Carl Cox

Carl Cox à Oasis Montréal 2019 | Une leçon de son

Oasis Montréal, organisé par l’équipe du Beachclub de Pointe Calumet, est un nouveau festival de musique électronique ayant lieu à l’Esplanade du Stade Olympique durant les fins de semaine du mois de juin. Nous étions curieux d’aller voir ce nouveau venu dans la saison des festivals montréalais et le passage de la légende vivante Carl Cox s’avérait l’occasion parfaite pour ce faire.

 


 

Première édition: installations sobres

On pardonnera la sobriété de l’équipe du festival : il est difficile de rendre cet espace immense chaleureux et accueillant. Nous parions toutefois que si le festival revient d’année en année, l’offre extramusicale deviendra plus intéressante pour le public. Pour l’instant, l’immense site n’est parsemé que de quelques petits kiosques de nourriture qui s’ajoutent aux quelques petits bars qui vendent de la (mauvaise) bière au prix (élevé) du Centre Bell.

On a beau se concentrer sur le gin tonic, tous les bars du site n’en ont plus à servir dès le début de la soirée. Le thème de l’oasis semble encore embryonnaire : outre les nombreux tapis verts sur le sol, on n’aperçoit que quelques palmiers dans les recoins de l’esplanade. Quel choix judicieux d’ailleurs de tenir ce festival en juin puisque ce mois, dorénavant frais, s’apprête bien à une journée complète sur l’esplanade. Nous nous demandons comment il serait possible d’y survivre par une journée de canicule tellement les endroits ombragés et la verdure y sont rarissimes. Oasis offre d’ailleurs de l’eau potable gratuitement sur le site, ce qui est grandement apprécié par ce public féru de danse.

Dans un premier espace, accueillant et douillet, les gens sont invités à se reposer sur des coussins gigantesques et des tapis de gazon synthétique. Un échafaudage offre aussi la chance au public de se reposer à l’ombre dans des chaises suspendues. Cet endroit est agréable et indique aussi le degré d’animation sur la piste de danse : plus l’endroit est déserté, plus la piste de danse est densément peuplée. C’est pendant que le DJ Josh Wink jouait que cette aire de repos était la plus achalandée…

Place à la musique…

Cette sobriété des installations a l’avantage de centrer l’attention du public sur la musique et sur la piste de danse puisqu’il y a peu à voir autre que ce point central. L’essentiel de l’après-midi a été animé par Misstress Barbara. Cette DJ, désormais une incontournable de la scène montréalaise, prenait un plaisir évident à faire lever tranquillement la foule. Tout sourire et à l’affut de l’amour que le public lui envoyait, Misstress Barbara a servi un beau set ficelé de main de maitre, à la rencontre de la house et du techno, avec la signature prog qu’on lui connait, tout en rondeurs. On sentait la piste de danse réchauffée, malgré le soleil qui se cachait derrière les nuages. Vers 17h00, alors qu’elle quitte les platines, le public en redemande et est gonflé à bloc.

Le pionnier de la house et du techno est arrivé sur scène vers 19 h pour nous offrir un set ininterrompu de trois heures. On entend bien la racine techno de Carl Cox dans sa grosse caisse insistante. On entend aussi très bien sa sensibilité envers la house et le groove des musiques souls et funk. Mais Carl Cox joue bien au-delà des styles : il nous offre une véritable voyage au travers la musique, une exploration sonore sans pareil ainsi qu’une compréhension instinctive et unique du rythme.

La science de la piste de danse et l’art du DJ

Le DJ britannique peaufine son art depuis plus de 40 ans maintenant et ça paraît. Il offre un collage sonore dont lui seul est capable, agençant différents rythmes et différentes fréquences provenant de différentes musiques. Il couronne le tout de motifs de basses bien mis en évidence, forts, clairs, puissants, un de ses signatures, qui fait à coup sûr bouger les popotins.

Pour être franc : à plusieurs moments, nous ne comprenions plus vraiment ce que nous entendions. Mais cette incompréhension ne découle pas d’un chaos sonore. Au contraire, elle découle du fait que nous connaissions l’origine de chaque son, présentés un à un par le DJ lui-même, et qu’on se demandait comment et quand il a élevé cet assemblage à un tel niveau de musicalité et de contagion.

Ainsi, le public se délecte à ne plus trop comprendre ce qu’ils écoutent de façon rationnelle, pour enfin se permettre de simplement sentir le son qui les traverse. Les gens prennent plaisir à devenir ce son et à se laisser à danser comme si personne ne les regardait. Avec Carl Cox, le son qu’on entend devient comme le négatif d’une photographie: peu concret et indéfinissable. Quand notre corps se met en danser, c’est là que la musique prend forme en nous. L’essentiel du son de Carl Cox n’a pas besoin de retentir dans les hauts-parleurs: il est déjà en nous. Comme si le DJ ne laissait entendre que ce qui se trouve derrière la chorale des corps dansants.

Belle unité d’ailleurs sur cette piste de danse, où les gens se laissent aller aux mouvements qui leur viennent plutôt qu’à ceux qu’ils répètent habituellement. À plusieurs moments, la danse est si envoutante qu’il devient impossible de communiquer, comme si elle était pleine. Il en est de même du son, dont les fréquences sont manipulées avec tant de précision qu’il prend toute la place et que les mots ne trouvent plus leur chemin pour se verbaliser.

Cox s’amuse en jouant de contrastes entre rythmiques plus mécaniques et autres plus organiques, moins carrées, les faisant converser entre elles. Bien qu’il soit reconnu comme étant une des premiers «dj superstars», Carl Cox n’offre pas de tels collages sonores pour impressionner la galerie. Il le fait plutôt avec l’humilité propre du dj qui cherche avant tout à animer la foule, à lire ce qui se passe sur la piste de danse pour lui offrir, à chaque instant, ce dont elle a besoin. Carl Cox élève le djisme a une forme d’art fort impressionnante, centrée sur les textures sonores, le pouvoir brut du son et la communion du public dans la danse.

Le DJ a terminé sa soirée sous les acclamations de la foule, remplie d’amour et d’admiration pour ce qu’il venait de leur offrir. En sortant d’Oasis, le son typique de Carl Cox a continué de rouler dans notre tête pendant plus d’une journée. Nous souhaitons à tous d’avoir la chance d’un jour voir cette légende vivante aux commandes de ses platines et de la piste de danse. C’est une expérience inoubliable, de laquelle nous sortons aussi fort ragaillardis. Trois heures sur la piste de danse de Carl Cox ont le même effet psychologique et physique qu’un rendez-vous chez un massothérapeute : Nos maux de dos sont partis et nous nous tenons bien droit aujourd’hui!

Merci à Oasis d’avoir couronné sa programmation avec cet incontournable. Souhaitons un retour en force de ce festival pour l’an prochain, avec de la meilleure bière (ou, au moins, une quantité de gin suffisante pour répondre à la demande), plus de palmiers, mais autant de danse et de musique, et encore plus de ce beau public de danseurs!

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