Ninho

Ninho à la Place Bell | Un manque de saveur

Ninho, phénomène absolu du rap chez les cousins français, tenait tête à une Place Bell débordante d’admirateurs ce samedi 11 novembre. Sans être une mauvaise performance, le manque total de prise de risques durant le concert du rappeur a normalement dû donner une sensation de trop peu à l’auditeur averti.

Ninho débute à 20h45 sur 25 G, tiré de sa dernière offrande, NI, parue plus tôt dans l’année. Un comparse l’accompagnera tout le long du concert dans des back vocals. L’artiste enchaîne par la suite sur le freestyle Binks to Binks Part. 2, et du répertoire, Ninho n’en manque pas.

Piochant dans son vaste catalogue (déjà 10 projets parus en carrière à l’âge de 27 ans), le rappeur du 91 alterne entre ses succès à l’autotune mielleux et le kickage pour les énervés. Une grande partie de son succès, Ninho le doit également aux collaborations : que ce soit dans des morceaux à son nom ou crédités à d’autres, la force du groupe a certainement permis à l’artiste de se détacher du reste du rap game français, au point où l’artiste pu revendiquer, avec JuL, le titre du rappeur francophone le plus écouté des dernières années.

Plus de 300 simples certifiés, des centaines de millions de streams, des concerts en Europe devant des dizaines de milliers de personnes : un réel phénomène du rap français, un homme qui fascine.

Une majorité de doux mots sur sa carrière, et pourtant, où se situe alors le problème de cette performance à la Place Bell ce samedi 11 novembre?

 

(Presque) rien à se mettre sous la dent

Le concert de Ninho semble être à l’image de la récente direction artistique prise par le personnage : une machine à tubes, du commercial pur et dur. Après quelques premiers projets encourageants pour la suite, Ninho a rapidement compris la recette et, depuis quelques années, s’enferme dans ses ingrédients. Son dernier album lancé est, d’un point de vue personnel et partagé par beaucoup, l’un des projets les plus conventionnels et fades de l’année en termes de rap mainstream francophone. Dommage de constater ces choix faciles quand on connaissait le potentiel abrasif du rappeur à ses débuts.

Durant son passage à Laval cet automne, Ninho n’offre ni décor, ni projections spectaculaires, ni invité de marque, aucune surprise. Bref, Ninho n’offre absolument aucune scénographie, si ce n’est quelques modestes écrans entourant la table de mixage de son DJ.

Le concept fonctionne à merveille dans des salles comme le Club Soda, voire le MTelus, des espaces permettant de se concentrer uniquement sur la musique et rien que sur la musique, mais dans des amphithéâtres comme tels, il est absolument nécessaire d’en mettre plein la vue à un certain niveau. Il est nécessaire d’investir. De penser au public dans le fond des gradins.

Un concert pour les puristes de Ninho, mais pour ceux désirant aller plus loin, comment ne pas qualifier le reste de terriblement décevant?

Là où Damso en avait peut-être trop fait en début d’année, là où Lomepal trouvait la parfaite balance il y a un mois jour pour jour, Ninho n’en a pas fait assez.

 

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Le Jefe

Tout n’était pas blanc dans ce passage de l’artiste français, mais tout n’était pas noir non plus. Annonçant dès les dix premières minutes du spectacle que sa performance s’étalera sur une heure et demie, Ninho conservera sa promesse et dépassera même de quelques minutes la durée présagée. Une longueur plus que respectable, surtout quand on sait que le rappeur n’abuse pas réellement des morceaux enregistrés se chargeant de détourner l’attention d’une paresse palpable ressentie chez d’autres.

La suite du choix des morceaux, quant à lui, est également à saluer : interprétant des succès à ne plus compter, des « classiques », de ses propres mots, Ninho réveille la fosse de plus belle grâce à un bel enchaînement de trois titres du même projet lui ayant procuré un succès monstre il y a de cela quatre ans. Goutte d’eau, La vie qu’on mène et Maman ne le sait pas, le parterre vibre désormais au gré de l’énergie rap turbulente qu’on lui connaît.

Pour les premières phrases du premier couplet de La vie qu’on mène, la Place Bell se charge de chanter les mots du tube d’une seule voix, sans que Ninho intervienne, un sentiment qui ne peut que laisser un frisson au jeune artiste fougueux comme au vieux musicien désabusé.

Retenant des titres comme Jefe, Air Max, Eurostar ou encore l’énormément populaire Lettre à une femme, Ninho propose de déclencher des pogos sur Macaroni. Le public, de plus en plus réactif, suit évidemment la demande. Quelques minutes après, le rappeur du 91 sollicite encore un « full rond le sang », résultant sur le parterre le plus agité de la soirée.

Le concert tire à sa fin, le temps de présenter à la Place Bell Blue Story, titre de NI en collaboration avec le rappeur d’Atlanta Lil Baby. La rumeur court selon laquelle l’artiste français aurait payé 300 000$ pour un couplet aussi profondément médiocre que celui pondu par Lil Baby, prouvant une fois de plus à quel point les rappeurs américains ne portent malheureusement aucun respect pour l’immense et magnifique industrie qu’est celle du hip-hop francophone.

D’une manière plutôt logique, Ninho termine sa prestation avec l’Outro de son album Jefe. « On reviendra très bientôt, que Dieu vous garde et vous protège », lance le rappeur en quittant la scène.

Un concert correct, loin d’être mémorable pour autant.

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