Entretien avec Uada | Cosmos, transcendance, et black metal

Originaire de Portland dans l’Oregon, Uada fait sensation dans le monde du black metal ces dernières années. Sors-tu s’est entretenu avec Jake Superchi, quelques jours avant leur premier concert à Montréal au Piranha Bar.

Sors-tu.ca : Uada est enfin de retour pour donner son premier spectacle au Québec. Je ne pouvais pas commencer cette entrevue sans te demander ton opinion sur ce qui s’est passé à la dernière Messe des Morts, entraînant l’annulation de votre première apparition à vie dans notre province. 

Jake Superchi : C’est vraiment dommage ce qui est arrivé en Novembre. Malheureusement, nous assistons aux mêmes attaques contre le black metal aux Etats-Unis, comme beaucoup ont pu le constater avec l’histoire de Marduk à Oakland. Je vois ça de deux manières : tu as d’un côté un groupe de gens qui veulent faire une différence et pense le faire en s’en prenant à des groupes de musique qu’ils pensent être controversés/racistes. De l’autre côté, tu as un groupe de gens qui se pointent là-bas et veulent juste détruire et faire du mal. C’est un scénario très contradictoire et encore une fois, quelque chose que nous venons juste de voir aux US avec l’extrême gauche, juste après avoir perdu l’élection présidentielle.

Je pense que si un groupe de gens veut manifester (quelle que soit la cause) et/ou se battre contre le racisme, ils doivent le faire… mais ils doivent trouver une source légitime et une menace réelle contre laquelle se battre.

Menacer d’attaquer à la bombe une salle de concert est absurde, encore plus après les attaques terroristes que nous avons vues ces dernières années. C’est l’état dans lequel se trouve l’humanité aujourd’hui. C’est là où nous en sommes en tant que race et espèce : divisés.

 

Sors-tu.ca : Retour à la musique, et ce fantastique album qu’est le premier effort de Uada. Peux-tu nous expliquer votre choix de le faire masteriser par Joel Grind de Toxic Holocaust?

Merci. Pour le premier album, nous voulions vraiment rester local (NDLR : Toxic Holocaust est aussi de Portland). Être local est important pour nous. Joel venait de se lancer à son compte et ça semblait être le moment parfait. On voulait lui monter notre soutien dans ce qu’il fait, et nous savions qu’il pourrait capturer une partie de la magie old school à laquelle nos racines sont liées.

 

Uada signifie “hanté” en latin, et je pense que votre black metal appartient à la catégorie de ceux qui arrivent à dégager une sorte d’aura autour du son, comme une résonance autour de la musique. Et il semble que l’idée de transcendance est forte dans votre musique et vos paroles. Est-ce que la vision artistique de Uada vise une certaine sorte de transcendance, ou quelque chose au-delà de la musique elle-même ?

Absolument. En tant que parolier du groupe, je peux affirmer que je vis mon art. Ce que j’écris est ce que je ressens, ce que je vois et ce que je vis. Il y a tellement plus que la musique, mais c’est le moyen d’expression à travers lequel nous suivons ce chemin que nous avons choisi. Les paroles de cet album vont vraiment dans la direction de la transcendance, et le message de transition comme un ensemble. C’est notre conscience de nous-mêmes qui nous permet d’avancer, et notre croyance en nous et ce que nous créons qui nous emmène au-delà d’une vie « normale » que beaucoup vivent. C’est une manifestation de notre monde et plus loin encore. C’est la beauté de l’art et de la création sincère… elle ne connaîtra aucune limite.

Crédit photo : Peter Beste

Crédit photo : Peter Beste

Dans tes paroles, j’ai remarqué que revient souvent l’idée de liberté, de s’échapper de certaines prisons physiques et mentales (« imprisoned selfish suffocating souls »). Pourrais-tu expliquer ou illustrer ce concept d’être prisonnier de barrières invisibles que nous avons créées, ou de quelque chose sur cette Terre ?

C’est quelque chose contre lequel je me bats souvent, et également où nous nous aventurons plus dans le deuxième album.

En tant qu’humains, nous sommes nés dans cette sphère et endoctrinés de toutes les façons et formes possibles. On nous dit quoi faire, quoi croire et comment exister à la seconde où on arrive.

Nous grandissons et vieillissons en tournant dans un système qui a été créé par des hommes avant nous, qui ne savent pas plus que nous aujourd’hui. Ou bien ils savaient beaucoup, beaucoup plus et nous nous retrouvons dans l’obscurité en essayant de comprendre. Je sais qu’il y a des choses hors de notre sphère, ou venant d’une autre dimension que nous ne pouvons pas encore saisir entièrement. J’ai vu des voyageurs d’autres mondes intervenir dans mon existence. Des choses que je ne peux pas expliquer, des choses que je veux comprendre… mais je ne peux pas encore tout saisir.

La seule chose qui m’apporte un sentiment de liberté est l’art que je crée qui permet une échappée totale de la normalité quotidienne. En créant, en écrivant, en jouant sur scène, en pratiquant, je suis libre car je suis perdu dans l’art lui-même. Ce sont les moments pour lesquels je vis, et j’espère que dans ces moments, le même effet donne le pouvoir aux gens d’atteindre un sentiment de liberté, quel que soit ce qui les emprisonne.

J’allais justement t’en parler, selon une entrevue récente, tu as vécu certains phénomènes étranges, et vu des choses qui n’appartiennent pas au monde normal tel que nous le connaissons. Serais-tu capable d’en expliquer certains, et de dire comment ils influencent l’art de Uada?

Toute ma vie j’ai eu ce genre de sens, je ne sais pas trop comment expliquer, mais j’ai été approché par des choses au-delà de cette réalité ou dimension. L’une d’elles m’a même contacté et approché.

La plupart du temps, ce sont des “fantômes” que j’ai vus dans des places hantées où j’ai vécu. J’ai aussi vu de grands vaisseaux dans le ciel dont je suis certain qu’ils ne peuvent pas être de notre espèce. La chose la plus incroyable que j’ai vue était extra-terrestre, ou démoniaque. C’était d’une couleur obsidienne, mais la nuance la plus sombre que je n’ai jamais vue. C’était sur la route et une voiture venait juste de rouler dessus…  À première vue j’ai pensé que c’était un pneu crevé, mais dès qu’il s’est fait rouler dessus, il s’est dressé sur quatre pattes, a sauté devant mon véhicule, par-dessus la clôture, puis a filé dans le cosmos.

C’était clair comme le jour, quatre pattes, aucune autre définition mise à part des crêtes dans le bas de son dos. C’était presque comme une grenouille (à défaut de trouver une meilleure explication) avec une longue queue, mais de la taille d’un gros chien. Ça bougeait plus vite que je ne puisse l’expliquer réellement.

J’avais un témoin avec moi, il était juste hypnotisé comme moi. Je tiens à préciser que je n’ai jamais consommé aucune drogue psychédélique qui aurait pu altérer mon esprit pour percevoir ces choses.

Personnellement, j’aime considérer ces expériences comme une chance, un cadeau, rassurant sur le fait qu’il existe quelque chose de plus qu’ici. C’est un de mes sujets de discussion favoris, mais malheureusement la plupart des gens pensent que je suis fou. J’aime penser que d’une certaine manière, cela a illuminé ma vie et m’a emmené vers là où je suis aujourd’hui, et j’en suis extrêmement reconnaissant. Cela a assurément changé ma façon de voir les choses.

On dirait que tu as une connexion privilégiée avec la nature et le cosmos. L’album se termine sur ces paroles : « le soleil est infini, la lune est éternelle ». Peut-on considérer cet art sombre du black metal de Uada finalement inspiré par quelque chose de lumineux, et les forces positives de la nature et de l’espace ?

Ils m’inspirent tous. Tu ne peux pas avoir de positif sans négatif, d’obscurité sans lumière, de bon sans mal, etc. C’est le fameux équilibre qui construit ce que nous sommes. Je pense que ce sont des outils et des instruments que nous pouvons tourner en notre faveur. Malheureusement, la plupart des gens prennent peut-être le mauvais chemin pour les utiliser à des fins de cupidité ou de puissance. Je préfère ne pas prendre cette route.

Une fois de plus, la conscience de soi est l’outil le plus précieux que nous pouvons trouver à l’intérieur, mais beaucoup n’arrivent pas à oublier le monde matériel. Il nous domine et nous rend aveugles face à ce qui se passe vraiment autour de nous.

Du moins c’est ma vision, mais qu’est-ce que j’en sais ? Que sait-on vraiment en réalité ? Le grand mystère de la vie, qui je suppose, fait qu’elle vaut la peine d’être vécue.

Parlons de l’avenir. Tu as dit que l’écriture du deuxième album était maintenant terminée. Quand peut-on espérer l’entendre, et à quoi s’attendre en termes de direction musicale ?

Nous sommes en train de mixer le nouvel album présentement, et la sortie est prévue plus tard cette année. Je ne peux pas vraiment en dire plus, si ce n’est que c’est une légère expansion du premier album. Il y a plusieurs éléments qui sont similaires tout en s’aventurant dans des territoires que nous n’avions pas explorés.

De plusieurs manières, je crois que cet album va forger le son de Uada. Le premier a l’air d’avoir été beaucoup comparé à d’autres groupes, ce qui est naturel. Cet album devrait montrer le groupe pour ce qu’il est vraiment. C’est un album très important, le plus important que nous n’ayons jamais produit, et j’espère qu’il aura un effet similaire sur les auditeurs que le premier.

La profondeur avec laquelle les gens se sont connectés à notre art est incroyable, et cela nous permet de parcourir le monde et de le partager avec eux.

Cette appréciation est telle que je suis incapable de mettre des mots dessus.

 

Merci pour ton temps Jake. Je te laisse conclure, si tu as quelques mots pour les hordes du Québec qui vous attendent ce samedi.

Tout ce que je peux dire c’est un immense merci pour votre soutien incroyable. Nous savons que ce samedi va être un évènement spécial que beaucoup de gens attendent depuis novembre. Nous avons également longuement patienté pour ce concert, il a une grande signification pour Uada. A très bientôt, gens du Québec !

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