crédit photo: Pierre Langlois
Yngwie Malmsteen

Yngwie Malmsteen aux Foufounes électriques I Plectres, Baroque et Rock’n’Roll

Le légendaire guitariste suédois Yngwie Malmsteen était de passage à Montréal pour un spectacle en solo, nous gratifiant de son illustre talent en envoyant des arpèges staccatos aussi vite que des picks de guitares devant un mur d’amplis et une salle remplie à craquer. Retour sur un concert qui n’était pas vraiment une masterclass, mais plutôt un guitariste avec la masterclass en démonstration.

Une immense file d’attente traverse le bar, si longue que tout le monde n’avait pas fini de rentrer lorsque le virtuose québécois Stéphane Dufour, notamment guitariste d’Éric Lapointe, commençait sa prestation solo, où il présentait principalement des pièces de son projet Fear The Leader.

La salle est pleine, évidemment remplie de musiciens de la scène locale, venus admirer une légende vivante de la guitare, Monsieur Yngwie Malmsteen himself, sur la petite scène des Foufs, où il monte sous une ovation.

Fidèle à lui-même, le mur de Marshalls, colonnes de fumée sur les bords, Stratocaster blanche, chemise à jabot noire ouverte, bracelets en or, crinière brune, le virtuose a toujours la grande classe à l’approche de la soixantaine.

Pour le coup il n’y a pas de demi-mesure, et le guitariste nous en met plein la vue d’emblée, sans préliminaires, nous jetant ses picks de guitare au visage aussi vite qu’il dévale son manche à coups de gammes et arpèges descendus et remontés dans tous les sens, avec une dextérité hallucinante. Yngwie sweepe sur sa guitare comme il respire et on n’a presque pas le temps de respirer tant il enchaîne vite les morceaux, prenant peu de temps entre les chansons.

Si la foule apprécie les pièces plus tardives de sa carrière comme Top Down Foot Down ou (Si Vis Pacem) Parabellum, ou le à peine plus lent Blue, ce sont véritablement les classiques qui font lever le public, que ce soit ceux de Malmsteen comme l’incontournable et monumental Far Beyond The Sun, mais aussi les classiques de Bach comme Badinerie, ou encore le vertigineux Baroque’n’Roll dont la vitesse paraît irréelle.

La masterclass ?

Ce spectacle était présenté comme une masterclass. Avec un prix record aux Foufs de 90$ à la porte, plusieurs se demandaient si le format serait ainsi une réelle clinique de guitare, avec questions et réponses, suivie d’un spectacle et d’un meet & greet par exemple, un prix alors envisageable pour une légende et un nom comme Malmsteen.

Cependant, c’était bel et bien un simple spectacle solo du guitariste, seul sur scène pendant soixante minutes chrono avec des backings tracks, — dont le son reste parfois moyen, et bien moins dynamique qu’avec un vrai groupe — et peu d’interactions en réalité. Certes la salle ne s’y prêtait peut-être pas, il avait peut-être du mal à entendre les quelques questions, mais il faut dire qu’il n’y a pas eut tant d’échanges.

Malmsteen nous parle de sobriété, ne pas boire d’alcool pour ne pas avoir les mains qui tremblent si on veut être bon à la guitare, du jour où il a envoyé à un magazine de guitare la démo qu’il avait enregistrée lui même de Rising Force, et du concept incestueux de l’inspiration musicale selon lui, puisque chaque guitariste est inspiré d’un autre guitariste, lui-même inspiré par d’autres guitaristes, etc. Mais pas plus d’histoires, d’anecdotes ou d’enseignements, d’inspirations à partager, si ce n’est sa performance, toujours impressionnante.

Et oui, c’était bien incroyable de voir ce guitariste de légende de si près, 40 ans après son album anthologique Rising Force, sur une petite scène où son roadie — dont une grande partie du travail consiste à recharger le support de picks de guitare — a été obligé de faire partie du spectacle et rester sur scène tout le long, puisqu’il ne pouvait pas vraiment se cacher sur le côté. Oui c’est une légende vivante, et il y a bien une magie unique dans ses doigts, dans le son qui sort de sa guitare, la manière dont il la fait chanter comme un printemps de Vivaldi.

Cependant, comparé à un vrai concert avec un groupe au complet  qui groove derrière, comme on a pu le voir au Théâtre Corona il y a quelques années, pour la moitié du prix, avec un mur d’ampli deux fois plus haut, plus d’une heure de spectacle, on ne peut s’empêcher de penser à une certaine démesure, à l’image des vinyles pré-signés à 130$. Après tout, une démesure à l’image du jeu de guitare et de la personnalité extravagante du personnage.

Mais qu’importe, on peut bien en penser ce qu’on veut et critiquer, on n’enlèvera rien au musicien mythique. Et quand on le voit finir son spectacle, sans rappel, avec la magnifique et mélodique Black Star, un des hymnes incontestés d’Yngwie où la guitare électrique vient tricoter en distorsion avec l’héritage de la musique baroque du XVIIIe siècle, on ne peut s’empêcher d’avoir des frissons et d’être emporté par cette virtuosité, forçant le respect de ce grand nom de la six cordes.

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