Corps titan (titre de survie) au Théâtre d’Aujourd’hui | Entrevue avec le comédien Papy Maurice Mbwiti

La pièce Corps titan (titre de survie), texte dramatique d’Audrey Talbot qui sera présenté en salle au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui à partir du 20 avril, compte dans sa distribution le comédien d’origine congolaise installé à Montréal depuis 2014, Papy Maurice Mbwiti. Comme Widemir Normil et Didier Lucien, il est l’un des rares comédiens noirs sur nos scènes. Il jouera sans distinctions plusieurs rôles de Blancs, y compris celui du père de l’auteure et comédienne qui nous propose une extraordinaire et courageuse leçon de survie.

« Un corps titan, pour moi, c’est un corps qui a reçu beaucoup de titanium et qui résiste », dit Papy, surnom usuel en République démocratique du Congo accolé à ceux qui portent le même nom que leur père. « Papy veut dire petit-papa, par comparaison à grand-papa », dira ensuite ce comédien qui est également auteur, metteur en scène et directeur artistique depuis une vingtaine d’années de carrière professionnelle.

À Kinshasa où il est né, Papy a repoussé les limites existantes avec sa compagnie d’avant-garde Mbila Kréation, et l’Espace culturel les Béjarts qui est un lieu de recherches, d’expérimentations, de résistance et de création, voué à la diffusion des arts de la scène.

Papy, 42 ans, est un heureux vagabond du théâtre qui n’a pas de formation académique, ayant tout appris sur le tas. Il a traversé l’Afrique et l’Europe en évoluant par le biais de résidences d’auteur, comme à la Maison des auteurs de Limoges, à l’Akademie Schloss Solitude de Stuttgart, aussi bien qu’au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui où a été présentée une lecture publique de son texte Les histoires de partir en 2018. Sa polyvalence aura même dressé sur son chemin un passage à l’Académie-Française, au Festival d’Avignon, à celui de Limoges et à Paris quartier d’été, sans oublier le Théâtre royal flamand de Bruxelles.

À Montréal, c’est d’abord une invitation à participer à l’événement annuel Dramaturgies en dialogue, organisé par le Centre des auteurs dramatiques, que tout a commencé. Après avoir infiltré le FTA, et au gré des belles collaborations qui s’ensuivirent, avec notamment Philippe Ducros, il travaille cette fois-ci avec le metteur en scène Philippe Cyr qui a réuni une solide distribution chorale pour Corps titan (titre de survie) où se retrouvent entre autres la trop rare Leni Parker, le comédien-danseur le plus hot en ce moment, Francis Ducharme, et l’auteure-comédienne Audrey Talbot qui joue son propre rôle dans cette histoire qui est la sienne. Dans le mot qui accompagne sa pièce, elle parle d’un « tunnel très long et très noir », d’une « traversée d’épisodes douloureux pour reconstruire mon corps et ma vie », ajoutant : « Tout ça n’est pourtant pas de la fiction. Tout ce que vous entendrez m’est bel et bien arrivé. »

En fait, Audrey Talbot devrait être morte, le corps broyé par un camion poids-lourd en 2013, alors qu’elle se rendait à une répétition de théâtre. Après des années de corridors d’hôpitaux, de chirurgies complexes à répétions, de longues et souffrantes séances de réadaptation, il n’est pas exagéré de parler de survie miraculeuse pour cette diplômée de Lionel-Groulx.

* Audrey Talbot. Photo par Eva Maude TC

Papy salue le courage de l’auteure qui a construit sa pièce après être retournée rencontrer, un à un, ambulanciers, policiers, médecins spécialistes, infirmières et thérapeutes en tout genre qui l’ont arrachée à une mort atroce, au mieux la laissant lourdement handicapée après ce bête accident. « Je suis très touché par la force de son écriture, dit Papy, sa résilience en révélant les traces indélébiles laissées par cet accident dans son corps et en elle-même, avec toute sa détermination à partager ses souffrances dans le menu détail, pour réussir à s’en libérer. La pièce, c’est Audrey qui raconte son histoire en atteignant une sorte de poésie par sa grande humanité. Il se passe vraiment quelque chose de magnifique. »

La pièce Corps titan (titre de survie) est une coproduction du CTD’A et du Théâtre français du Centre national des arts qui la présentera à Ottawa, avant qu’elle ne parte en tournée, si les conditions de crise sanitaire qui font si mal aux arts de la scène, permettent la diffusion de ce qui s’annonce comme un incroyable combat de survivance sublimé par le théâtre.

* Photo de répétitions par Valérie Remise.

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Cet article a été produit en collaboration avec le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.