crédit photo: Rose Cormier
Guhn Twei

Guhn Twei à Montréal | Métal toxique de Rouyn

Un trio grindcore qui cogne entre death metal, doom et punk, crachant en français une noirceur sale et pessimiste, inspirée notamment par la fumée des cheminées de la fonderie Horne et la teneur en arsenic de l’air norandien : Guhn Twei faisait sa première apparition montréalaise, sur sa route pour le festival Phoque Off de Québec, et ce n’était pas du propre.

Formé sous l’impulsion du musicien Simon Turcotte, la nouvelle formation abitibienne Guhn Twei faisait son baptême du feu montréalais jeudi dernier, en compagnie de Typeface et Øbelisk au Traxide, anciennement Fattal. Une salle de concert qui semble sortie d’une autre époque, d’un autre monde oublié en dehors du système…

Guhn Twei monte sur scène en trio pour défendre son grindcore très cru et authentique. La jeune formation envoie des morceaux avec des passages parfois très mid tempos, se démarquant dans cette soirée de blast beats avec un côté plus accrocheur qui fait headbanguer le parterre et le balcon. Parce que oui, le Traxide est une salle avec un balcon grillagé, où l’on peut même fumer et cracher sur les groupes.

* Photo par Rose Cormier.

Mais c’est plutôt le chanteur qui crache, qui hurle même, et en français SVP, une colère sortie des profondeurs des mines… en témoigne un sample entre deux morceaux, discours dénonciateur des pratiques de la fonderie Horne et ses rejets chimiques au-dessus de la norme autorisée, grâce à une exemption gouvernementale, potentiellement dangereux pour la population rouyn-norandienne. Référence aux récents scandales ? En réalité, ce sample est extrait d’un documentaire de 1984…

« On s’appelle Guhn Twei, on vient de Tchernobyl », lance entre deux bouffées de fumée le chanteur bassiste, qui peut témoigner de l’étrange histoire d’un jeune homme en pleine santé qui a soudainement développé, à 26 ans, une forme rare de cancer après avoir travaillé quelques mois à ladite fonderie.

De quoi donner du jus toxique et cancérogène au groupe qui envoie une prestation sale et baveuse qui dépasse sur les bords mais réveille les morts, dans un chaos presque maîtrisé qui va racler avec fracas des bouts de punks, de hardcore, de doom, de black métal et de power violence. On peut certes percevoir la jeunesse du projet, mais pas dénier son authenticité.

* Photo par Rose Cormier.

Du bruit. Du bruit encore. Que ce soit en 1984 dans un documentaire télé, en 2022 dans les médias et réseaux sociaux, ou en 2023 dans un groupe de grindcore underground, le bruit pourra-t-il toujours être enterré par les marges de profit, les multinationales, les gros chèques d’investisseurs ou certains gouvernements ?

En attendant, la scène alternative québécoise reste bien active, jusque dans les concerts de grindcore au fond de l’hiver près des tracks de chemin de fer, et Guhn Twei apporte humblement une pierre de plus à l’édifice de la musique subversive, ou un pavé de plus dans la mare polluée du monde contemporain.

Vos commentaires