmation, c’est plutôt de constamment rajeunir son public.

L’annonce de la programmation a été faite au Piano Nobile de la Place des Arts, comme d’habitude. Il faut dire que, depuis 1995, la Place des Arts est gestionnaire et propriétaire de l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay, le cœur battant du Festival de Lanaudière. Avec ses 2000 places assises, et presqu’autant sur la pelouse en contre-escarpe, le lieu est un foyer de toutes les délectations musicales. Logé dans un cadre champêtre aux abords de Joliette, le Festival de Lanaudière se compare aisément à ses semblables en Europe que sont Aix-en-Provence et Orange en France, ou encore un festival d’opéra comme Bayreuth en Allemagne, fondé par Richard Wagner.

Photo par Caroline Bergeron.

Photo par Caroline Bergeron.

Le grand pianiste Alain Lefèvre est ambassadeur du Festival de Lanaudière depuis 11 ans maintenant. C’est un rôle et un attachement qu’il prend très au sérieux. L’année dernière, au même endroit, il était habillé aux couleurs de la Grèce, jusqu’à porter des chaussures bleues. Il se préparait alors à s’établir au pays de Mikis Theodorakis. Qu’en est-il aujourd’hui? «Je passe ma vie à voyager et à donner des concerts partout dans le monde, répond-t-il. En fin de compte, je suis plus souvent à Montréal que n’importe où ailleurs. J’ai cette implication avec Lanaudière, j’anime une émission de radio à ICI Musique de Radio-Canada tous les dimanches, et je poursuis le travail avec Analecta pour attirer les jeunes, entre autres activités.»

C’est lui qui aura le très grand honneur de jouer à la Soirée d’ouverture du Festival de Lanaudière cette année, le samedi 9 juillet. Avec le chef Gregory Vajda et l’Orchestre du Festival, il interprétera le très beau Concerto pour piano no 1 de Tchaïkovski, de même que La Tempête, Fantaisie symphonique, et l’Ouverture de Roméo et Juliette du même compositeur, le tout agrémenté par les Fêtes romaines de Respighi.

C’est un honneur, mais j’ai en même temps le poids et la responsabilité qui viennent avec. La peur aussi, toujours…

Les grands chefs au rendez-vous

Pas moins de 24 concerts seront donnés, si l’on compte, en plus de l’Amphithéâtre, ceux qui seront offerts dans les églises de la région et au Musée d’art de Joliette. Les plus grands chefs de l’heure, comme Kent Nagano avec l’Orchestre symphonique de Montréal, Yannick Nézet-Séguin avec l’Orchestre Métropolitain, Bernard Labadie avec Les Violons du Roy, Jean-Marie Zeitouni avec l’Orchestre de chambre I Musici, seront tous au rendez-vous.

L’un des concerts les plus courus sera certainement celui de l’immense soprano Karina Gauvin, avec l’Orchestre Métropolitain dirigé par Mathieu Lussier le 22 juillet. La diva interprétera les grands airs de la musique romantique française, de Jules Massenet à César Franck, dont la facilité d’écoute est idéale pour  initier un jeune public à ce répertoire.

Plusieurs événements marquants ponctuent la programmation de cette année, comme, étalée sur deux ans, l’intégrale des 16 quatuors à cordes de Beethoven par le Quatuor Jupiter, un ensemble américain réputé. Ce sera le 11 juillet à l’église de la Purification de Repentigny, avec deux violons, un alto et un violoncelle. Une «expérience musicale» garantie.

Angèle Dubeau et son ensemble La Pietà, avec son violon Stradivarius, attirera aussi un plus jeune public en ayant ajouté Philip Glass à son menu musical du 10 juillet. Tandis que le jeune pianiste Charles Richard-Hamelin, que tout le monde s’arrache en ce moment, interprétera Brahms le 5 août pour son premier concert avec Kent Nagano et l’OSM.

 

De Ella Fitzgerald à Shakespeare

Un hommage sera rendu le 17 juillet à Ella Fitzgerald, l’une des plus grandes chanteuses de jazz du 20e siècle, par l’Orchestre national de jazz de Montréal, dirigé par Christine Jensen. C’est la chanteuse Jessica Vigneault qui fera revivre les airs consacrés de George et Ira Gershwin, de Johnny Mercer, de Cole Porter et plusieurs autres de la grande époque du Big Band. Et il sera permis de danser dans les allées.

La soprano Suzie LeBlanc, avec le claveciniste Alexander Weimann, souligneront le 400e anniversaire de la mort de Shakespeare en interprétant, sur des mélodies de Henry Purcell et d’autres, des textes tirés de plusieurs pièces de Shakespeare, dont La Tempête, Henry VIII et La nuit des rois. La soirée, coiffée du titre Comme il vous plaîra, M. Shakespeare, aura comme particularité de se dérouler dans l’église Christ Church de Rawdon le 18 juillet.

Autre curiosité, et expérience hors du commun, le 23 juillet il sera possible de voir sur grand écran le célèbre film Le Violon rouge de François Girard en même temps que sera interprétée en direct sur scène la musique du film par l’Orchestre du Festival et la mezzo-soprano québécoise Marie-Annick Béliveau. C’est la musicienne canadienne Lara St. John qui fera vivre sous nos yeux les sons mélodieux du destin singulier de ce violon mythique à travers ses périples sur la musique grandiose de John Corigliano, qui d’ailleurs lui avait mérité l’Oscar de la meilleure musique de film. C’est encore là un événement unique qui devrait plaire à un public plus jeune.

Collectif9 et le rajeunissement du public

Lors du lancement de la programmation au Piano Nobile, le directeur artistique du festival, Alex Benjamin, n’a pas manqué aussi de rajeunir l’image de son événement en offrant sur place une prestation d’un ensemble à la fois contemporain et classique, c’est-à-dire qui s’approprie aussi bien Brahms, Piazzola et Bartok que André Gagnon, en les livrant dans une mise en scène complètement éclatée. Cet ensemble, aussi audacieux que revigorant s’appelle collectif9, et il est constitué de quatre violons, dont Frédéric Moisan, deux altos, deux violoncelles et une contrebasse. Pour les avoir vus au Théâtre Outremont déjà, le résultat, avec les jeux d’éclairages et tout, est surprenant.

Le message du jour était que la musique classique s’adresse à tous, est accessible à tous, et appartient à tous. Il ne faut pas la reléguer au passé. Au contraire, elle a traversé les époques et les genres en restant pleinement vivante.

Alain Lefèvre, qui aime répéter qu’il a  été élevé à Ville-Émard, s’empresse d’ajouter : « La musique classique est tout sauf snob. Moi, je crois aux miracles. J’ai réhabilité André Mathieu et maintenant il est joué dans 40 pays dans le monde. Ça fait 35 ans que je travaille avec les jeunes, que ce soit dans les écoles, dans les prisons, dans les centres jeunesse. Le public jeune me fait confiance, j’ai de la chance.

«Mais, ce n’est pas évident d’aller chercher constamment un nouveau public. C’est un travail colossal qui est toujours à recommencer. Et on ne peut pas dire que les diffuseurs, les radios et autres, nous aident beaucoup.

«Par contre, au Festival de Lanaudière, nous sommes privilégiés. Je suis tout à fait conscient que progressivement le public rajeunit, et aussi que les nouvelles générations de musiciens donnent confiance aux jeunes en la musique classique », conclue Alain Lefèvre.

 

 

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