Nous on aime le country

Festival en chanson de Petite-Vallée 2019 | (Tenter de) démystifier le country en milieu rural

C’est un secret pour personne : loin de la bulle urbaine, le country est toujours roi et maître des genres musicaux au Québec. On se paie rarement l’occasion d’essayer de comprendre pourquoi, comment et à quelle intensité; on le prend un peu pour acquis sans trop chercher à en savoir plus. En présentant une soirée TELLEMENT sold out dans le grand chapiteau vendredi soir, le Festival en chanson de Petite-Vallée nous offrait le prétexte parfait pour essayer de percer le mystère de cet amour qui ne veut pas mourir…

C’est l’Ensemble vocal Tourelou, une troupe locale qui avait offert par le passé des spectacles à grand déploiement comme Les Misérables ou l’Opéra rock Mozart, qui préparait cette revue musicale country avec plus de 125 artistes sur scène, sous la direction de Guylaine Fournier. Le clou de la soirée : Guylaine Tanguay, figure de proue du country (et reine du yodeling) au Québec, allait venir faire 5 ou 6 tours de chant. Tout était en place pour une véritable messe de la musique à Willy, et l’engouement de la population locale était perceptible avant même notre entrée sous le grand chapiteau de Grande Vallée. C’était LE happening du week-end dans le cadre d’un festival qui présente tout de même, au cours des autres jours, une panoplie d’artistes de la chanson de toutes les générations comme Zachary Richard, Patrice Michaud, Lydia Képinski, Les Louanges, Juste Robert ou encore FouKi.

Question d’être mieux outillés, on avait une guide à proximité : une amie dont on taira l’identité, mais disons simplement qu’elle est la fille d’une légende du country. Appelons-la L.

« C’est quoi cette première chanson qui sonne un peu comme Ghetto Superstar, mais pas vraiment, L? »

« C’est Islands in the Stream, un grand classique de Dolly Parton et Kenny Rogers », me chuchote-t-elle entre deux fredonnements de paroles.

« Et celle-là, L? C’est quoi? »

« Grosse toune de Garth Brooks, c’est super connu. Quelque chose Baton Rouge« . Tout le monde fredonne, se balance de gauche à droite.

Plus tard, ce sera Au bord du lac Bijou de Zachary Richard, puis Un coin du ciel. « Je l’ai chantée avec ma grand-maman, celle-là… Et je l’ai aussi chantée à ses funérailles », ajoute-t-elle visiblement émue. L est pourtant plus du genre The National ou Mumford & Sons. Mais ça touche une corde sensible, pour des raisons évidentes très personnelles. Mais aussi parce qu’elle semble dotée de cette puce génétique que la plupart des Québécois ont dans les veines : celle qui rend sensible aux mélodies lyrantes du country. Puce qu’on a visiblement oublié de m’installer dans le sang à la naissance.

La grand messe country

Tout le monde dans le chapiteau reconnaît les airs d’à peu près toutes les chansons qui nous sont proposées, des classiques du country américain aux titres d’ici. Tout le monde sauf la rangée de journalistes montréalais, mi-amusés mi-médusés, à l’arrière de la salle pleine à craquer. C’est un choc culturel. On est en train de se faire donner une bonne grosse leçon de nombrilisme urbain.

On reconnaît quelques titres qu’on trouve limite drôles : Une autre chambre d’hôtel de Gildor Roy, par exemple. Et les bons vieux artistes-ponts, comme Johnny Cash et Elvis (Suspicious Minds est-elle vraiment une chanson country?).

Il y a aussi Patrice Michaud qui viendra chanter sa chanson Quand j’reviens à la maison, juste avant de se faire surprendre sur scène par Geneviève Côté de la SOCAN, qui lui remettra deux plaques honorifiques pour souligner l’atteinte du #1 du Palmarès pour les chansons Cherry Blossom et Le grand écart du cœur. « Ils viendront pas dire que naître en Gaspésie, c’est être né pour un petit pain », dira-t-il à la foule en recevant cet honneur. Gros week-end pour lui d’ailleurs… On en reparlera dans nos prochains textes sur Petite-Vallée ces prochains jours…

* Photo tirée de la page Facebook du Festival en chanson de Petite-Vallée

Photo tirée de la page Facebook du Festival en chanson de Petite-Vallée.

Guylaine Tanguay est évidemment la star de la soirée. Les gens l’aiment comme Dodo au Bye Bye, et elle le leur rend bien. Elle les tient dans sa poche arrière et s’exprime avec une gentillesse débordante, un sourire sincère. Son yodeling est prodigieux comme on s’y attend.

Tout ça pour dire que l’engouement est naturel, franc et sincère envers cette revue musicale de plus de trois heures (oui oui, ça s’est terminé à 23h15). Nos artistes indie rock et chansonniers champ-gauche rêveraient de toucher les gens avec autant de facilité, ne serait-ce que pour une demi-heure.

Qu’est-ce qui explique ce passe-droit vers le coeur (qui, en toute franchise, s’arrête en chemin vers le mien)? « Je pense qu’il y a un côté spirituel à tout ça, exprime L. Ça parle souvent de pardon, de rédemption, de choses simples auxquelles les gens s’identifient facilement. »

On en revient toujours à notre fond de valeurs catholiques chrétiennes, au fond. La simplicité, l’humilité, rien ne dépasse, tout est un peu carré, très organisé, facilement accessible. Ça sonne l’église, le country. Ce n’est pas nécessairement un reproche. Mais il y traîne aussi une manifestation de valeurs pas très modernes, mais toujours oh combien répandues. Faut entendre tout le monde chanter à tue-tête Man I Feel Like A Woman de Shania Twain pour se rendre compte qu’en dehors d’une certaine bulle, l’hétéronormativité n’est pas un concept qui préoccupe grand monde.

N’empêche qu’avec autant de monde dans un chapiteau, on devine qu’à l’entracte, les toilettes de l’école secondaire voisine devenaient achalandées, particulièrement du côté des dames. En deux temps trois mouvements, plusieurs femmes ont décidé d’envahir les toilettes des hommes. « On est rendu là », scandait une des « pionnières » du mouvement de foule.

Comme quoi même dans le monde assez conservateur du country, le progrès est permis!

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