L'oiseau de feu

Les Grands Ballets à la Place des Arts | Le Sacre du Printemps revisité

Une nouvelle soirée aux Grands Ballets est toujours synonyme de découvertes. Ce fut le cas jeudi soir où la programmation mit à l’honneur deux grands ballets russes dans une nouvelle chorégraphie en première mondiale : L’Oiseau de Feu par Bridget Breiner et Le Sacre du Printemps par Étienne Béchard.

Deux plus courtes pièces accompagnèrent ces deux oeuvres : Presto-Dretto (première mondiale également), sur une chorégraphie d’Ivan Cavallari, le nouveau directeur artistique de la compagnie, et In Honour Of, de Bridget Breiner à nouveau.

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Il est toujours difficile de s’attaquer à la musique que Stravinsky a composée pour les Ballets russes de Diaghilev à l’aube de la Première Guerre mondiale. L’Oiseau de Feu, dont la chorégraphie originale de Fokine est encore très empreinte de mouvements classiques ouvre la voie à toutes sortes d’expérimentations qui auront lieu par la suite.

Bridget Breiner, danseuse et chorégraphe allemande a choisi quant à elle une ambiance très sombre, inquiétante, alliée à un décor très épuré qui symbolise un espace restreint duquel il est difficile de s’échapper. La gestuelle fait intervenir des bruitages corporels apparentés aux battements d’ailes vains des oiseaux entravés, notamment au milieu de la pièce quand les danseurs tambourinent sur le sol de manière vive avec leurs mains et/ou leurs pieds dans un silence angoissant.

Néanmoins, la version présentée hier soir n’est pas une ludique histoire de contes pour enfants. Tragique, l’oiseau de feu (que l’on interprétera chacun à sa façon) conduit à la perte des autres personnages, qui finissent tout de même par s’émanciper de leur ‘cage’. On y dénote quelques problèmes de synchronisme entre les danseurs nous faisant perdre par moment la clarté du propos.

Court intermède dansant

Deux courtes pièces s’enchaînaient par la suite de manière un peu confuse après un bref intermède musical interprété avec beaucoup d’élégance par les deux chanteuses Amelia Keenan et Camille Brault. Tout d’abord, Presto-Dretto, conçu sur une musique de Vivaldi jouée par des musiciens sur scène et dont la chorégraphie, très épurée, est beaucoup plus aiguisée et réalisée avec précision que dans la pièce précédente. Cette oeuvre met à l’honneur cinq danseurs qui évoluent par petits groupes (solo, duo, trio) dans un grand respect de l’inflexion et des accents musicaux et s’inscrit dans la mode d’accoler une chorégraphie moderne à une musique baroque. Beaucoup plus dans le contact et la prise d’appui les uns sur les autres, les mouvements des cinq solistes sont aussi effectués avec plus de soin et de concision.

In Honour Of, la troisième pièce de cette première partie, fait interagir un trio où une femme et deux hommes semblent fascinés par un spot lumineux avec lequel ils s’amusent. Chorégraphiée également par Bridget Breiner sur la musique de Georgs Pelēcis qui rend hommage à Purcell, cette pièce reprend une gestuelle plus imprécise et se déroule sur une scène épurée dont le seul objet avec lequel il est possible d’interagir est un spot lumineux qui éclaire la scène d’une douce pénombre.

S’approprier un classique

Grande réussite pour Le Sacre du Printemps du jeune chorégraphe Étienne Béchard, ancien danseur du Béjart Ballet Lausanne. Revisité de nombreuses fois, le ballet initialement chorégraphié par Nijinski fit scandale par sa modernité et les nouveautés qu’il proposait lors de sa création en 1913.

La musique de Stravinsky est riche, rythmique, très ancrée dans des thèmes issus du folklore russe et demande énormément d’énergie aux danseurs qui se doivent de lui donner un sens. Étienne Béchard s’approprie totalement l’oeuvre et recrée une nouvelle chorégraphie, engagée et viscérale, tout en tenant compte de la trivialité du sujet initial. Il n’est pas étonnant de le savoir ancien danseur de la compagnie Béjart car l’intelligence et la maîtrise de la pièce s’en ressentent. On y retrouve d’ailleurs certains aspects de la chorégraphie de Nijinky.

S’opposent sur scène deux groupes de danseurs, les gens du haut, habillés sombrement qui s’activent de manière plus néoclassique, plus snob, en regardant avec mépris les gens du bas, qui eux, se mouvent dans une danse beaucoup plus ancrée dans le sol, sportive et désespérée. C’est véritablement dans cette pièce que l’on a pu sentir l’esprit de cohésion et de synchronisme de la compagnie, qui semble maîtriser totalement cette nouvelle chorégraphie. Les danseurs sont possédés par cette musique entraînante, à la limite de la folie, interprétée avec beaucoup de dynamisme, malgré quelques problèmes de justesse, par l’orchestre des Grands Ballets dirigé par Jean-François Rivest.

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