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Soul Chain de tanzmainz | Un premier contact époustouflant

L’ensemble allemand de danse contemporaine tanzmainz, du Staatstheater Mainz, ne s’était jamais produit au Québec jusqu’à hier, mais c’est sans rancune. Après les 55 minutes bien serrées de Soul Chain, on saisit l’ampleur de leur réputation, et surtout la prouesse que représente l’œuvre de Sharon Eyal et Gai Behar, récipiendaire en 2018 du prestigieux prix allemand Der Faust.

On l’a appris avant que les 17 danseurs et danseuses apparaissent sur scène, mais on ne voulait pas vraiment le croire : elles et ils seraient sur la pointe des pieds pendant la quasi-totalité de la représentation. Près d’une heure. Sans pause en coulisses, sauf en début de spectacle. C’est sans doute ce qui frappe le plus, une fois les rideaux tombés et les rythmes électros disparus : l’intensité du défi physique que la chorégraphe de renom Sharon Eyal a lancé à ses interprètes.

Soul Chain, comme plusieurs pièces contemporaines, détient sa banque de mouvements de base qui sont répétés, légèrement modifiés puis carrément distordus. Le ton est souvent carré, subtil, mais réglé au quart de tour. Il est saisissant de voir toutes les têtes tourner à l’unisson, tous les pieds toucher la même partie du mollet, tous les doigts glisser ensemble sur les ventres. La précision de Sharon Eyal est chirurgicale, et les costumes minimalistes ー de simples léotards beiges ー l’exacerbent. Si la synchronisation est souvent à l’avant-plan, des solos et des gestuelles à contre-courant viennent ponctuellement briser le tableau uniforme que créent les artistes.

* Photo par Andreas Hetter.

 

Les solos servent d’ailleurs d’échappatoires au fil de la chorégraphie, et souvent aux moments où on s’y attend le moins. Celles et ceux qui s’y prêtent semblent s’y perdre, et c’est là où l’émotion est la plus palpable. Les corps sont souples, les mouvements sont sans finalité, comme des vagues qui s’échouent pour mieux refaire surface. Il est jouissif d’assister à ces segments qui penchent plutôt vers l’improvisation, alors que le canevas de Soul Chain est si calculé.

Un autre des grands plaisirs du visionnement de l’œuvre réside dans l’espace dont bénéficient les interprètes pour faire des mouvements les leurs. Bien qu’aucun.e n’accuse de retard, ne serait-ce d’une fraction de seconde, l’intensité et l’expressivité varient grandement d’une personne à l’autre. Certaines se démarquent davantage, c’est inévitable, mais pas au détriment d’autres. Les yeux se promènent naturellement parmi les danseurs et les danseuses, et aucune déception ne survient. Chaque corps est engagé et chaque regard veut communiquer, ce qui n’est pas à tenir pour acquis quand autant d’artistes se produisent sur scène. Difficile de ne pas être sur le bout de son siège.

Le DJ Ori Lichtik, qui n’en est pas à sa première création avec Sharon Eyal et Gai Behar, signe la musique de Soul Chain. Ses rythmes électros profonds rappellent plutôt les boîtes de nuit que les studios de ballet, ce qui rajoute à la complexité de l’œuvre et garde captive l’attention. La composition parfois irrégulière et les changements d’ambiance sonore représentent un défi de plus pour les interprètes qui n’ont pas d’autre choix que de compter la musique de la première à la dernière minute. Remarquable.

Soul Chain de tanzmainz est à l’affiche du Théâtre Maisonneuve jusqu’au 27 janvier. Détails et billets par ici.

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