crédit photo: Jerome Bertrand
Golgot(h)a de Walter Boudreau

Golgot(h)a au Centre Pierre-Péladeau | le parcours du calvaire en poème et musique vu par Walter Boudreau et Raôul Duguay

Un peu de musique contemporaine chez sors-tu avec Golgot(h)a, une œuvre sortie des créateurs de l’Infonie, soit Walter Boudreau à la composition et à la direction d’orchestre qui s’est inspiré des poèmes de Raôul Duguay.

Dans la belle salle Pierre Mercure, le concert commence par une pièce pour orgue de Claude Vivier, Les Communiantes (1977), interprétée par Jean-Willy Kunz. À travers une approche déconstruite, les différents mouvements nous offrent une grande diversité des sonorités de l’orgue en explorant les différents registres disponibles. En faisant un raccourci qui fera vraisemblablement hurler les puristes, le titre nous ramène quelque peu dans l’ambiance musicale du mythique Carnival of Souls de Herk Harvey, mais avec un vrai orgue ici. Comme souvent avec la musique contemporaine, je me laisse déstabiliser et sortir de mes ornières pour me laisser emmener dans un ailleurs surprenant.

*Photo par Jerome Bertrand

La deuxième pièce voit l’arrivée du Chœur de l’église Saint Andrew & Saint Paul avec ses 16 chanteurs. Il nous interprète Tradiderunt me in manus impiorum de Tomás Luis de Victoria, (circa 1585). Cette pièce nous permet de faire une connexion vers le morceau principal de la soirée avec le côté religieux, le titre peut se traduire par Ils m’ont livré aux mains des impies que l’on peut prendre comme une référence au Golgotha où Jésus fut crucifié, d’après la bible. La sensation d’entendre un chœur en vrai est toujours un moment impressionnant qui ne se compare pas à l’écoute sur disque. À travers des mélodies simples, le compositeur glisse des changements de rythme et des effets imprévus qui captent mon attention et laisse une fort belle impression.

La pièce de résistance de la soirée est Golgot(h)a qui réunit les poèmes de Raôul Duguay sur une composition de Walter Boudreau, qui dirige également l’ensemble, chaussé d’une paire de Vans rutilante. Avec Duguay et Boudreau dans la même pièce, la référence au groupe l’Infonie s’impose d’elle-même et le côté iconoclaste n’est jamais bien loin, l’âge des deux musiciens n’y faisant rien! Golgot(h)a est la première pièce composée par Walter Boudreau en 1990 lorsqu’il s’est joint à la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) qui nous présente ce Festival Montréal/Nouvelles Musiques de 2023. Et alors que Boudreau quitte la direction de la société, c’est de nouveau avec cette pièce qu’il termine sa collaboration pour se consacrer complètement à la composition. La boucle est bouclée.

 

La pièce est jouée par le chœur ainsi que des cuivres (deux trompettes, deux trombones, tuba), orgue, cinq percussions et traitements. Aux voix, on retrouve Virginie Mongeau (soprano), Marie-Annick Béliveau (mezzo-soprano) et un surprenant Cristian Gort à la narration [n.d.l.r.: en remplacement à pied levé de Pierre Lebeau, annoncé comme narrateur dans le programme. Il est par ailleurs le chef qui a dirigé la 2e pièce au programme], dans une incarnation de Raôul Duguay que l’on a croisé plus tôt dans le hall d’entrée. Gort monte sur scène, mystérieux dans un imperméable noir, caché sous un chapeau noir et nous offre une très belle interprétation des textes de Raôul Duguay en reprenant plutôt fidèlement son parlé, tant au niveau du rythme et de la scansion que de l’articulation impeccable, avec le tour de force de ne jamais sombrer dans la caricature de l’exubérant personnage.

*Photo par Jerome Bertrand

Golgot(h)a parcourt les quatorze stations du chemin de croix à travers les heptasyllabes de Duguay. Selon les mots de Walter Boudreau : «Bien que je ne sois pas religieux… le chemin de croix est à mes yeux la plus intense représentation du drame d’un être humain devant l’inéluctable. Ce long tunnel d’une grande noirceur est la marche funèbre terrible d’un homme condamné à un supplice abominable: la crucifixion.»

Et c’est à travers une orchestration complexe qui fait la part belle aux percussions notamment les vibraphones et carillons tubulaires, ce qui n’est pas sans rappeler les compositions des dernières années de Frank Zappa ainsi que l’insolence qui sied également à Duguay et qui fait proclamer à Cristian Bort à plusieurs reprises que «Mon royaume, c’est l’amour!» L’intégration des voix de Virginie Mongeau (soprano) et Marie-Annick Béliveau (mezzo-soprano) est placée avec justesse et amène un côté lyrique à l’ensemble.

Le mélange des instruments et des voix du chœur nous font vivre un moment à part dans une composition entre sacré et poésie irrévérencieuse, avec une mention spéciale à l’interprétation de Cristian Gort et au gros travail des cinq percussionnistes présents.

Interprètes
Virginie Mongeau, soprano
Marie-Annick Béliveau, mezzo-soprano
Cristian Gort, narration
Jean-Willy Kunz, orgue
Chœur de l’église Saint Andrew & Saint Paul (cheffe : Léa Moisan-Perrier)
Ensemble de la SMCQ
Walter Boudreau et Cristian Gort, chefs

Soprano : Rebecca Dowd Lekx, Stephanie Manias, Brittany Rae, Emily Wall
Alto : Alexandra Asher, Kristen De Marchi, Josée Lalonde, Maddie Studt
Ténor : Haitham Haidar, Justin Jalea, Graeme Linton, Arthur Tanguay-Labrosse
Basse : Alasdair Campbell, John Giffen, François-Nicolas Guertin, Emanuel Lebel

Cor : Gabriel Trottier, Pamela Putnam
Trompette : Thierry Champs, Aura West
Trombone : Bruno Laurence Joyal, Hugo Begin
Tuba : Cyril Fonseca
Percussion : Julien Gregoire, Fabrice Marandola, Kristie Ibrahim, Léo Guiollot, João Catalão

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