crédit photo: Geneviève Gauthier
Spike Hellis

Spike Hellis à la Casa del Popolo | Invisibles revendicateurs californiens et surdoués de l’électro

Lui, c’est Cortland Gibson. Elle, c’est Elaine Chang. Ensemble, ils ont formé Spike Hellis un soir d’Halloween. Jeudi soir, leur tournée nord-américaine entièrement DIY s’arrêtait à Montréal. Le duo électro expérimental de Los Angeles venait nous dire haut et fort qu’il rêvait grand, lors d’une soirée où la scène locale était aussi à l’honneur.

Chang et Gibson ont été privés de présenter en salle leur premier microalbum, Crisis Talk paru en mars 2020, à cause de circonstances que nous connaissons tous. Réalisant que la rencontre avec leur public devait attendre, on raconte qu’ils en ont profité pour s’enfermer et donner toute l’attention nécessaire à la naissance de leur premier album homonyme paru en 2022. Depuis l’automne dernier, ils sillonnent enfin les États-Unis et le Canada pour nous présenter une sélection des onze titres que possède déjà leur excellent répertoire.

Un son distinct, expérimental et accrocheur

Se réclamant d’une musique EBM minimaliste, le son de Spike Hellis semble avoir été concocté pour déranger ceux et celles qui préfèrent se camper dans un style bien précis. Un certain embarras musical qui donne tout de même le goût de se secouer sans retenue. Cet inconfort prend la forme d’une musique sombre à la frontière de la techno et de la musique industrielle à laquelle sont intégrés des éléments aussi variés que le freestyle, des échantillonnages et une rythmique disco. Une trame sonore bigarrée superposée de phrases percutantes et lourdes de revendications comme « Democracy will not survive. Overpopulation. Why did you get pregnant again? » (Feed), « Let’s talk about money and power» (Slices) et « Judging by the smell, there must be still another rat in the hole » (Crisis).

 

Un parfait exemple de leur jeune discographie est la pièce Control (Rage). Durant les 45 premières secondes, la texture du rythme et des synthétiseurs laissent présager le début d’un remix techno de I Fell Love de Donna Summer.

Puis quand entre en scène le chant crié et dérangé de Chang, on constate qu’on vient de bifurquer vers une destination plus sombre et proche du son industriel où la grosse caisse réglée au quart de tour nous insuffle un sentiment de panique. Rendu au pont où Chang se demande « Will I regain control ? », on retourne en terre disco plus accueillante. Ce va-et-vient de plus de 4 minutes, Chang le conclut en disant «Watch me regain control».

 

Une scénographie pensée pour plus grand

Bien que la tournée de Spike Hellis s’arrête dans des assez petites salles, l’artillerie qu’ils trimballent à travers l’Amérique du Nord est celle d’un duo qui sait que leur base d’admirateurs va décupler rapidement. C’est d’ailleurs sur un podium de près de deux mètres qu’est perchée Chang lorsqu’elle est derrière ses machines.  L’éclairage semble aussi pensé pour des spectacles à grand déploiement.

Malgré tout, sur scène ils semblent vouloir rester discrets. Lors de leur prestation, la scène était très sombre. Même à deux mètres de distance, il était difficile de distinguer leur visage, on pouvait les apercevoir que lors des rares éclaircies provoquées par des stroboscopes ou des flashs de lumières de quelques secondes. Quoiqu’il en soit, ça ne fait pas de doute que Spike Hellis en est qu’au balbutiement d’un projet à la fois excellent et rafraichissant.

L’électro-punk à Montréal est bien vivant

Le duo montréalais Belly Hatcher a démarré la soirée comme si leurs minutes sur terre étaient comptées et qu’elles devaient à tout prix nous présenter les titres de leur premier EP, Armed Care, paru en février de cette année. Sitôt monté sur scène, sitôt descendu pour chanter et errer dans la salle.

Une posture qui impose que « le party commence maintenant ». Une dégaine si contagieuse qu’il était difficile de rester de glace.

 

Sur Armed Care, l’électro de Belly Hatcher est crasseux, criard et combatif. Un électro-punk qui flirte avec le darkwave et la musique industrielle. Sur leur titre Brush les paroles sont lancées comme les coups de poing du désespéré au dernier round d’un combat de boxe: rythme effréné et fougueux.

Les textes livrés énergétiquement sur Fight time, probablement le meilleur titre de l’album, pourraient être aussi bien livrés sur une rythmique batterie-guitare-basse de n’importe quel groupe post-punk en vogue. Mais  livrés sur fond de musique électro, ça fonctionne!

Soulignons au passage que le refrain de Fight time semble proche-cousin de celui de Nice Guise de leur collègue montréalais Crasher, une autre bande bien talentueuse. Au final, Belly Hatcher est un duo à surveiller. Avec un très album en poche et une présence sur scène engageante et contagieuse, tous les éléments y sont pour passer à un autre niveau.

HRT, un autre duo montréalais constitué de Kirby (voix et programmation) et Ana (programmation), a suivi Belly Hatcher. L’électro multicouche de HRT est bien ficelée et très souvent appuyée par une basse lourde, régulière et forte. Leur prestation aurait été très près d’un très bon DJ set instrumental si ce n’était de Kirby qui agrippe parfois le micro pour nous balancer des lamentations criées sur l’anxiété, la maltraitance, les démons.

La prestation de Kirby semblait d’ailleurs lui servir d’exorciste. Iel descendait souvent de la scène pour fouler dignement le plancher de la salle à travers les spectateurs, pour finalement s’agenouiller, se pencher, se prosterner, se mettre en boule.

On retient de cette performance la qualité des beats et l’authenticité de Kirby. Un seul regret cependant. L’adolescente que j’étais les années où Courtney Love était à son apogée aurait voulu entendre hier soir leur reprise de Miss World qui circule sur internet.

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