Mark Guiliana

Festival De Jazz De Montréal 2023 | Mark Guiliana met tout le monde d’accord

Mark Guiliana est reconnu comme l’un des meilleurs batteurs au monde. La musique n’étant pas une compétition, je me méfie cependant de savoir qui est le meilleur. Avec un répertoire intéressant et bien construit, le jeu du batteur est magnifié par un groupe doué et très complémentaire. Mais avec un solo magistral qui a mis toute la salle du Gesù à terre, Mark Guiliana a prouvé hors de tout doute qu’il était un TRÈS grand batteur, avec des majuscules complètement assumées et justifiées.

J’avoue que je connaissais peu Mark Guiliana mais notre photographe Pierre est toujours de bon conseil et j’ai eu raison de l’écouter encore ce soir. Mark Guiliana est un batteur de jazz mais qui n’hésite pas à explorer d’autres styles, comme le prouve ses participations aux derniers albums de David Bowie ou au disque en solo de Matt Cameron, le batteur de Pearl Jam. Catégorie jazz, il a aussi collaboré avec le pianiste Brad Mehldau, le contrebassiste Avishai Cohen, le guitariste Lionel Loueke et la chanteuse Gretchen Parlato, qui est aussi sa femme et qui est présente ce soir. Un Curriculum vitæ très parlant…

Pour ce concert tardif de la série Jazz dans la nuit à 22h30 dans un Gesù complet, Mark Guiliana est accompagné de son quartet régulier : Jason Rigby au saxophone ténor, Chris Morrissey à la contrebasse et Jason Lindner au piano et donc, Mark Guiliana à la batterie. Une formation très classique et proche des racines du jazz, aucun synthé ni boucle ou programmation, pas même une clarinette. Une simplicité volontaire surprenante de nos jours et plutôt judicieuse comme nous allons le constater.

Avec une introduction tout en douceur où s’entrelace délicatement un motif de contrebasse avec une délicate mélodie au piano, le saxophone et la batterie se joignent pour monter tranquillement en puissance avec un solo de saxophone très en accord avec le morceau. Jason Rigby n’est peut-être pas le saxophoniste le plus technique ni le plus éclatant que l’on ait vu mais il est toutefois très en adéquation avec le répertoire et la magie embarque pareil!

Le jeu de Mark Guiliana est plus en nuance et subtilité qu’en puissance. Et pourtant, étant judicieusement placé à quelques mètres du batteur, je peux certifier qu’il y avait de la puissance, couvrant parfois acoustiquement la contrebasse et le piano de ma place. Et pour preuve, les quelques puissants coups de cymbale pour trancher entre deux parties d’un morceau en ont surpris et fait sursauter plus d’un! Mais la marque des grands musiciens reste d’utiliser cette force quand nécessaire et elle est souvent rester contenue pour servir le morceau.

Avec le titre Jersey, encore une fois on assiste au talent de compositeur de Guiliana, avec cette façon subtile d’entremêler la contrebasse au piano dans un contrepoint délicat et fascinant. Jusque là, le concert est intéressant et bien fait, sans plus. Mais c’est le titre suivant qui met tout le monde d’accord : avec un long solo de batterie sorti d’on ne sait où, Guiliana montre toute l’étendu de son jeu et de sa délicatesse, travaillant chaque élément avec une approche mélodique et sans jamais entrer dans un exercice de puissance où échoue nombre de solos de batterie. Ici, pas d’alternance de decrescendo et de crescendo plus ou moins intéressant! Guiliana nous offre toute une partition qui sort sa batterie de son statut de percussion. Guiliana vient de rejoindre mes batteurs favoris, Art Blakey et Ginger Baker. La fin du titre à provoquer une ovation spontanée complètement méritée.

Nous sommes tous restés sonnés et marqués par cette démonstration de virtuosité et de musicalité pendant tout le reste du concert. Et pourtant, ce n’était pas fini, il y avait encore des morceaux très intéressants avec des solos de très bonne facture. Après un rappel enjoué, Mark Guiliana et son groupe quittent la scène, nous laissant encore incrédules devant sa prestation.

Mark Guiliana n’a pas l’air bien impressionnant par son jeu de batterie très posé et qui n’est pas parasité par de grands mouvements impressionnants et spectaculaires. Mais avec une approche plutôt minimaliste et réfléchie de la batterie, avec une utilisation réduite des cymbales, il montre toute la subtilité et l’originalité de sa démarche. Tout cela a été résumé par Guiliana dans un solo épique qui a mis en exergue tout son impressionnant talent et sa musicalité.

 

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