Festival Suoni Per Il Popolo 2023 | Une soirée en demi-teinte entre musique concrète et contemporaine

C’est une soirée sous le signe de la musique moderne à la Casa Del Popolo avec tout d’abord l’exploration hors norme du trombone de Kalun Leung accompagné d’une impressionnante installation. Ensuite, PPP présente sa musique concrète, peut-être un peu trop sage. Pendant ce temps, le Quatuor Bozzini interprète Long Gradus de Sarah Davachi.

 

Le tromboniste Kalun Leung et son installation à la Casa Del Popolo

Dans la petite salle de la Casa, l’installation de Kalun Leung prend bien de la place devant la scène : un tuba est surmonté d’un large ballon, bien gonflé. Trois pavillons de trombone sont branché par des tuyaux d’arrosage à des endroits stratégiques du tuba.

Le premier morceau commence par le son du souffle, Leung modulant sa respiration pour offrir une palette de sonorité dérivée de l’air qu’il éjecte, tout en gonflant davantage le ballon, poumon artificiel de l’ensemble. Il prend son trombone et y travaille également ses soufflements pour aboutir à une vraie note claire.

Le deuxième titre propose un bourdon joué par l’installation tuba. Kalun Leung règle avec soin une soupape pour obtenir la note puis branche sa pompe électrique pour gonfler à nouveau le ballon et permettre de faire durer la note davantage. Il joue ensuite avec son trombone tout d’abord en reprenant le bourdon puis en brodant autour, notamment en jouant deux notes avec son instrument.

Les titres suivants continuent d’exploiter les notes de l’installation en jouant sur les très légers décalages de notes pour des effets de phase aussi intéressants que perturbants, tout en agrémentant l’ensemble avec son trombone et sa technique particulière mais maîtrisée. Évidemment, la performance se termine lorsque le ballon est à bout de souffle et pend tristement à côté du pavillon du tuba comme un animal triste.

Kalun Leung se situe plus dans l’exploration transversale de la pratique du trombone qu’une recherche harmonique traditionnelle. Le dévouement du musicien à détourner l’instrument des sonorités pour lesquelles le trombone est conçu est une quête que je trouve admirable et qui rejoint ma sensibilité, avec un petit côté iconoclaste que j’apprécie particulièrement. Ça ne plaira pas vraiment aux fans de Taylor Swift, mais ça reste agréable de se faire présenter ces détournements extrémistes.

 

La musique concrète de PPP dans la tradition du style

La deuxième partie de la soirée présente le trio PPP, soit Philippe Lauzier, Philip Zoubek et Pierre-Yves Martel. Le trio a exploré divers styles, passant des instruments traditionnels (anches, piano et viole de gambe) à une direction électronique comme ce soir.

Avec des synthétiseurs analogiques, numériques et modulaires, ils travaillent le son chacun à leur façon. Au centre, deux hauts parleurs orientés vers le plafond sortent notamment les basses de l’ensemble et la sonorité y est travaillée en y ajoutant divers éléments sur les cônes qui vibrent plus ou moins aléatoirement suivant la matière et les tonalités émises.

Le trio est dans sa période musique concrète/électroacoustique et on reste en terrain connu avec les sonorités de cloches synthétiques, les notes rapidement égrenées avec un léger écho, le synthé modulaire et ses douces transformations sonores. Le concert présente donc une longue pièce qui évolue et crée des paysages sonores aux complexités variées. Pierre-Yves Martel mérite de belles félicitations avec sa maîtrise du synthé modulaire pour ses changements de traitement des sons à la volée ; ça consiste à câbler différemment l’arrangement des traitements en changeant les branchements, rien de très intuitif pour un résultat difficilement assuré.

Pour avoir exploré le répertoire des Stockhausen, Schaeffer, Boulez et consorts, il y a quelques années déjà, j’ai quelques intérêts avec la musique concrète et électroacoustique. Et j’ai été surpris ce soir de constater que ce qui nous était présenté restait proche des fondateurs, même si la technologie a apporté quelques avancées comme davantage de polyphonies avec les instruments. Je me serais attendu à un rendu plus exploratoire et bien moins révérencieux envers les maîtres du genre, qui sont morts depuis quelques décennies.

 

À la Sala Rossa, le Quatuor Bozzini interprète Long Gradus de Sarah Davachi

Pour commencer la soirée, j’assiste à l’exécution de Long Gradus à la Sala Rossa. Dans une salle pleine, le quatuor à cordes est installé au milieu de la salle et est entouré de rangées circulaires de chaises. C’est chaleureux, d’autant plus que la sonorisation est discrète pour profiter davantage de l’acoustique des instruments.

La pièce Long Gradus de Sarah Davachi est interprétée pour la première fois à Montréal. C’est une exploration de l’expérience spatiale de l’harmonie à travers un système d’intonation juste à sept tons et de l’accordage scordatura baroque qui diffère de l’accordage dit standard.

Les musiciens jouent de longues notes qui se recouvrent et s’enchaînent lentement entre les tons et les demi-tons. L’évolution du morceau avance tranquillement et laisse place à l’imagination et à l’intégration des agencements de notes originaux.

Je salue l’effort et l’originalité de la démarche tout en comprenant la proposition et l’évolution de la partition, mais je concède que ce n’est pas le type de musique qui me parle le plus. C’est cependant tout à fait le genre de musique que j’imagine accompagner une exposition dans un musée ou un film.

Le festival Suoni Per Il Popolo se poursuit jusqu’au 25 juin prochain. Consultez cet article pour connaître nos suggestions de concerts auxquels assister.

Sors-tu revient vendredi prochain au festival Suoni Per Il Popolo pour Zulu/Jetsam/Leash Aggression à la Sala Rossa.

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