crédit photo: Marie-Claire Denis
Tool

Tool au Centre Bell | De puissance et d’introspection

Depuis que Tool nous a enivré avec son premier coup de circuit, Undertow, le groupe a littéralement changé des vies. Et trente ans plus tard, pendant un peu plus de deux heures (plus une entracte de 13 minutes!), les fans ont été transportés ailleurs, pour vivre une expérience extrasensorielle dans une faille temporelle. Bref, ça ressemblait à quelque chose comme un voyage astral dimanche soir au Centre Bell…

Depuis ses débuts, le quatuor californien a sorti le rock métallique des chemins battus (et de l’ennui) avec une approche champ-gauche et un son foutrement inédit. C’est indéniable : l’approche progressive de Tool a eu un impact considérable sur la musique dite lourde. Opeth et Mastodon en savent quelque chose — de même que tous les groupes de post-métal du début des années 2000. Tool a toujours voulu repousser les limites du rock lourd grand public, par leur liberté et leur ouverture musicale, permettant à des groupes comme The Mars Volta de connaitre un beau succès.

Car Tool, c’est d’abord et avant tout des musiciens accomplis en pleine maitrise de leurs moyens, des véritables professionnels, pour qui l’art passe toujours en premier, autant au niveau des concepts éclatés de leurs albums, que de tout l’aspect visuel de l’entreprise. On parle évidemment des pochettes novatrices de leurs disques et de leurs fantastiques vidéoclips (des courts métrages hallucinants, souvent animés), sans oublier les mises en scènes sobres et soignées de leurs captivants spectacles.

Festin audiovisuel

Les médias ont l’opportunité de pouvoir comparer différentes offres de spectacles en aréna sans débourser un sou, en échange d’une visibilité la plus objective possible. Il est d’autant plus fort intéressant de constater comment les artistes utilisent les dollars durement gagnés de leurs fans (qui plus est, en pleine crise économique) pour remplir une salle immense et offrir une expérience mémorable.

Le minimalisme était de mise : aucun décor, que des scènes surélevées de chaque côté de la batterie immense de Danny Carey, afin de permettre au vocaliste James Maynard et à son mohawk d’onduler dans la pénombre, offrant d’élégantes ombres chinoises se découpant sur l’immense écran LED placé au fond de la scène.

L’aspect visuel était principalement sous forme d’animations vidéo magnifiques et mystérieuses, souvent kaléidoscopiques (crées avec l’assistance de l’AI, peut-être?) et toujours hypnotisantes, magnifiés par des jeux d’éclairages efficaces et l’étoile à 7 pointes de Tool, trônant au-dessus de tout.

Car la veille à ce même Centre Bell, c’était KISS qui mettait le paquet pour surstimuler nos sens, avec leur gros rock tout sauf progressif ou avant-gardiste. Le lendemain, on est dans un tout autre univers, une autre dimension, à des années lumières du cirque surdimensionné de la bande à Gene Simmons. Si cette dernière est figée dans la nostalgie du passé, Keenan et ses compères préfèrent plutôt vivre intensément le moment présent, comme en témoignait la liste des chansons. D’ailleurs, hier, il était strictement interdit aux spectateurs de filmer, enregistrer ou de prendre des photos. C’était inscrit sur les billets et des affiches collées un peu partout dans les gradins, et la sécurité s’affairait à expulser les contrevenants (pour vrai, on en a vu plusieurs se faire escorter jusqu’à la sortie).

D’ailleurs, Maynard, fidèle à lui-même, somma d’entrée de jeu ses fans de laisser leurs « putains de cellulaire » dans leur poche pour profiter du moment, pour se mettre en phase avec leur performance sans distraction (et qu’ils ne pourront filmer que la dernière chanson). Et on l’en remercie, car ça faisait beaucoup de bien de voir enfin un concert sans l’habituelle pollution visuelle. Ah, et le chanteur nous a même fait chanter bonne fête à son bassiste Justin Chancellor juste avant le moment Ænima. Fort sympa.

Plus que des chansons, d’envoûtants mantras

Comme ils avaient fait patienter leurs fans beaucoup trop longtemps — 13 ans, soit une éternité! — avant de sortir un nouvel album, ils se sont (et nous ont) gâtés, en interprétant Fear Inoculum (2019) dans sa quasi-totalité (sauf 7empest), lançant le bal avec la pièce titre et son échantillonnage tiré d’un chef d’œuvre de l’horreur (les plus perspicaces auront reconnu un étrange et iconique son provenant de The Texas Chain Saw Massacre, l’original).

Oui, ils ont été un peu chiches au niveau hits/singles, n’interprétant que Jambi (10,000 Days, 2006), jouée en deuxième, et Forty Six & 2 (Ænima, 1996) comme point final, fermant la boucle sur une note parfaitement.

Or, c’est parfaitement normal, Tool étant du genre exigent autant envers eux-même que pour leurs fans. Et peu importe, comme l’excellence émane toujours de chaque pièce interprétée.

Un trip introspectif sans pareil, en quelque sorte l’anti-KISS, qui pourrait bien se situer quelque part entre les univers parallèles de deux pointures nationales, soit Voïvod et Rush.

Chez Tool, l’immensément grand et l’infiniment petit se côtoient sur écran géant mais surtout dans nos chakras de mélomanes gourmands.

Grille de chansons

Fear Inoculum
Jambi
Rosetta Stoned
Pneuma
Intolerance
Descending
The Grudge

Entracte

Chocolate Chip Trip
Culling Voices
Invincible
Forty Six & 2

 

Photos en vrac

Tool

Steel Beans (première partie)

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