crédit photo: Vivien Gaumand
Cakes da Killa

POP Montréal 2021 – Jour 2 | Soirée rap à l’Entrepôt77

Cakes da killa, DijahSB et Shades Lawrence étaient au menu du showcase de POP Montréal présenté jeudi soir en plein coeur du Mile-End. Des proses aiguisées et des rimes intelligentes étaient au rendez-vous lors de cette soirée mettant le rap et les DJ sets de l’avant, de quoi rendre jalouses les programmations rap des festivals montréalais plus mainstream.

L’atmosphère était à la fête à l’Entrepôt 77: on aurait dit le mélange d’un houseparty, d’un samedi soir prépandémique au Datcha et d’une soirée ballroom. DJ Coco a réchauffé la foule avec un bon 15 minutes de DJ set avant que son acolyte et tête d’affiche de la soirée, Cakes da Killa, monte sur scène, bouquet de fleurs à la main. Dans un pied de nez à l’hypocrisie hétéro, Cakes da Killa pointe du doigt ceux qui profitent des personnes LGBTQ derrière les portes closes, mais qui continuent de les mépriser dans l’espace public.

Le rappeur basé à New York, mais originaire du New Jersey, était accoutré d’un ensemble de camouflage, lui donnant un look évoquant un genre de Chewbacca danseur de Vogue, sorti tout droit de l’époque du charleston. La table était mise: ce soir on danse, on s’aime!

Occupant la scène avec sensualité, rapidité et énergie, il crachait ses lignes avec exactitude, son débit rapide sur musique dance étant sa signature. Il a su ouvrir la porte à une atmosphère d’amour et de partage, comblant la foule montréalaise.

Après avoir interprété quelques chansons, enlevant progressivement quelques couches de son costume, se retrouvant en camisole et pantalons à franges, il a demandé au public de lui faire un chemin dans la foule. Il a ensuite procédé à interpréter son hit Don Dada, en se pavanant dans la foule.

« Okay, one last song », a répété le rappeur plusieurs fois, cédant aux nombreuses demandes de rappels de la foule en liesse. Pendant ces quelques rappels, il distribuait des roses blanches. Il est sorti de scène assez vite, à peine trente minutes après avoir commencé, laissant la scène à DJ Coco, qui a offert un autre DJ set. Deux spectateurs ont alors pris le relais du spectacle, s’adonnant à une performance impressionnante de Vogue au milieu d’un cercle créé par le reste de la foule.

Au loin, Cakes da Killa cherchait la tequila: l’ambiance était vraiment à la fête.

 

DijahSB et Shades Lawrence

DijahSB était sur scène vers 19 heures, un peu avant Cakes da Killa, pour offrir à la foule une performance assurée. Son rap calme et rythmé a confirmé que l’artiste méritait sa place sur la liste courte du prix Polaris cette année. Digne de son album lui ayant mérité cette nomination, Head Above the Water, DijahSB a performé avec honnêteté et humour.

Photo par Coralie Daigneault

Son flow calme et déterminé sur des boucles donnant le goût de danser a fait bouger la foule pour trop peu de temps: l’artiste a dû passer à peine 25 minutes sur scène. « Moi aussi j’ai des trucs à faire, je dois essayer ce fameux restaurant de poutine », a-t-iel lancé en rigolant, avant de se faire convaincre par la foule d’aller Chez Claudette plutôt qu’à La Banquise. On aurait pris au moins cinq autres chansons.

Juste avant, la rappeuse montréalaise Shades Lawrence est montée sur scène accompagnée de sa DJ Janette King. Bien que la rappeuse semblait fébrile, elle a offert une performance de spokenword assurée et confiante devant une foule assez maigre, mais enthousiaste et dansante. Celle-ci était composée principalement de gros noms de l’industrie musicale québécoise.

Photo par Coralie Daigneault

Juste avant ont défilé sur scène DJ Killa-Jewel, qui annonce aujourd’hui son prochain EP Sagittarius, ainsi que Milla Thymes.

Critiques des médias et introspection

La veille, au Rialto, Cakes da Killa était l’invité d’honneur d’un symposium organisé par POP Montréal. Il y a parlé de l’univers du nightlife qui lui apporte beaucoup de bonheur et d’inspiration pour ses chansons. Cela l’a amené à parler de ce que les ballrooms, qui sont à ses yeux « le nouveau breakdancing », lui apportent : de la validation et un sens de communauté qu’il ne retrouve nul par ailleurs.

Il en a profité pour critiquer la couverture médiatique dont il est sujet : dans toutes les entrevues qu’il donne, il est présenté comme étant « un rappeur queer et c’est la principale histoire qui est racontée ».

Ça me fait plaisir d’en parler parce que c’est ma réalité, mais on a déjà couvert le sujet!

Ayant lui-même étudié en journalisme, il se trouve bien placé pour dire qu’il s’agit tout simplement de paresse de la part des médias. D’ailleurs, en lui adressant la parole peu après le concert, on lui a demandé quel message il voudrait adresser aux médias. Il nous a répondu qu’il aimerait qu’ils cessent d’utiliser des « buzzwords ». « Je veux juste qu’on me parle de comment je rappe », avoue-t-il. Est-ce vraiment trop demandé de la part d’un rappeur?

Photo par Vivien Gaumand

Carrière et prochain album

Avec un bon accent new-yorkais, il a également parlé de sa carrière, lors du symposium de mercredi. Il a donné quelques indices sur ce à quoi son prochain album ressemblerait: « une peine d’amour, mais sur la kétamine », a-t-il lancé en riant.

Cette conférence a révélé un homme très concentré sur le travail, qui veut mettre de l’avant son art. Très humble, il a rappelé à la quinzaine de personnes présentes dans la pièce que « si vous voulez vous embarquer dans la musique, assurez-vous de le faire pour l’art et non pour l’argent et la célébrité. C’est difficile et ça prend beaucoup de travail, on ne peut pas s’embarquer là-dedans si on n’est pas prêts à travailler ».

Il a également parlé de la réalisation de son projet cinématographique « semi-autobiographique », visibility sucks, dans lequel il raconte l’histoire d’un artiste qui doit se trouver un job de 9 à 5 à cause d’une pandémie.

 

POP Montréal: diversité et amour

Pour sa 20e édition, POP Montréal est fidèle à ses habitudes et présente une fois de plus une programmation diversifiée et originale, qu’on a de la difficulté à retrouver dans les festivals francophones plus mainstream. Lors de la soirée du 23 septembre, d’ailleurs, ce sont des artistes principalement Noirs et issus de la communauté LGBTQ+ qui sont montés sur scène. La réceptivité de la foule et l’ambiance générale du festival démontrent aisément que non seulement il y a une demande pour des programmations diversifiées dans les festivals montréalais, mais que celles-ci fonctionnent et peuvent être de qualité.

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