Les dix commandements de Dorothy DIX

Les dix commandements de Dorothy Dix à Espace GO : La quête du bonheur

L’ambiance était sereine à l’Espace Go mercredi soir. Pour une énième fois, le théâtre retrouvait son public: Les dix commandements de Dorothy Dix était présentée, enfin. Julie Le Breton a tout cassé hier soir, alors qu’elle monologuait seule sur scène pendant une heure et quinze minutes. Retour sur le premier solo réussi de cette comédienne de talent.

Julie Le Breton joue une femme inspirée de la grand-mère de la scénariste Stéphanie Jasmin. Toute sa vie, ce personnage suit à la lettre 10 commandements pour assurer le bonheur de Dorothy Dix. Née en 1861, elle était une éditorialiste et journaliste américaine.

La pièce, dans sa totalité, donne l’impression d’assister à la vie d’une femme défiler devant ses yeux alors qu’elle est à l’orée de la mort. Il s’agit d’une ode à la joie mettant en vedette la quête universelle du bonheur.

Le seul personnage raconte sa vie sans ordre psychologique ou chronologique, ne suivant comme ligne directrice que les dix commandements pour être heureuse de celle qui prend pour elle la forme d’une sorte de coach de vie.

Tout au long de la pièce, ces commandements sont projetés sur la toile du milieu, ils s’y enchaînent lentement en anglais, l’un après l’autre. Ils agissent tels des chapitres découpant l’histoire à laquelle on assiste, fascinés.

Une mise en scène toute en délicatesse

La performance de Julie Le Breton est tout simplement renversante. Elle récite sans faute (ou presque) un texte de 47 pages. Malgré la lenteur qu’inspire cette histoire digne d’un fleuve tranquille, on ne décroche pas. Devant nous, elle saute d’un âge à l’autre, sans prévenir: elle se donne la réplique à elle-même.

L’actrice parvient à nous faire remarquer ces sauts dans le temps sans trompettes ni tambours: elle n’a qu’à changer l’intonation de sa voix, la vitesse de ses paroles. À la levée des rideaux, elle a presque 100 ans: sa voix est lente, plus rauque, plus posée. On ne tombe jamais dans le cliché. Plus tard, elle est enfant. Sa voix est fraîche, enthousiaste, curieuse.

Le monologue est dynamique, sans temps mort: on boit les paroles sortant de la bouche de la comédienne. Elle parle comme les mouvements de la mer: le rythme fait penser à celui du ressac.

Au centre de la scène, une grosse roche comme seul meuble. Derrière l’actrice, trois toiles blanches sur lesquelles sont projetées les images d’une plage. À côté de la lenteur de la mise en scène de Denis Marleau, les projections semblent tanguer, assurent un mouvement calculé: on assiste à une progression de ce qui ressemble à une longue marche sur la plage.

C’est bercé par cette rétrospective précoce sur la vie qu’on se permet de réfléchir à vive allure à ce qui rend réellement heureux. Car il faut dire que Les dix commandements de Dorothy Dix pourraient être décrits comme des trucs et astuces pour subir la vie, passer au travers d’elle plutôt que pour la vivre pleinement.

En voici quelques-uns, sans ordre précis: «Don’t hold post-mortem»; «Make up your mind to be happy»; «Don’t take yourself too seriously»; «Make the best out of your lot» etc. C’est évident, nous nous trouvons à une époque pré-psychothérapie et nous avons affaire à une coach de vie avant leur avènement. 

En témoignant de l’application de ces conseils, le spectateur peut se permettre d’en tirer des leçons ou ses propres conclusions.  Car le personnage suit ces commandements comme une bible, tout en menant une vie de mère au foyer de son époque. À l’âge de 100 ans, et on la rencontre ainsi en début de pièce, on découvre un côté aigri, ennuyé, peut être même déçu. Quel est, dans ce cas, le véritable secret du bonheur? N’ayez crainte, le personnage principal donnera sa réponse à cette question en fin de pièce.

La pièce se positionne à la fois comme une oeuvre envoûtante, mais également comme un temps mort, propice aux réflexions. Devant initialement jouer à partir du 2 février, un léger remaniement d’horaire à permis de sauver la pièce de l’annulation. Elle sera présentée à l’Espace Go jusqu’au 27 février 2022.

Détails et billets par ici.

Vos commentaires