crédit photo: Marilène Oliver
Transes

Entrevue avec Isabelle Van Grimde | Transes contre les aléas de l’histoire

La chorégraphe Isabelle Van Grimde n’en est pas à sa première création où les barrières temporelles explosent. Le présent ne lui suffit pas : elle crée des univers parallèles futuristes, découverts avec ses œuvres Eve 2050 et Messis. Cette fois, Transes, qui sera présenté à l’Agora de la danse du 24 au 27 avril prochain, va encore plus loin. L’artiste nous a expliqué comment et pourquoi.

« On est dans un futur post-technologique extrêmement lointain où la nature est détruite », explique la fondatrice de la compagnie Van Grimde Corps Secrets. Le corps de la seule et unique interprète, Emmanuelle Martin, est en partie humain, en partie colonisé par les machines. Il reçoit un message par les voies de l’intelligence artificielle qui lui indique comment redonner vie au monde qui l’entoure. Un peu à la Sacre du printemps, la danseuse devra se sacrifier et utiliser son corps pour « reféconder » la nature. Vous suivez toujours?

Ce processus complexe et le corps atypique de l’interprète seront soutenus par une scénographie et des costumes qui ont nécessité un grand travail. La chorégraphe tient à préserver un certain mystère autour du visuel de Transes, mais on comprend entre les lignes que la scénographie sera dense, et l’expérience, immersive.

Aux côtés d’Emmanuelle Martin, le compositeur Thom Gossage, collaborateur de longue date de Van Grimde Corps Secrets, ajoutera de la musique live aux trames sonores préenregistrées. Les deux artistes abordent Transes de façon similaire : en suivant une structure stricte, mais qui permet une liberté qui peut modifier les sons et la gestuelle d’une représentation à l’autre.

Isabelle Van Grimde nomme cette méthode « l’œuvre ouverte », bien différente de l’improvisation, selon ses dires, et bien plus difficile. « Emmanuelle a du matériel chorégraphique, une partition, en quelque sorte. Elle connaît la courbe dynamique de la pièce, mais elle a plusieurs choix à prendre en temps réel », détaille-t-elle.

Emmanuelle Martin © Marilene Oliver

Chercher, danser

Comme c’est le cas pour plusieurs œuvres produites par sa compagnie, Isabelle Van Grimde a puisé dans le savoir scientifique pour bâtir adéquatement le monde de Transes. « Je poursuis mon travail d’imagination basé sur des faits », partage-t-elle. L’imagination de ce qui pourrait nous arriver comme êtres humains, nourrie dans son cas par une prise de conscience et un grand souci environnemental.

Les assises scientifiques de Transes ne sont pas aussi solides que celles de Eve 2050 par exemple, une web série qui explore l’avenir du corps à l’ère du numérique, projet pour lequel Isabelle Van Grimde et son équipe ont bénéficié de plus de temps et de moyens. Transes puise toutefois dans « une collaboration en continu depuis le début des années 2000 » entre Van Grimde Corps Secrets et des spécialistes en neurosciences et en biologie, notamment. La chorégraphe est elle-même impliquée dans certains projets de recherche.

« Seulement la moitié de nos cellules sont humaines. Je m’intéresse à cette distinction entre le corps primal et ce que j’appelle le corps du futur. Quels influx nerveux mènent à des mouvements plus primaux, ancestraux? », explique l’artiste, pour qui la reconnexion à ce « corps primal » est inhérente à Transes et au « sacrifice » de son interprète.

Cette dernière, Emmanuelle Martin, danse pour Van Grimde Corps Secrets depuis plusieurs années. Baigner dans l’univers artistico-scientifique de la compagnie lui a fait absorber beaucoup de matière, « bien plus que je pensais », note en riant la chorégraphe. Cette nouvelle œuvre outrepasse donc le domaine strictement artistique, si une telle chose existe. Elle dessine l’hypothèse d’un futur déconfiguré mais modelable, et tout le monde est invité.

Transes est présenté du 24 au 27 avril 2024 à l’Agora de la danse. Détails et billets par ici.

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