crédit photo: Sami Rixhon

Festival Metro Metro – Jour 2 et 3 | Le rap pour simple alibi

Après une première journée à l’horaire chamboulé, le festival de musique urbaine Metro Metro se poursuivait samedi et dimanche. Le rap pour simple alibi? Vous comprendrez plus tard.

 

Samedi – Jour 2

Accueilli correctement, sans plus, à l’entrée des artistes et donc, des médias, arrivée au milieu de l’après-midi vers la scène principale Bud Light.

Pour sa 3e édition, le festival d’Olivier Primeau, organisateur et créateur de Metro Metro, opte une fois de plus pour une programmation 100% hip-hop et rap : toutefois, le site se situe cette année entre le Stade olympique et le Stade Saputo, une première.

Outre les polémiques de l’année dernière ayant entaché le nom de Metro Metro, l’organisation générale du festival se révèle efficace (à l’exception de l’entrée retardée de la première journée, bien entendu), compte tenu de l’envergure et du caractère récent de l’événement.

Un nombre impressionnant de toilettes sont accessibles à l’usage des festivaliers, de même que de la nourriture et des boissons variées (poutine, hamburger, tacos, crème glacée, limonade, stand uniquement dédié à la boisson Monster Energy). La présence d’employés du GRIP, informant et sensibilisant à la consommation responsable, ainsi que de bornes d’eau et d’un stand proposant une activité ludique en rapport avec la boisson Beach Day Everyday, sont également à dénoter.

Les artistes du samedi et du dimanche débutent et terminent chaque fois à l’heure, un mérite, car le monde du hip-hop ne se montre pas des plus renommés quant à sa ponctualité.

L’équipe derrière Metro Metro semble avoir appris de ses erreurs, pour le mieux.

 

Un après-midi full Québec

Après un set de DJ Quest, mixant des incontournables du rap US comme Sicko Mode, Mask Off ou XO Tour Llif3, devant un public éteint (on l’excuse, c’est encore l’après-midi), place aux artistes québécois.

Une courte note pour faire part que la vue sur le Stade demeure absolument imprenable, après-midi comme en soirée : en d’autres mots, il y a pire comme emplacement de festival, c’est certain!

La Lavalloise Guessmi ouvre le bal, vers 16h : dotée d’une solide attitude sur scène et de quelques chansons intéressantes, la rappeuse ne parviendra pourtant pas à faire lever l’ambiance. Encore une fois, il est tôt, et le parterre ne se retrouve qu’être rempli au tiers de sa capacité, à peine.

S’ensuit le duo DawaMafia, formé des frères Zacka et Tali B : la performance apparaît comme un brin confuse, probablement due à un manque d’attention de la foule. À noter la sortie de leur album, Infréquentable, sur les plateformes, survenue la veille de leur performance.

Alors que des animateurs chauffent le public sur Industry Baby de Lil Nas X (annonciateur de la tête d’affiche de ce samedi?), on continue dans les duos avec Gros Big, peu après 17h.

Adamo et J7, venant tout droit du « hood de Longueuil », interprètent quelques-uns de leurs succès, incluant Montrez-Moi du premier, devant un public donnant l’impression d’être davantage familier avec leur musique que ce qui précédait.

La foule du parterre ayant déjà doublé, le rappeur montréalais MikeZup clôture ce segment hip-hop de la Belle Province : moins mémorable que le passage de Gros Big, MikeZup a tout de même le mérite d’avoir ramené le populaire rappeur Enima sur scène, non sans oublier sa bonne performance de Hit Me Up (par contre, peut-être pas nécessaire ce montage avec des dollars à ne plus compter, on comprend dans les textes que tu as de l’argent).

À relever qu’on l’entendra beaucoup durant cette fin de semaine, ce « Montreal make some motherfucking noooise! » (de même que ce son de klaxon devenu insupportable tellement les DJ en abusent).

Un constat s’impose pourtant : le public a du mal à s’ambiancer avant les têtes d’affiche de la soirée.

Il fallait ces Américains.

 

Quand les esprits s’échauffent

Le duo d’Atlanta Homixide Gang entre sur scène vers 18h30, l’ambiance monte définitivement d’un cran.

Peut-être un peu trop?

Il est objectif d’écrire que la culture associée à la rue et au hip-hop ne se révèle pas des plus subtiles : ce propos s’est malheureusement reflété dans le public, et surtout, dans son attitude collective.

Votre rédacteur ici présent s’avère lui-même un grand amateur de turbulences dans la foule. C’est préférable, et même nécessaire dans ce type d’événement.

Mais lorsqu’on dénote un nombre incalculable de canettes lancées sur la tête d’autres festivaliers, des micro-agressions envers diverses femmes dans le public, une bataille virée rouge initiée par un groupe – des taches de sang sur le sol n’agrémentent pas l’écoute d’un concert, disons –, on se rend compte en moins de deux qu’il se trouve bel et bien un problème majeur et récurrent quant à la foule de Metro Metro.

Loin de célébrer la musique ou le retour du beau temps, des comportements absolument honteux comme tels, sortant du cadre de ce que devrait représenter fondamentalement un festival, sont sans aucun doute tenus à être davantage réprimés par une sécurité pour le coup trop absente; la puissance du rap n’excuse rien, le rap n’est pas un alibi.

Pour en revenir à Homixide Gang, si la musique ne se montrait pas des plus désagréables, c’est surtout ce qui avait lieu dans le parterre qui rendait le moment palpitant : des mosh pits à n’en plus finir, devant une réalisation d’images psychédéliques et morbides maîtrisée.

Après des jets d’eau dans la foule, jolie touche de l’organisation du festival, Ski Mask The Slump God se manifeste dans la même optique que ses confrères américains : misant avant tout sur l’ambiance dans sa performance, le rappeur floridien déchaîne les ardeurs au travers ses morceaux, non sans avoir omis l’introduction de sa performance par de son DJ, voulant déterminer si la foule était « lit enough », enchaînant quelques classiques du rap américain tel que m.A.A.d city, de Kendrick Lamar.

Pourtant, derrière chaque gangsta se cache un homme sensible : grand ami de XXXTentacion, Ski Mask The Slump God interprète des titres plus calmes du défunt rappeur, tels que Jocelyn Flores ou SAD!.

Pour rappel, XXXTentacion s’est fait assassiner par arme à feu en 2018, à l’âge de 20 ans.

Suivant le segment « plus triste », de ses mots, il est temps pour le rappeur de « fuck this shit up », avec Look at Me!, encore une fois de XXXTentacion.

 

Pause

Téléphones d’une majorité de la foule levés en l’air, le jeune rappeur Lil Tjay (22 ans) offre une proposition drastiquement opposée à tout ce qui a été aperçu plus tôt dans la journée.

Maladroit dans la gestuelle, le natif de New York semble pourtant animé d’une énergie différente : toujours le sourire aux lèvres, Lil Tjay rappe d’une voix aiguë en sautillant partout sur la scène, installant un univers romantique, presque doux, avec notamment None of Your Love.

L’artiste enchaîne avec Zoo York, puis Dior, titres ayant tous deux un lien avec le défunt Pop Smoke, avant de terminer sur une double interprétation du très populaire F.N et un autre morceau, sous des éclairages rouge et orange et une bruine de plus en plus présente.

Jack Harlow : il pleut bergère

Après 45 minutes d’attente sous une bruine devenue pluie, Jack Harlow entre sur scène à l’heure pour la dernière performance de cette deuxième journée de Metro Metro.

Alors que beaucoup sont déjà partis face aux conditions, quelques milliers de courageux, parfois armés de ponchos et de parapluies, voient Jack Harlow opter pour une introduction sobre, ce dernier sous un manteau à capuche et accompagné d’harmonies diverses.

Rapidement, Tyler Herro est joué, un « Jack’s classic » de ses mots, permettant de déterminer qui sont ses fans, encore une fois de ses propres mots.

On constate avec aise que, musicalement, l’artiste se trouve à des années-lumière de la majorité des propositions de la journée : guitariste et batteur sur scène, flows précis, productions posées, s’aventurant parfois dans le jazz.

Sa tête d’affiche n’est pas déméritée.

Jack Harlow se révélant être un rappeur accessible, il semble plutôt plaire davantage aux filles de cette foule qu’aux festivaliers masculins. Et inversement.

Après avoir arrêté son concert pour permettre à la sécurité de porter assistance à un individu dans la foule (« I do it for Canada man », réplique-t-il), le natif de Louisville, au Kentucky, prend le temps entre deux chansons de lire les affiches salaces de ses admiratrices, ainsi que d’avouer par la suite à l’une d’elle « qu’il a envie de lui parler depuis le début de la soirée ».

Si Lil Tjay est plutôt un romantique au cœur brisé, Jack Harlow apparaît quant à lui comme un séducteur charismatique. Il apprécie son public, le remercie de nombreuses fois d’être venu et resté sous la pluie pour l’écouter alors qu’il y a quelques années, le rappeur se produisait en concert à 1h de l’après-midi devant à peine 15 personnes, de son histoire.

Après des performances remarquées de Dua Lipa ou de titres de son nouvel album, paru il y a trois semaines, Jack Harlow constate qu’il est temps de « light this bitch up », puis continue avec Industry Baby, l’excellent What’s Poppin, avant de terminer sur First Class, sous des feux d’artifice.

Il est là, le rap qu’on aime.

Pas dans cette violence non contenue, dans ce ramassis de débordements inutiles.

Le rap qu’on aime se retrouve dans les textes, les productions, bref, dans la musique.

Jour 3

Après l’annonce du désistement de la rappeuse Bia, l’horaire est une nouvelle fois remanié, pour débuter la journée avec l’artiste multidisciplinaire Naomi, québécoise.

Arrivé quelques minutes après la fin de sa séquence, Sarahmée, dans la même lignée de rappeuses locales, offre une performance remarquable à la foule.

Celle-ci n’apparaît pourtant que très peu réceptive : peut-être que le style musical n’est pas adapté à l’événement?

« Metro Metro est-ce que vous êtes en forme ce soir? », lance-t-elle, avant d’enchaîner sur des titres comme Poupée russe ou Fuego.

Accompagnée de productions à sonorités afrobeat et de danseuses talentueuses, un constat sur Sarahmée : les textes se révèlent profonds, abordant des enjeux réels comme le racisme systémique, directs, définis, complètement à l’opposé du mumble rap dont certains artistes de la veille nous ont habitué.

Et des artistes féminines, il en manque cruellement dans le rap.

Ça fait du bien, pour le coup.

Alors que les mosh pits commencent entre les deux performances, Killy, de son vrai nom Khalil Tatem, entre sur scène aux alentours de 17h30.

Pas grand-chose à dégager, outre le fait que l’ambiance est dorénavant lancée, et que le rappeur de Toronto s’avère être paresseux dans son segment.

Performant l’entièreté du set en play-back, à l’exception de quelques « let’s go! », Killy n’essaie même pas de mimer correctement les paroles. Le moment le plus marquant? Lorsqu’il s’approche de la foule pour « rapper » à ses côtés, ce qui aura pour simple effet de permettre de remarquer encore plus aisément qu’il préfère mettre ses efforts pour ambiancer la foule que pour produire sa musique en concert.

S’ensuit une quarantaine de minutes du rappeur Lil Skies, arrivant presque à faire croire après Killy qu’utiliser son micro, c’est impressionnant (alors que, c’est plutôt le strict minimum).

La foule est réactive et chante avec lui sur des succès comme Lust ou I, devant un écran projetant des images de têtes de mort : beau parleur, Lil Skies quitte la scène Bud Light en partageant une poignée de « je t’aime » à la foule, lui suggérant également de continuer à poursuivre leur rêve.

De l’amour, mais à ces limites : trois batailles éclatent en une trentaine de secondes quelques minutes après le début de sa performance, obligeant la sécurité à intervenir, encore une fois, trop tard.

Ça recommence…

Derrière les platines

Metro Boomin n’apparaît pas comme un beatmaker comme les autres : sa place de troisième tête d’affiche du dimanche révèle le caractère distinct de l’artiste, de même du fait que le producteur détient une certification platine pour son album solo, Not All Heroes Wear Capes.

Armé de ses habituelles lunettes et de ce qu’il semble être un couvre-chef arborant la croix des Templiers, Metro Boomin propose durant environ une heure, en mode DJ, les succès de ces rappeurs et ses amis, au travers de productions éclectiques et soignées.

Tuesday​, d’iLoveMakonnen, Mask Off, de Future ou encore Child’s Play, de Drake, seront entre autres entendus, alors que le producteur de Saint-Louis termine sa performance sur le populaire Superhero (Heroes & Villains).

D’un point de vue personnel, la meilleure performance de la soirée, de loin.

* Photo par Sami Rixhon.

Avant l’entrée de Nav, deuxième Torontois de la journée, le DJ lance Dior, de Pop Smoke, et également Doja, de Central Cee, histoire de réchauffer la foule.

Le rappeur accède à la scène suite à des « We want Nav » répétés du public, et poursuit avec des chansons à succès comme Know Me ou Wanted You.

Pas énormément de turbulences dans la foule sont à annoncer, l’artiste suggérant par la suite à son public de crier en boucle la libération de son ami rappeur, avant de terminer avec Lemonade.

Pour s’occuper du dernier segment de la dernière journée, le rappeur Lil Baby entre exactement à l’heure, sous une armée de téléphones visant à capturer l’instant présent. Et à ruiner celui-ci, par la même occasion.

« I came here to have a good time, did you come here to have a good time? », confie-t-il à la foule, alors que le rappeur d’Atlanta avait oublié de couper son autotune.

La foule donne l’impression de parfaitement connaître les textes du rappeur, avant que ce dernier interprète entre autres Close Friends ou Every Chance I Get.

Et pourtant : le mixage s’avère absolument catastrophique, au point qu’il apparaît presque impossible de discerner une phrase complète rappée par Lil Baby tant les basses sont beaucoup trop puissantes.

Une performance en demi-teinte, probablement malgré lui.

Des confettis projetés partout à travers la foule signent la fin du festival, puis l’écran annonce ce message : « Merci pour cette belle journée inoubliable, Metro Metro Fam! Veuillez vous diriger vers la sortie la plus près. Nous vous souhaitons un bon retour! ».

Metro Metro détient cette grande capacité à savoir ramener un certain type de clientèle dans le Parc olympique le temps d’une fin de semaine.

Mais qu’une seule fin de semaine par année par contre.

Pas plus, s’il vous plaît.

 

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