crédit photo: Sebastian Sevillano
Madeleine Peyroux

Martha Wainwright et Madeleine Peyroux à la Place des Arts | Folk énergique et jazz doucereux

C’est un double plateau au Théâtre Maisonneuve, avec la charismatique Martha Wainwright pour commencer, suivi de l’agréable pop/jazz de Madeleine Peyroux pour une partie plus consensuelle, chacunes avec une prestation d’une heure. La tournée était planifiée pour s’arrêter dans dix villes canadiennes mais elle s’est mystérieusement réduite à Toronto, Québec et Montréal, sans explication. Dimanche soir, à Montréal, le Théâtre Maisonneuve était plein pour cette double affiche, même si les sections des balcons restaient fermées. Le public est composé majoritairement de têtes blanches et grisonnantes.

 

Martha Wainwright efficace et énergique

Martha Wainwright entre en scène dans une courte robe rose bonbon et son sourire illumine déjà la salle.

Elle présente son pianiste Edwin de Goeij avec lequel elle a beaucoup tourné ces derniers mois. Et privilège montréalais, s’ajoutent les deux excellents musiciens, le contrebassiste Morgan Moore (Little Animals, Black Legary) et Tommy Crane à la batterie (Aaron Parks, Melissa Aldana. La Force). Deux talents que l’on retrouve régulièrement à l’Ursa, la petite salle intime de l’Avenue du Parc dont Martha est la propriétaire et où ont été enregistrés les titres pour la version Deluxe de son dernier album Love Will Be Reborn.

Et c’est d’ailleurs le titre Love Will Be Reborn qui entame la soirée. Martha Wainwright est toujours aussi intense et elle est déjà complètement immergée dans l’énergie du concert dès son premier titre, tout en contrôle. S’ensuit Bleeding All Over You et Far Away chantés impeccablement avec émotion et avec un jeu de guitare très en place.

C’est une énergie quasi sexuelle qu’irradie la chanteuse de grande intensité et qui réussit à captiver l’auditoire en un claquement de doigts. Après un départ raté, elle recommence sans faire d’histoire le beau titre de Barbara Dis, quand reviendras-tu ? Une très belle interprétation dont le texte dramatique est perturbé à la fin de la chanson par l’apparition impromptue du chien de Martha échappé des coulisses sous le rire de l’auditoire.

Et elle sait qu’elle dispose seulement d’une heure, donc ça ne traîne pas les titres s’enchaînent sans trop de temps morts. Après une lecture sur les soupers avec son père au restaurant extraite de son autobiographie Stories I Might Regret Telling You / Rien de grave n’est encore arrivé pour la version française traduite par Fanny Britt, sortie en 2022, elle joue le titre Dinner at Eight écrite sur le même thème par son frère Rufus Wainwright.

Martha a beau être coincée devant son micro, ça ne l’empêche pas de piétiner sur place ou d’enchaîner les mouvements de jambes, elle émane de la haute tension! Et c’est ensuite le morceau épique Excursion À Venise des sœurs McGarrigle, puis Around The Bend.

L’heure magique de Martha Wainwright se termine avec This Life, sans rappel, question d’horloge… Sûr que l’on en aurait repris davantage.

C’est la première fois que j’assiste à un concert de Martha Wainwright et je dois dire que j’ai été complètement séduit, avec des titres souvent poignants mais aussi une interprétation incarnée et une présence charismatique rare, qui magnétise tout autour d’elle. J’ai déjà hâte à sa prochaine tournée. Mais pour ça, comme elle l’a dit, il faut qu’elle arrête de procrastiner dans son jardin et qu’elle écrive des nouvelles chansons!

Madeleine Peyroux : du beau jazz d’ambiance sans surprise

Madeleine Peyroux est actuellement en promotion des 20 ans de la parution de son album phare Careless Love (2004), composé de reprises à sa sauce jazz-pop. Elle commence sa partie seule avec sa guitare par une belle interprétation de J’ai deux amours, titre popularisé par Joséphine Baker. Et le morceau s’enchaîne naturellement vers un titre bien country blues au racine du sud profond que j’apprécie.

Arrivent ensuite ses trois excellents musiciens, Andy Ezrin aux piano et clavier, Bill Moring à la contrebasse et Graham Hawthorne à la batterie et nous avons donc droit à une belle version du Dance Me to the End of Love de Leonard Cohen mais qui a perdu un peu du piquant et du côté subversif de Cohen.

Dans un effort d’insuffler un peu de folie, elle nous présente « a little silly song » écrite rapidement et qui aligne les noms de quelques personnalités canadiennes et québécoises de la musique et du cinéma sur un air d’un standard jazz. Elle lance aussi quelques fleurs au Canada, le tout en français, pour un résultat finalement assez racoleur et un peu malaisant. J’espère au moins qu’elle ne fait pas ça pour chaque pays qu’elle traverse!

Les chansons s’enchaînent, notamment son hit notoire Careless Love avec un beau jeu de clavier d’Andy Ezrin qui reprend le son du mythique orgue Hammond B3. Il y a aussi sa reprise de La Javanaise de Serge Gainsbourg dans une version sage et fidèle, tout l’inverse de Gainsbourg.

On aurait aimé que la contrebasse et la batterie aient eu un peu plus de place pour s’exprimer mais il faudra se contenter de quelques rares parties solos de leur part qui promettaient de belles envolées.

Après un rappel convenu de deux titres, les lumières restent longuement allumées sur scène. Mais comme la grande majorité du public est déjà en train de quitter la salle, cela fait tourner court toute velléité de deuxième rappel.

Avec Madeleine Peyroux, tout est bien en place, ça joue très bien et elle chante de façon impeccable mais tout est contrôlé et manque un peu de spontanéité. On aurait aimé voir un grain de folie de temps à autre, qui aurait donné une autre dimension à sa musique pour en faire autre chose qu’une agréable soirée qu’on aura vraisemblablement oublié le mois prochain.

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