Rencontre avec Occult Burial | Couper les têtes du métal moderne et déterrer la vieille école

En affirmant encore plus leur griffe old-school sur leur dernier album sorti pendant la pandémie, les Ontariens de Occult Burial brandissent encore plus haut le flambeau du métal extrême underground à l’ancienne, sans concessions, crachant sur le métal moderne et atmosphérique en continuant de creuser leur chemin rock’n’roll et diabolique à coup de riffs tranchants et de cris d’outre-tombe.

C’est lors de la dernière édition miraculeuse de la Messe des Morts à Montréal, se glissant entre deux confinements, que nous avons pu rencontrer le trio d’Ottawa qui se produisait lors de la soirée d’ouverture. Occult Burial était presque un intrus sur l’affiche tant leur black metal intègre de plus en plus des éléments thrash metal ou NWOTHM, en donnant une des prestations les plus rock’n’roll du festival, bien loin du côté atmosphérique omniprésent de nos jours dans le black métal.

Cette branche du black metal moderne semble issue plutôt d’un son post-rock que métal extrême, je déteste absolument cette musique sans guts et sans riffs.

C’est que nous confiait Joël, chanteur-bassiste du groupe. « Ce n’est pas compliqué mais apparemment facile à oublier : c’est les riffs qui comptent. Faut pas qu’ils soient complexes, mais juste assez entraînants pour donner une qualité mémorable aux chansons. Les groupes originaux de la 2e vague (du black metal) ont bien compris ça, aujourd’hui on dirait que c’est plus rare. C’est mes goûts personnels, mais en général la musique atmosphérique m’excite beaucoup moins que la musique énergique. »

En effet, en soulignant l’importance des riffs et de l’énergie, et en gardant ce côté plus rock’n’roll, Occult Burial rend hommage aux racines parfois oubliées du black metal avec Bathory, Venom ou Sodom. Jouant sur le nom du groupe, nous leur demandons quels groupes ils voudraient alors enterrer aujourd’hui.

Certains groupes populaires dont je ne comprends pas l’attrait sont bien sûr Ghost, Mgla et Power Trip [NDLR : c’est malheureusement déjà fait pour ces derniers avec le décès du chanteur pendant la pandémie, RIP]. La simple raison étant que leur musique ne m’inspire aucun sentiment que le bon métal est censé évoquer – trop doux, trop prétentieux, trop plate, etc.

Un enterrement occulte peut aussi faire revenir les morts sur Terre, et nous leur demandons dans l’autre sens, quels groupes ils aimeraient ramener du royaume de l’ombre. « Je tuerais pour voir un concert de Ripping Corpse dans le temps, avoue Joël. Leur album de 1991, Dreaming With the Dead, étant un des meilleurs disques de métal. Aussi Cro-Mags, lors de leur tournée avec Motorhead. Inepsy, car je n’ai jamais eu l’occasion de les voir. Witchfinder General, AC/DC avec Bon Scott, et Offenbach. »

* La Messe des Morts 2021. Photo par Thomas Mazerolles.

Une pyramide de têtes coupées

Sorti sur label québécois Temple Of Mystery Records, le dernier album d’Occult Burial, Burning Eerie Lore, les voit affirmer leur musicalité et affiner leur style old-school, gagnant l’expérience au fil des années en ayant tourné en Europe et aux USA. L’album fut enregistré à Orléans, en banlieue d’Ottawa, dans le studio maison d’un des amis du groupe.

J’ai un peu effrayé sa femme, qui ne connaissait pas la musique extrême et trouvait soudainement que son sous-sol s’apparentait plus à une chambre de torture qu’à un studio de musique.

Le groupe ontarien nous gratifie également de compositions en français sur cet album. « La langue est un outil artistique comme un autre donc je ne voyais aucune raison de ne pas inclure quelques titres en français étant donné que je suis Franco-Ontarien, explique Joel. Au début, à l’époque de Hideous Obscure [NDLR : leur premier album], j’ai eu l’idée de traduire toutes les paroles de l’album et d’en faire une version française, mais finalement j’ai trouvé ça plus logique simplement d’écrire en français pour certaines des nouvelles chansons, question de sauver du temps et de donner plus d’intégrité aux titres. Il y en aura sûrement d’autres à l’avenir. »

On peut donc espérer à l’avenir entendre plus de leur trash/black metal à l’ancienne hurlé dans la langue de Molière comme le titre Une Pyramide de Têtes Coupées, un texte parlant de la malléabilité de la chair, où le parolier explique s’être inspiré d’éléments de Hellraiser, de l’île du Dr Moreau et de Genghis Khan.

 

Le Rock’n’Roll ne peut pas mourir

Après cette étrange période difficile qui a vu la fermeture de plusieurs salles de concerts, on se questionne sur la résistance de la scène underground, ce qui ne leur fait pas peur car ils gardent de modestes ambitions:

Il y aura toujours des petits bars où une quarantaine de personnes pourront se rassembler et regarder Occult Burial. On ne s’attend jamais à rien de mieux. À Ottawa, aucune des salles où nous avons l’habitude de jouer a dû fermer ses portes à cause de la pandémie, et j’ose espérer qu’elles seront encore là au printemps. Si elles ne le sont pas, j’ai confiance que la scène underground en ouvrira d’autres au moment propice. Après tout, rock and roll can never die.

La Messe des Morts se déroulant l’année dernière au Piranha Bar fut d’ailleurs une étonnante démonstration de la force des bastions de l’underground local, puisque le festival s’est tenu à guichets fermés avec une affiche 100% québécoise et ontarienne.

* Photo par Thomas Mazerolles.

Après cette énième fermeture hivernale, Occult Burial espère, comme toute la scène musicale, pouvoir bientôt défendre leur album à nouveau sur les planches. « La pandémie s’étire vraiment trop longtemps et ça commence à nous manquer de jouer live. »

Quand on lui demande son point de vue sur les mesures sanitaires controversées et divisant la population, Joël évoque la réalité du collectif face à l’individu. « On peut se croire la personne la plus forte et individualiste du monde, mais lorsqu’on accepte de se mêler à une foule, ce n’est pas uniquement notre bien-être qui compte. Malheureusement ce n’est pas très evil, mais que veux-tu. »

Dans tous les cas, la flamme de l’underground et du métal extrême à l’ancienne ne s’arrêtera pas de brûler si on peut compter sur les formations comme Occult Burial. Leur dernier album est disponible ici chez Temple of Mystery Records.