Radiohead

Osheaga 2016 – Jour 3 | Radiohead : Exigeant mais grandiose

C’est la quintessence, le happening que Osheaga souhaitait ardemment depuis ses onze ans d’existence. Radiohead à Osheaga. L’ultime tête d’affiche. L’expérience qui allait rallier une foule immense et offrir un moment mémorable et grandiose.


Avec une carrière qui passe de la facilité de Creep aux expérimentations électro les plus farouches, Radiohead compte sur un répertoire pouvant aller dans tous les sens. Ils auraient assez de hits pour remplir un show de trois heures avec une trentaine d’hymnes fédératrices. Mais c’est bien mal connaître la bande à Thom Yorke…

Au fil des ans, Radiohead ne s’est jamais contenté de remplir sagement les attentes des fans, exigeant plutôt de ceux-ci une ouverture d’esprit progressivement plus grande. Après Pablo Honey, en 1993, ils auraient pu tenter de refaire un hit planétaire. Ils ont plutôt réinventer le rock anglais des années 1990 avec The Bends puis OK Computer. Ensuite, ils auraient pu poursuivre dans l’exploration du art rock au tournant du millénaire, mais ils ont plutôt accouché du bizarroïde mais génialissime Kid A, incorporant des formes de musiques électroniques opaques à une approche tout juste assez pop pour être digérées par le grand public.

Tout ça pour dire que le concert de Radiohead était à l’image du groupe de l’Oxfordshire : pas toujours facile à absorber, mais riche en moments de grâce en tous genres, du rock endiablé de Paranoid Android aux jams électro-jazz-prog de Feral, en passant par la sublime douceur de Nude ou encore Pyramid Song.

La grand messe a débuté avec trois titres du nouvel album A Moon Shaped Pool, soit Burn the Witch, Daydreaming (alors que Johnny Greenwood se trouvait recroquevillé sur le piano, et le batteur Phil Selway au xylophone) et Ful Stop, où l’on a pu constater le jeu discret avec les deux batteries sur le plan de la sonorisation. Le deuxième batteur, pour ceux qui se le demandaient, était nul autre que Clive Deamer, qui travaille généralement au sein de Portishead.

Les éclairages sont précis, à la fois spectaculaires et monochromes, toujours parfaitement calibrés à chaque chanson. Fidèles à leur habitude, ils avaient camouflé plusieurs caméras aux pieds de micro et sur les instruments, afin de pouvoir diffuser sur les six écrans des plans de vue inusités des musiciens en gros plan : les doigts de Johnny par ici, les réactions faciales de Thom là, les baguettes de Phil ou le doigté de Colin. Cette approche permet aux spectateurs d’apprécier une certaine proximité avec les musiciens, alors que l’ensemble du jeu de lumière et de projections donne un effet plus global.

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Setlist particulier

Plusieurs titres relèvent l’atmosphère : 2+2=5, Bodysnatchers, Reckoner et Pyramid Song, toujours jolie avec l’interprétation à fleur de peau de Thom au piano, joliment décorée du jeu de guitare à l’archet de Johnny.

La suite n’allait pas être de tout repos : Radiohead sort Bloom, qui prend la forme d’une quasi-cacophonie sur le plan rythmique, avant d’enchaîner avec IdentikitThe Numbers, The Gloaming et Feral, et le fan occasionnel de Radiohead devait se demander ce qui se passait. On était loin de la facilité mélodique de Karma Police, ‘mettons.

Mais qu’à cela ne tienne, le public était attentif, à défaut d’avoir droit à ses titres favoris. Weird Fishes/Arpeggi ramène un certain niveau d’engagement de la foule, avant le doublé Everything In Its Right Place et Idiotheque, un classique pour voir Thom danser sa vie !

L’intensité est à son comble avec There There, et le groupe quitte, sachant très bien qu’à 22h, il reste encore beaucoup de temps. Il y aura deux rappels, et puisque jusque là, le groupe n’avait pas encore effleuré la moindre chanson des années 1990, les adeptes de OK Computer ne payaient rien pour attendre.

Comme de fait, la sublime Let Down a lancé la deuxième portion, suivi de The Present Tense, tirée du dernier album, puis coup sur coup Paranoid Android (au tempo légèrement ralenti, mais tout de même explosive), la poignante Exit Music (For A Film) et la fédératrice Karma Police.

Un deuxième rappel s’imposait, avec Lotus Flower, un Thom tout dansant comme on l’aime, puis le nanane du grand public, Creep. Après avoir longtemps renié ce hit improbable – que Thom Yorke a lui-même déjà rebaptisé Crap par le passé, en plus d’envoyer paître des fans qui la demandaient en spectacle! – il semble que Radiohead ait enterré la hache de guerre avec leur chanson maudite. Au terme d’un setlist plus exigeant que plusieurs autres de la présente tournée, c’était sans doute une façon de dire merci.

Quoi qu’il en soit, on ne peut s’empêcher de penser à la longue liste de chansons grandioses qui ont été écartées du spectacle, comme Just, Street Spirit (Fade Out), The National Anthem, No Surprises, Lucky, 15 Steps ou encore You and Whose Army. On pourrait en énumérer une dizaine d’autres. Mais ils ont choisi Creep, et la grande majorité de la foule ne demandait pas mieux. Oh well.

En somme, le happening tant souhaité s’est concrétisé : Radiohead a conclu la onzième édition d’Osheaga avec un grand spectacle digne d’une formation que plusieurs considèrent comme la meilleure au monde, carrément. Ce fut dramatique, haut en intensité, exigeant par moments, mais plus souvent qu’autrement satisfaisant. Une soirée parsemée de la bonne humeur généralisée de son leader Thom Yorke, de surcroît. Une très belle façon de conclure un week-end riche en émotions.

Grille de chansons

  1. Burn the Witch
  2. Daydreaming
  3. Ful Stop
  4. 2+2=5
  5. Bodysnatchers
  6. Nude
  7. Reckoner
  8. Pyramid Song
  9. Bloom
  10. Identikit
  11. The Numbers
  12. The Gloaming
  13. Feral
  14. Weird fishes / Arpeggi
  15. Everything In Its Right Place
  16. Idiotheque
  17. There there

    Rappel 1

  18. Let Down
  19. The Present Tense
  20. Paranoid Android
  21. Exit music
  22. Karma police

    Rappel 2

  23. Lotus Flower
  24. Creep

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