Critique | Peep Show au Théâtre La Chapelle
Par le biais de la comédienne Livia Sassoli, le metteur en scène Nicolas Berzi explore l’idée de la dématérialisation de l’érotisme et de la porno à l’ère du Net dans son spectacle Peep Show, présenté au Théâtre La Chapelle du 28 janvier au 7 février 2015. Retour sur un spectacle assez troublant, qui provoque un questionnement sur la perversion, le voyeurisme et la culture du viol.
D’abord présenté au Zoofest à l’été 2013, Peep Show se présente ici sous une nouvelle mouture, passablement modifiée en 2015.
Pendant 70 minutes, Sassoli prend les traits d’une danseuse érotique dans un établissement de peep-show, le dernier du genre à Montréal. Derrière sa vitrine, la blondinette à demi dévêtue livre d’abord un monologue détaché, à la fois séducteur et inquiétant, adressé à son client. Elle lui décrit sa profession comme un emploi comme tant d’autres. Punch in, punch out, 30 minutes de break pour diner. Et si elle le souhaite, elle peut faire des « extras » et atteindre le salaire d’un médecin.
Sauf que son univers disparaît, au profit d’une porno à portée de main sur le web.
Sitôt le monologue livré, elle s’adonnera à un déhanchement lascif, porté par sa physionomie avantageuse, avant de briser le quatrième mur et de confronter le spectateur de façon provocatrice, manipulant le côté voyeur de celui-ci. En brouillant les pistes ainsi, Sassoli est drôlement efficace et transforme le spectateur en pervers coupable.
Le spectacle se trouve au croisement – plutôt habile d’ailleurs – entre le théâtre, la danse (érotique) et le multimédia. Un cadre géant évoque tantôt les contours de la vitrine du peep-show, puis l’écran d’un ordinateur lorsque le personnage de Sassoli traverse du côté de l’Internet et troque le peep-show en chair et en os pour la webcam.
L’écran sert aussi à illustrer un troublant segment où l’on peut lire les discussions (fictives, mais réalistes) d’un forum voué à la recherche d’établissements de débauches. Le langage y est cru, obscène, crade. Et dégradant…
On constate alors que la relative douceur du propos de la danseuse à son client en ouverture de spectacle a fait place à un détachement virtuel qui permet les pires excès de langage et de pensée. L’agressivité, le mépris, la violence gagne les internautes, qui peuvent assouvir leurs bas instincts en tout anonymat.
Le tout baigne dans un atmosphère fort bien maîtrisé. L’étrangeté et le sex appeal s’y côtoient efficacement. Les projections et le multimédia y contribuent beaucoup, tout comme la musique live de Dominic Marion (et celle enregistrée de Jan Siemaszkiewicz), dérangeantes.
Mais même avec une mise en scène réussie et un support visuel éclatant, le spectacle ne tiendrait pas la route sans une prestation étincelante de son interprète, et heureusement pour Nicolas Berzi, Livia Sassoli livre la marchandise.
À voir, jusqu’au 7 février au Théâtre La Chapelle.
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