Tool

Tool au Centre Bell : Une critique de mauvaise foi convertie en émerveillement

Le Centre Bell de Montréal accueillait vendredi soir son tout premier Congrès International de Dudes Trentenaires qui font du Air Guitar (CIDTAG). Un franc succès, comme en témoigne l’assistance confirmée à plus de 15 000 participants enthousiastes. L’accompagnement musical était assuré par un groupe américain nommé Tool. Belle découverte.


Blague à part, pour les adeptes, le retour de Tool à Montréal après plus de 10 ans d’absence était aussi attendu que le retour de John Lennon d’entre les morts pour les baby-boomers. Ou le retour d’Obama à la Maison Blanche.

Pourtant, Tool n’a rien de bien nouveau à proposer. Les rumeurs d’un nouvel album circulent en vain depuis des lustres, et déçoivent aussi souvent que les annonces de shows de Daft Punk depuis quelques années.

Mais Tool fait partie de ces groupes dont le culte grossit (ou à tout le moins, se maintient) mystérieusement avec les années, malgré le relatif « meh » des deux derniers album Lateralus (2001) et 10,000 Days (2006), et l’absence de plus de 10 ans sur disque depuis. Ænema était une bombe de prog-métal à caractère punk, nourri de textes inspirés, mais ça date déjà de plus de 20 ans.

D’ailleurs, les albums du groupe ne se trouvent pas sur Spotify, ce qui nuit sans doute à la transmission du culte envers la nouvelle génération. Essayez de convaincre un Millenial d’écouter un CD (un quoi?) avec une pochette digne des pires oeuvres ésotériques qu’on puisse trouver au Marché Bonsecours.

tool10000days

Hashtag-Ark.

Toujours est-il que ça faisait un bail qu’on avait vu une foule aussi enthousiaste au Centre Bell. Faut probablement remonter aux belles années de Halak.

Quand les quatre musiciens sont arrivés sur scène, 15 000 personnes se sont levés pour ne plus jamais se rassoir, et ont ovationné le groupe à tout rompre, pendant que Tool lançait les hostilités avec The Grudge.

La scène est immense et les quatre musiciens occupent chacun leur coin de l’espace. Il n’y aura pas de moments de complicité entre musiciens ce soir, ça on le comprend assez vite.  Pas grave, ça n’a jamais été leur marque de commerce ; c’est la musique, l’énergie brute, les compositions complexes et les projections buzzantes et/ou horrifiantes qui font le travail.

Fidèle à ses bonnes vieilles habitudes, Maynard James Keenan — que les adeptes appellent simplement « Maynard », « MJK » ou encore « LE-PLUS-MEILLEUR-CHANTEUR-ROCK-DE-L’UNIVERS » — prenait place sur sa petite plateforme en retrait, dans l’ombre, et il allait y rester pour toute la soirée, entretenant sa légendaire discrétion.

Du peu qu’on puisse voir, il porte son plus beau costume de Mega Man, et bouge très peu, à l’exception de sa petite danse qui rappelle celle de Dhalsim qui attend son opposant dans Street Fighter.

Genre :

Pendant The Grudge, il rate souvent les notes, sans doute en raison d’un retour de son inadéquat, ou simplement parce qu’il n’avait pas encore trouvé ses repères.

Ça se place plutôt rapidement, et tout rentre dans l’ordre pour le doublé Parabol / Parabola, qui permet à Maynard de s’entendre, et au groupe d’exploser dans le deuxième volet. On se permet quelques petites coquetteries pendant Schism, en accélérant un segment, et en rajoutant un petit jam inattendu dans Opiate, mais dans l’ensemble, ça reste assez fidèle aux disques que les fans se tapaient en boucle depuis des années en fantasmant au concert.

Bref, les retrouvailles vont bon train : Adam Jones nous rappelle qu’il peut sonner comme trois guitaristes en même temps, et Justin Chancellor, avec son noeud papillon et ses bretelles, fait sonner la basse comme seul lui sait le faire.

Mais c’est le batteur Danny Carey qui est le vrai MVP du groupe. Pas juste parce qu’on lui laisse montrer son savoir-faire lors d’un impressionnant solo au retour de l’intermission/entracte/rappel/game-d’Atari. Carey est une force de frappe qui a fait ses preuves. À 56 ans, il a encore une shape d’athlète et ne rate rien des subtilités percussives des compositions.

Tool-centre bell-2017-8

 

Setlist bien choisi

La grille de chansons est pas mal identique aux autres spectacles de la présente tournée, mais bon, pourquoi changer une formule gagnante. Après tout, Tool n’a rien de nouveau à offrir et ne fait que renouer avec ses fans, alors pourquoi pas y aller des meilleures chansons de son répertoire : Ænema, Forty Six & 2, l’hallucinante (littéralement) Third Eye précédée de la désormais célèbre citation du philosophe pro-drogues Timothy Leary (« To think for yourself you must question authority (…) »), et oh tiens, ils ont dépoussiéré Sweat du premier EP.

Évidemment, le tout allait se terminer avec le single Stinkfist, gros climax, des confettis (oui oui!), et les 3 musiciens se rejoignent à l’avant-scène pour récolter l’acclamation de la foule, pendant que Maynard avait déjà retraité en coulisses (non sans tendre un discret hi-five à Danny Carey sur son chemin), sans doute pour combattre le professeur Wily à coups de Bubble Lead. Pas de temps à perdre pour Mega Man.

Bref, vous aurez compris par la mauvaise foi (assumée) qui teinte cet article que l’auteur de ces lignes n’est pas un fa-fan fini de Tool, du moins pas depuis une bonne quinzaine d’années. Mais force est d’admettre que ce retour de Tool fut un événement assez spectaculaire merci, du genre qui rappelle aux plus sceptiques que, ouiiiiin, c’était quand même assez solide, Tool. Et ça l’est toujours quand on nous présente ainsi les dix ou douze meilleurs titres.

Reste à voir si l’éventuel cinquième album verra vraiment le jour un de ces quatre, et si c’est le cas, quel effet aura-t-il sur la discographie très éparse du groupe. Tool saura-t-il se renouveler, ou à tout le moins maintenir le culte entretenu au fil des ans ?

 

Grille de chansons

  1. The Grudge
  2. Parabol
  3. Parabola
  4. Schism
  5. Opiate
  6. Ænema
  7. (pièce instrumentale, nouvelle, possiblement Descending)
  8. Jambi
  9. Third Eye
  10. Forty-Six & 2

Rappel Intermission

(solo de batterie)
Vicarious
Sweat
Stinkfist

Vos commentaires