Marie Lacasse

L’OSM présente L’Amérique sous influence à la Salle Bourgie | Dialogues musicaux entre deux continents

Vendredi soir, la Salle Bourgie accueillait un quatuor brillant de musiciens de l’OSM : Ariane Lajoie (violon), Marie Lacasse (violon), Sofia Gentile (alto) et Sylvain Murray (violoncelle). Réunis pour jouer des pièces rares composées par les musiciens américains George Gershwin (1898-1937), Walter Piston (1894-1976), Aaron Copland (1900-1990) et Samuel Barber (1910-1981), leur performance a pu réchauffer l’âme des spectateurs engourdis par l’Hiver.

Musiciens et répertoire étonnants : un spectacle complet !

Le son profond, tantôt grave, tantôt chaleureux produit par le quatuor de musiciens a donné sa marque à la soirée. Marie Lacasse et Sylvain Murray jouaient pour l’occasion des instruments prêtés datant du 17e siècle, de quoi mettre en valeur un répertoire dont l’étrangeté ne se prête qu’aux meilleurs musiciens. Au programme, Lullaby pour quatuor à cordes de George Gershwin, Quatuor à cordes n°3 de Walter Piston, Two Pieces pour quatuor à cordes d’Aaron Copland et Quatuor à cordes en si mineur, op.11 de Samuel Barber. Ces pièces rarement jouées se situent aux confins de l’Europe et de l’Amérique, du classicisme et de la modernité.

La première pièce surprend nos oreilles tant habituées au Gershwin de Rhapsody in Blue et Porgy and Bess. Cette berceuse que l’on pourrait prendre pour une valse, plie et déplie un même thème pendant 8 minutes. Composée comme exercice à l’âge de 21 ans pour son professeur Edward Kilenyi, cette pièce de jeunesse est influencée par l’écoute de la musique des grands compositeurs européens, tout en étant déjà marquée par les rythmes syncopés du jazz. Le quatuor à cordes de Piston, composé en 1947, témoigne quant à lui des recherches du compositeur sur le chromatisme et de son intérêt prononcé pour la musique atonale d’Arnold Schœnberg.

La pièce de Copland, qui poursuit la soirée, porte également la marque de ce dialogue entre Europe et Amérique : créée en 1924 lorsqu’il faisait ses études au Conservatoire américain de Fontainebleau, l’œuvre est un hommage à Gabriel Fauré. Enfin, la salle a résonné du fameux adagio pour cordes de Barber, encadrés de deux mouvements molto allegro, rarement joués.

 

Amérique et modernisme

Si l’on met de côté le Lullaby de Gershwin, les trois autres œuvres se singularisent par leur capacité à provoquer l’imagination et l’émotion, les formes et les harmonies classiques étant présentes, mais souvent laissées de côté ou étouffées par la recherche d’une modernité musicale, marquée par les dissonances et le chromatisme. Chez Piston, la musique, grave, est empreinte d’un sentiment d’excitation, chez Copland un premier mouvement austère et recueilli, où dialoguent sans cesse violon et violoncelle laisse place à une musique pleine de frénésie et de mystère. Enfin, le quatuor à cordes de Barber, substitue magistralement un sentiment profondément dramatique et mélancolique, à un premier mouvement bourdonnant, où chaque harmonie retombe toujours dans l’étrangeté.

La musique de Piston, Copland et Barber prend forme au contact de l’espace américain, tout autant qu’à celui du modernisme musical. Les grands espaces semblent évoqués lorsque la musique, grandiose et majestueuse, transmet le sentiment de sublime et d’infini des paysages américains. Elle peut aussi ramener à la grande ville et à son agitation, lorsqu’elle se fait frénétique et excitée.  Domine également, notamment dans l’adagio pour cordes de Barber un sentiment dramatique très fort et une grande mélancolie.

Ce mouvement du quatuor à cordes sera d’ailleurs utilisé de nombreuses fois comme musique de film. La musique de Barber, par ses composantes propres, pouvait donc accompagner le 7e art, industrie reine du 20e siècle américain.

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