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Entrevue | Steve Hackett, toujours curieux et à l’écoute des autres

Steve Hackett, ancien guitariste du groupe Genesis et prolifique artiste solo, sera de passage ce vendredi 28 novembre à Québec et le lendemain (samedi 29) à Montréal, pour présenter son spectacle Genesis Extended.  Comme le nom l’indique, cette tournée est une extension de son spectacle Genesis Revisited, qu’il a présenté en sol québécois à l’automne 2013.  Le spectacle présente différentes pièces de Genesis retravaillées par Hackett et sa bande de talentueux musiciens, et fait suite à l’album Genesis Revisited II lancé en 2012.

La première partie du spectacle à Montréal sera assurée par Charles Kaczynski, un musicien très actif sur la scène québécoise à la fin des années ’70.  Il a entre autres brièvement fait partie de Conventum.  Son album solo, Lumiere de la Nuit, composé de musique de chambre et d’éléments symphoniques, est un item de collection prisé des fans de musique progressive.  Un morceau de l’histoire du rock progressif québécois!

Sorstu.ca s’est entretenu au téléphone avec Steve Hackett il y a quelques semaines. Extrêmement loquace et généreux de son temps, le légendaire musicien nous a entretenus de sa tournée, de son nouvel album en préparation, et bien sûr, de Genesis. Voici un compte-rendu de cette conversation, divisé par thèmes.

 

Photo par Tina Korhonen/ www.tina-k.com © 2012, tous droits réservés.

Photo par Tina Korhonen/ www.tina-k.com © 2012, tous droits réservés.

À propos de sa relation avec le public québécois

« L’accueil a toujours été extraordinaire, et ce, depuis les tout débuts, quand Genesis a visité le Québec pour la première fois vers 1971 ou 72. Nous avons régulièrement visité les Québécois par la suite, ça nous semblait important en quelque sorte. Il y avait toujours une atmosphère particulière. Je garde de très heureux souvenirs de ces visites.

Au départ, les foules étaient petites. Genesis n’était pas un groupe très connu. Nous perdions de l’argent lors de nos tournées, aux États-Unis par exemple. L’accueil était plus favorable au Canada, et donc il était important pour nous d’y jouer, d’un point de vue logistique.

Mais au-delà de ça, il y avait quelque chose de personnel dans la relation qui s’établissait. J’ai l’impression que la musique que j’interprétais à l’époque avec le groupe, et celle que j’ai faite en solo par la suite, était importante pour ce public, autant qu’elle l’était pour moi. Et ça va au-delà des racines européennes, je crois. Je ne saurais mettre le doigt dessus, exactement… »

 

À propos du spectacle qu’il présente au Québec cette semaine 

« Ce sera le même groupe de musiciens que le spectacle de l’an dernier, mais les chansons seront différentes. C’est un concert de chansons de Genesis, encore une fois, et certaines chansons vont se recouper, mais il y aura aussi des trucs que nous n’avons pas joués la dernière fois. Le fait est que, tout le spectacle est composé de matériel à la fois neuf et vieux. Ces chansons remontent à loin dans le temps, et je veux les faire de façon très fidèle, mais également laisser de la place à l’improvisation. J’adore jouer ces chansons. J’aime toujours autant le vieux matériel de Genesis. »

 

À propos du fait que cette tournée dure depuis maintenant deux ans 

« C’est incroyable! Je pensais au départ que nous ne visiterions chaque ville qu’une seule fois. Mais j’ai été rappelé trois fois à certains endroits! Je fais revivre sur scène les chansons de Genesis, et c’est génial, mais j’ai un nouvel album de matériel original en préparation, et c’est donc la raison pour laquelle cette tournée s’achève bientôt et c’est la dernière fois que je fais ces spectacles [la tournée se termine en mars 2015 en Amérique du Sud – NDLR]. »

 

À propos de son nouvel album 

« Si j’essaie d’en parler objectivement, je n’y arriverai pas. Je suis en amour avec ce nouvel album. Je suis parvenu à faire sur ce disque des trucs que je n’avais jamais pu faire auparavant, bien que j’aie essayé. Et je suis très fier de ce que j’ai fait dans le passé, mais dans ce cas-ci, il n’y a pas un seul moment sur l’album qui ne fonctionne pas. Il y a un peu de tout pour tout le monde : du rock, des interjections orchestrales, différents genres de musique. On y retrouve divers instruments avec lesquels je n’avais jamais travaillé, par exemple le “târ”, joué par un musicien originaire de l’Azerbaïdjan. Son nom est Malik Mansurov et, en fait, il est le plus célèbre joueur de cet instrument. Il est un peu le John McLaughlin du târ. J’ai adoré travaillé avec lui. On retrouve aussi sur l’album du duduk, que je n’avais jamais utilisé, ainsi que de l’oud arabe, dont j’ai joué moi-même.

Ainsi, il y a un côté très “musique originale” à l’album – je préfère dire musique originale plutôt que “musique du monde”. Et je préfère davantage dire “musique folk”. Ça passe donc du rock au folk en un éclair, avec des passages instrumentaux importants. L’effet, dans l’ensemble, est très cinématographique. L’album est en quelque sorte un film pour les oreilles.

D’ailleurs, la musique qui a le plus eu d’effet sur moi au cours de ma vie est celle qui fait usage de ce mélange surréel de genres, ce mélange d’instruments rock avec toutes sortes d’autres éléments qui ne devraient pas se retrouver sur un album rock, mais qui ensemble, colorent la musique et la font s’accroître. C’est ce qui la rend unique, ou du moins c’est ce qui la rend honnête. Je suis très excité par cet album. »

 

À propos de l’influence des autres artistes sur son travail, de l’importance de collaborer et de s’ouvrir aux autres pour demeurer pertinent dans ce métier

« Je crois que cela est très important. J’ai collaboré massivement avec d’autres artistes – en jouant sur leurs albums et eux venant jouer sur les miens. Prenez l’album avec Chris Squire par exemple [bassiste de Yes, avec lequel il a formé un duo en 2012, nommé Squackett, et lancé un album intitulé A Life Within a Day – NDLR]. Voici deux hommes provenant de deux groupes différents, qui ont défini en quelque sorte la musique des années 70 et une partie des années 80, travaillant ensemble. Il a fallu, pour ce faire, que j’apprenne la manière de fonctionner de Yes, et leur façon d’écrire des chansons – leur façon d’allonger les chansons et d’y incorporer les idées de chaque individu. Ce fut très formateur.

J’ai travaillé avec des tonnes de gens qui m’ont influencé, et ça inclut les musiciens qui jouent sur l’album Genesis Revisited II. Jakko Jakszyk, par exemple, un grand chanteur avec qui j’ai développé de forts liens d’amitié. J’ai eu beaucoup de plaisir à le voir sur scène avec le 21st Century Schizoid Band [groupe hommage à King Crimson – NDLR], et il a été invité à se joindre à King Crimson récemment. C’est un rêve devenu réalité pour lui.

Je pourrais parler également de Nad Sylvan, qui chante dans notre spectacle en tournée. Nad a toujours souhaité être le chanteur de Genesis. Il a insisté pour me dire que j’avais réalisé son rêve, et il était très émotif à ce propos. Il est vraiment très bon dans ce rôle. Il constitue un spectacle à lui seul, très flamboyant. Un chanteur se doit d’avoir un côté très théâtral pour faire ces chansons, sans imiter nécessairement Peter Gabriel et Phil Collins, et c’est ce que réussit Nad.

Toutes les rencontres que j’ai faites au cours de ma carrière ont été enrichissantes, et la plupart des idées que j’ai eues, musicalement parlant, sont nées de conversations. »

 

À propos de la façon de composer et d’écrire de Genesis, et de leurs influences diverses

« Si vous aviez jeté un coup d’œil à la collection de disques de chacun à l’époque, il n’aurait pas été étonnant de retrouver du Otis Redding et du Nina Simone dans la collection de Peter Gabriel, du Buddy Rich et du Mel Tormé dans celle de Phil Collins, Mike Rutherford qui écoute Judy Collins et Joni Mitchell, Tony Banks écoutant du Roy Orbison, et moi-même écoutant du Bach, du Paul Butterfield, du blues et plus encore. Nous étions également tous de grands admirateurs de Jimmy Webb, particulièrement de son style d’écriture.

Et c’est ce qui fait en sorte que la musique de Genesis est encore appréciée et pertinente aujourd’hui. On ne parlait pas du terme “pan genre” à l’époque [mélange des genres, – NDLR], mais c’est tout de même ce que nous faisions. Ces styles musicaux se mélangeaient et entraient en collision de manière très intéressante. C’est une contradiction bien sûr – on dit “collision” et on pense immédiatement à “épave”, mais en réalité, un fruit est né de tous ces arbres différents. Et le jardin qui en résulta était tout à fait unique. »

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Et voici en supplément quelques extraits audio de l’entrevue avec M. Hackett (en anglais), où vous pourrez constater son enthousiasme et sa curiosité.

À propos de ses nouveaux arrangements pour la pièce The Chamber of 32 Doors

À propos du récent documentaire Together and Apart présenté par la BBC, qui fut vivement dénoncé sur les réseaux sociaux par Steve Hackett pour avoir coupé la majeure partie de son témoignage, ainsi qu’avoir omis de mentionner plusieurs anciens membres du groupe, tels que Ray Wilson et Bill Bruford.

À propos de son insatiable curiosité lors de ses nombreux voyages autour du monde, et ce qui l’inspire.       


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Steve Hackett présentera Genesis Extended au Grand Théâtre de Québec le vendredi 28 novembre et à la Place-des-Arts, à la Salle Wilfrid-Pelletier à Montréal le samedi 29 novembre prochain.

 

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