Tyler The Creator

Tyler, the Creator et cie à la Place Bell | Les gros shows sont officiellement de retour!

Une chose qu’on ressent dès qu’on sort du métro et qu’on se met en marche vers la Place Bell, c’est qu’y’a comme une aura d’incertitude qui plane au-dessus de l’endroit.

Y’a des voitures de police.

Y’a une panne de courant.

Photo par Louis-Philippe Labrèche

Y’a des milliers de gens cordés dans une ligne qui serpente devant les portes de la salle – une vision quasi surréelle après 2 ans de « p’tits party » à 10 personnes max. Et il serait conservateur d’estimer que la plupart des ces personnes n’ont pas vu de spectacle de cette envergure depuis 2020 (votre humble critique inclus dans ce chiffre).

Y’a des employés qui se tiennent de l’autre côté des portes en scannant nerveusement des yeux la foule qui grandit. Il serait conservateur d’estimer que la plupart des ces employés en sont à leur premier shift sur cette job.

Y’a une deuxième panne de courant.

Et tout le monde a un peu le même regard. Celui qui a l’air de dire « on est-tu encore capable? » « On se souvient-tu comment faire ça? »

Un doute qui persistera jusqu’à ce que les lumières se tamisent et qu’écho la première note du show. Et là, soudainement, les épaules de toustes redescendent. 

Soudainement on se rappelle.

Ça va bien aller.

 

TEEZO TOUCHDOWN 

Cette première note, c’est pas vraiment une note. C’est plutôt une voix. Celle d’un homme nommé Drill, qui a l’air d’un savant mélange de Dog the Bounty Hunter, Riff Raff et mon oncle Roger qui fait des jobs de plâtre en Beauce.

Voir le clip de Teezo pour la chanson Handyman si vous voulez une référence visuelle :

Drill se présente comme le co-host d’une émission de réno nommée Heavy Metal Only. Puis entre sur scène le host principal, Teezo Touchdown. Un mohawk entièrement fait de clous en guise de coupe de cheveux, un tee aux inspirations Home Depot, une ceinture de construction, des grills, des bottes de cowboys et une chainsaw à la main.

Déjà, tu te dis « pas mal le seul show de réno que j’ai le goût de regarder. » D’ailleurs, si quelqu’un à la programmation chez Canal Vie lit ceci: engagez cet homme au plus vite.

La salle est peut-être encore à moitié vide pendant la performance de Teezo, mais sa bonne humeur, son énergie et sa vibe de « j’peux pas croire que je suis en tournée au Canada avec Tyler, the Creator lol c’est ben hot » gagne les quelques fidèles qui se sont entassés à l’avant-scène pour partir le premier moshpit de la soirée.

Quelques bangers, quelques ballades pop punk, un solo de bass et quelques fleurs lancées dans la foule plus tard, Teezo quitte la salle, souriant ben raide.

Quel adorable jeune menuisier.

 

VINCE STAPLES

On se tourne vers la deuxième scène (y’avait deux scènes), celle-ci plus au centre de la foule, pour l’arrivée de Vince Staples.

Pas mal moins souriant que Teezo Touchdown, mais Vince n’est pas reconnu pour sa bonhomie. Ni pour son maximalisme – son stage design consiste en une plateforme de métal vide et des lumières (souvent bleues, affiliation oblige).

Mais quand on a des hits comme Vince en a, on n’a pas vraiment besoin de plus.

Senorita, Norf Norf, Big Fish, 745 et les plus récentes LAW OF AVERAGES et MAGIC, ça suffit pour faire lever une foule.

Right?

En fait pas touuuuut à fait. Malgré une bonne performance et le fait qu’il répète que cette soirée en est une des meilleures de la tournée, Vince peine un peu à faire lever le party. Un son un peu inégal n’aidant pas. Et ajoutons que la salle n’est pas encore pleine à cette heure.

 

KALI UCHIS

Ah là par contre, le party pogne.

La réaction de la foule à l’arrivée de Kali (et à chacun de ses mouvements tout au long de sa perfo, pour être bien franc) est immense. Au point où on pouvait se demander comment les gens allaient faire pour être encore plus enthousiastes que ça pour la tête d’affiche (spoiler, ils ont réussi).

Bref, si le status de pop star internationale de Kali n’était pas encore officiellement confirmé, il le fut ce mercredi soir à Laval.

En pur contrôle de son audience, Kali se baladait et tanguait tranquillement, parfois langoureusement, de long en large de la scène, accompagnée de trois pro de la danse qui étaient entièrement wrappé dans un genre de morphsuit de dentelle rouge.

Ça a l’air moyen à l’écrit, mais sur scène, c’était plutôt top.

Mais pour vrai, à ce point-ci, Kali Uchis pourraient être seule sur une scène vide et ce serait probablement grandiose (elle devrait donner quelque cues à Vince).

Son talent, sa voix chaleureuse et juste, son charisme, son énorme chapeau de plume rouge qui nous fait penser aux beaux jours de Jamiroquai, tout était là pour cimenter son rôle de diva de la pop un peu underground.

Elle a enfilé les hits, tantôt en anglais, tantôt en espagnol, et nous a même fait l’honneur de performer sa pièce 10%, produite par notre Kaytranada national. Est-ce qu’elle la joue peu importe la ville? Probablement. Est-ce qu’on préfère s’imaginer que c’était un hommage conscient à Montréal? Tout à fait.

 

TYLER, THE CREATOR

Si l’ambiance était déjà à 10 après le passage de Kali, elle est montée à 11 lorsque les techniciens ont commencé à monter le décor pour Tyler. On comprend qu’il utilisera les 2 scènes. On devine qu’il parcourra d’une façon ou d’une autre le corridor qui les sépare – et qu’il passera donc très près de la foule.

Les gens commencent à s’exciter. Les quelques perruques blondes et vestons rose dans l’audience, hommages à IGOR, commencent à se faufiler aux premiers rangs.

Et ça part.

On découvre le premier setup: un manoir, un background de forêt et un majordome qui accueille Tyler alors qu’il entre sur scène à bord d’une Rolls Royce des années 50 qui monte tranquillement du sol. Chacun de ces éléments, tout comme le classique outfit de l’artiste (short, chemise ouverte, cass de poil) est dans sa palette de couleur officielle: bleu pâle, crème, rose, brun et un genre de menthe pastel.

Il y a quelque chose de très Wes Anderson dans cette présentation.

Wes Anderson un peu hyperactif, mettons. Doux, mais quand même rough. 

C’est un peu ce contraste qui est au coeur de l’oeuvre récente de Tyler, d’ailleurs. Et il sera aussi au coeur de cette performance. 

Parce que s’il est touchant sur certains des titres qu’il interprète de son dernier album, CALL ME IF YOU GET LOST, il reste tout de même Tyler, the Creator le gars qui était dans Odd Future y’a pas si longtemps.

Ce qui fait qu’on aura autant droit à des moments de performance émotifs qu’à ce moment où il demande à la foule de le huer pendant qu’il balance des jokes à propos de faire caca dans ses culottes.

Balance is key, qu’ils disent.

Il y aussi le contraste entre les deux scènes: la première étant le manoir luxuriant, la deuxième étant un ilot vide uniquement rempli de haut foin. Et entre les deux, il y a un petit yacht (brun et bleu pâle, évidemment). C’est via ce bateau qu’il navigue entre les deux décors, prenant le temps de jouer une chanson à même l’embarcation de temps à autre, au grand bonheur des gens qui sont près du corridor.

Au grand bonheur de tout le monde, en fait. Peut-être était-ce le plaisir collectif de retrouver une vie culturelle normale qui augmentait cette sensation, mais il y avait quelque chose d’euphorisant dans la présence de Tyler. Il est en pleine forme, intense, généreux. Le son est TRÈS FORT. Et la sélection des pièces jouées est *chef’s kiss*.

Beaucoup du dernier album, évidemment, mais aussi des morceaux qui datent de 2013, comme l’énorme banger que fut Tamale. Il y aura aussi Who Dat Boy, pendant laquelle on verra l’ombre d’A$AP Rocky performer son verset dans les fenêtres du manoir. Un détail ingénieux qui fait virer l’audience sur le top.

Il jouera même Yonkers, qui est un peu en conflit avec le discours actuel sur l’acception universelle, mettons, mais qui a quand même encore son effet sur une foule.

Je répète – je ne sais pas à quel point ce feeling positif était exacerbé par le fait que c’était un premier gros show depuis longtemps, mais c’était pas mal une réussite assez totale, cette soirée.

 

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