Arlo Parks

Arlo Parks au Théâtre Beanfield | Montréal et Arlo, enfin!

L’attente a trop duré. Arlo Parks et Montréal étaient vraiment dus pour un moment de qualité. Après deux annulations en 2021 et en 2022, l’artiste pop britannique a dévoilé mardi soir à un Théâtre Beanfield complet et fébrile son plus récent opus, My Soft Machine, dans le cadre de sa tournée nord-américaine.

C’était la première fois que la chanteuse nommée aux Grammys tenait son propre spectacle en sol montréalais (elle qui n’avait joué qu’en première partie de Florence + The Machine au Centre Bell en septembre 2022). Et ça se sentait. Le public semblait avoir attendu ce moment, prêt à hurler toutes les paroles et à se balancer sans retenue sur les morceaux rêveurs de son artiste chouchou. L’entrain des premières rangées était palpable et n’a pas baissé d’un cran en une heure et demie.

Arlo Parks, malgré ses 23 minuscules années, a de l’expérience derrière la cravate. Deux fabuleux albums, plusieurs présences sur scène en tournée comme en festivals, le prix Mercury, deux nominations aux Grammys et même un recueil de poésie : elle semble avoir trouvé sa place. Personne n’attendait de voir si le spectacle de ce soir allait être ou pas un succès. Il s’agissait plutôt de fermer les yeux (mais pas trop) et d’apprécier.

Dès qu’on l’aperçoit, larges bermudas et T-shirt graphique sur le dos, ça saute aux yeux : Arlo Parks est sur scène comme chez elle, libre et décomplexée. Sur la délicate, mais poignante pièce drum’n’bass Bruiseless, qui ouvre sa performance et son album, elle arpente la scène de gauche à droite, suivie par une dizaine de photographes qui tentent tant bien que mal de capturer son aura. Sans jouer elle-même d’aucun instrument jusqu’à l’avant-dernier morceau de la soirée, Parks réussit ce qui n’est pas à tenir pour acquis en musique live : habiter et divertir une grande salle avec sa voix comme seul outil.

Et pourtant, sa voix est rarement exploitée à son plein potentiel, sans que ça représente de problème. Arlo Parks s’amuse avec le spoken word et un registre tout en douceur, où l’air circule librement entre les paroles. Une chance, parce que ses chansons sont denses sur le fond comme sur la forme. Elles ouvrent des portes sur un univers écorché, mais résilient où agressions, insécurités et déboires amoureux s’entremêlent. Dans son cas, dire doucement revient à dire plus. On pense notamment à Hope, tirée de son premier album Collapsed in Sunbeams, un véritable baume sur la solitude et ses démons, où on sent que la chanteuse est en tête-à-tête avec chaque membre du public.

Cette impression ne nous quitte pas de la soirée. La performance de Parks est extrêmement incarnée. Les paroles la traversent jusque dans son regard, les plis de son visage, ses mains tendues vers le ciel, pour rebondir vers la foule. Quand l’artiste s’adresse au public, c’est presque uniquement pour en dire plus sur le sens de ses morceaux, ce qui les a fait naître. Elle nous invite généreusement sur sa planche à dessin. Aucune surprise quand on apprend que la chanteuse a publié un livre l’an passé, The Magic Border. Avant la guitare ou les mélodies, ce sont les mots qui portent son identité artistique.

Ça prendra d’ailleurs 14 chansons avant qu’un technicien vienne lui passer la guitare au cou, sur le monoplage de 2019, Sophie. On lui découvre une nouvelle personnalité. Ses deux guitaristes et elle se défoulent sur le bridge, et puis sur Devotion, coup de coeur du spectacle. La pièce évolue habilement entre des couplets aériens et des refrains où la guitare électrique mordante et la batterie lourde viennent sublimer la voix de Parks qui, enfin, explose.

Une mention très très spéciale aux musiciens, qui brillent tour à tour et qui s’offrent un moment rien qu’à eux sur Softly, en rappel, accrochés à la rambarde de la première rangée, les manches de leur guitare dans les cheveux et le visage des fans exalté.es. Un privilège que s’était aussi permis Parks en début de performance pour inciter la foule à crier avec elle le refrain de Caroline.

Chloe George

La première partie était assurée par Chloe George, artiste américaine propulsée par TikTok et bien excitée par ce qui constitue sa première tournée. Elle suit Arlo Parks pour une bonne poignée de dates, et communique sa reconnaissance à plusieurs reprises entre les chansons.

Les sons de George et de Parks flottent en terrain commun. Pour la chanteuse américaine, ce sont aussi les textes qui sont à l’avant-plan, incarnés cependant par une voix plus présente, mais peut-être un peu moins contrôlée. Son timbre est cristallin et semble provenir d’un trop-plein, comme si les épreuves vécues par Chloe George ne pouvaient quitter son corps que par la voie de ses cordes vocales. L’émotion qui y est insufflée rappelle à quelques moments la grandiose SZA.

L’artiste est quelque peu statique sur scène et sa performance présente certaines longueurs, mais rien de trop dérangeant. Son talent est indéniable et très bien reçu par le public du Théâtre Beanfield. Parions que ses pièces langoureuses se trouveront dès ce soir dans quelques nouvelles playlists.


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