Critique théâtre | Qui a peur de Virginia Woolf ? au Théâtre Jean-Duceppe

Avec Qui a peur de Virginia Woolf?, préparez-vous à assister à un jeu de pouvoir dans lequel tous les coups sont permis. Un couple se livrera à une froide guerre psychologique, s’humiliant l’un l’autre et tentant de prendre le dessus à tout prix. On peut se demander si quelqu’un en sortira indemne, y compris le public.

Martha et Georges, couple dans la quarantaine avancée, rentrent aux petites heures du matin, assez éméchés, d’une soirée chez le doyen de l’université dans laquelle travaille George et par le fait même le père de Martha. Pour continuer la fête, Martha a convié le nouveau professeur de biologie et sa jeune épouse à se joindre à eux. La petite soirée se transformera rapidement en cauchemar lorsque les hôtes décideront de régler leurs comptes avec véhémence, et ce, devant témoins.

 

Un décor à l’image du tumulte

Le carnage amoureux se joue dans la grande maison de Georges et Martha. Il faut le dire, les décors de Guillaume Lord sont superbes, le salon du couple avec son carillon et sa grande fenêtre est des plus chaleureux, malgré l’ambiance qui y règne. Les nombreux vêtements, livres éparpillés, sans oublier les bouteilles d’alcool et les verres sales qui trainent partout représentent bien le tumulte qui unit ce professeur d’histoire et sa femme.

L’alcool y coule abondamment, les insultes et les coups bas s’enchainent au rythme des verres. Martha y va à grands coups d’histoires et de souvenirs humiliants pour atteindre Georges. Chaque fois qu’on le croit au tapis il se relève, et attaque sournoisement et vicieusement.

Le duo machiavélique, composé de Maude Guérin et Normand D’amour, est très convaincant dans ce match de boxe quelque peu pervers orchestré avec justesse par le metteur en scène Serge Denoncourt. Normand D’amour maitrise à la perfection les phrases acerbes et possède un bon sens du punch. Son Georges est tout aussi méchant que franchement drôle. De l’autre côté, Maude Guérin, plus directe, moins subtile, vacille habilement entre la séduction et la cruauté. Par contre, les nombreuses mimiques de la comédienne deviennent un peu lassantes, plus la pièce avance.

Sans oublier notre autre couple, Nick et sa femme Honey, spectateurs forcés de cet affrontement. Nouvellement arrivés en ville, ils désirent simplement continuer la soirée et se faire de nouveaux contacts, le dénouement en sera bien différent. Le jeune couple se retrouve rapidement coincé dans le jeu sadique de leur hôte, mais au fil des répliques cinglantes, il devient plus incertain qu’ils soient prisonniers et y participera à leur tour… Et en y prenant plaisir par moment.

Bien qu’ayant eux aussi leurs problèmes, ce jeune couple ne ressemble en rien au couple de Martha et Georges. Dans un jeu très caricatural, Kim Despatis incarne une Honey naïve et gamine. L’interprétation de la jeune comédienne détonne du ton très dramatique de la pièce, ce qui aurait pu taper un tantinet sur les nerfs. Au contraire, heureusement, Honey apporte de la légèreté et du rire à cette ambiance où règne la hargne.

Et François-Xavier Dufour, en jeune professeur ambitieux, dans un jeu très naturel nous offre un Nick qui semble parfois un peu crédule et à d’autres moments en parfait contrôle de la situation ne mâchant pas ses mots.

 Qui a peur de Virginia Woolf?, malgré quelques longueurs, offre une performance d’acteurs impressionnante. Il y a quelque chose de captivant dans l’étrange relation de Martha et Georges à travers toute la violence qu’ils éprouvent l’un envers l’autre, on croit apercevoir, de temps à autre, une certaine forme d’humour.

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